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L'EXPOSITION UNIVERSELLE

de 1889

IL a tHé tiré de cet ouvrage ôO Exemplaires numérotés sur papier <les Manufactures Impériales

du Japon.

E. MONOD

L'EXPOSITION UNIVERSELLE

de 1889

GRAND OUVRAGE ILLUSTRÉ HISTORIQUE, ENCYCLOPÉDIQUE, DESCRIPTIF

PUBLIE

Sous le patronage de M. le Ministre du Commerce, de l'Industrie

et des Colonies

COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE L'EXPOSITION

Tome Ier

PARIS

E. DENTU, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

3, Place de Valois (Palais-Royal)

1890

(Tous droits réservés)

THE GETTY CINTLS llBRARf

M. CARNOT

Président de la République Française

AVANT-PROPOS

L'Exposition n'a pas été seulement un grand triomphe pour la France, dont elle a affirmé d'une façon éclatante le génie pacifique, la puissance créatrice et, dans bien des cas, la supériorité encore incontestable, sinon toujours incontestée.

A ce point de vue spécial, cependant, l'Exposition a donné à nos producteurs et à nos industriels des indications dont ils devront tenir grand compte. On a pu y voir des peuples jeunes encore, industriellement parlant du moins, qui, nos élèves hier, sont devenus nos émules aujourd'hui et pourront être nos maîtres demain.

Par son succès même, par son importance absolument exceptionnelle et jusqu'à ce jour inconnue, l'Exposition ne pouvait manquer d'exercer, et a exercé, en effet, une influence, peu définie peut-être, mais à coup sûr considérable, non seulement sur la marche industrielle de celle fin de siècle, mais encore sur la marche écono- mique et générale des événements actuels.

Dans ces conditions, il était intéressant, nécessaire pourrais-je dire, de fixer définitivement l'histoire et le souvenir, de mettre en lumière les avantages et les résultats de celte merveilleuse manifestation de l'esprit humain.

Telle est l'œuvre que j'ai entreprise.

Certes, mieux eut valu, reprenant l'idée des organisateurs de la première heure, qu'une grande Commission, constituée à cet effet et mettant en œuvre les merveilleux éléments que lui eussent fournis l'Exposition et ses congrès, ait assuré, par la publi- cation de ses travaux, la confection d'une Encyclopédie magistrale du xixL siècle, à laquelle, selon l'expression de M. Edouard Lockroy, aurait collaboré le monde civilisé, et qui aurait laissé ainsi à l'avenir un monument impérissable et un sou- venir éternel.

Il n'en a pu être ainsi, et l'œuvre maîtresse, à peine entrevue, reste à accomplir et deviendra peut-être la raison d'être de l'Exposition de demain.

Ne pouvant à mon tour définir, discuter et résoudre tous les problèmes, toutes les questions agités à celte occasion, je me suis contenté de les rappeler, en les étudiant du moins dans leurs points essentiels. Ne pouvant publier l'Encyclopédie du siècle, j'ai tenté de publier celle de l'Exposition.

Dans quelle mesure y suis-je parvenu? Les sympathies nombreuses et, plus encore, les concours précieux et bienveillants que j'ai rencontrés peuvent me lais-

AYANT-PUOPOS

ser espérer que l'œuvre ainsi entreprise et conduite ne sera pas sans quelque utilité.

Je ne parle que pour mémoire de l'intérêt qui s'attache au sujet lui-même.

Il me reste à remercier tous ceux qui, à quelque litre que ce soit, ont bien voulu me seconder dans l'accomplissement de la lâche assumée.

Je dis ailleurs quels ont été mes collaborateurs pour tels ou tels chapitres de mon œuvre, qui, exigeant des connaissances absolument spéciales, ou bien encore une autorité de jugement incontestable et reconnue, ne pouvaient êlre utilement demandés qu'à ceux-là mêmes dont on avait à étudier les travaux. C'est avec la plus vive reconnaissance que je rappelle celte collaboration et ce concours, qui m'ont été, dans bien des cas, si nécessaires, et toujours si précieux.

Honoré du patronage du Ministre du Commerce et de l'Industrie, Commissaire général de l'Exposition, je puis déclarer ici que j'ai puisé dans cette haute appro- bation la force morale nécessaire et les encouragements indispensables. J'ai pu ainsi marcher d'un pas plus assuré vers le but poursuivi.

Aussi tiendrai-je, non certes pour acquitter ma dette de reconnaissance, mais pour la bien constater seulement, à prier MM. Tirard et Jules Roche, tous deux Ministres du Commerce, et sous le ministère desquels j'ai rédigé ou publié mon ouvrage, à accepter l'hommage reconnaissant de ma profonde gratitude.

Je ne puis, à mon grand regret, nommer ici tous ceux qui ont apporté, sans compter, leurs sympathies et leur concours à mon œuvre. Qu'on me permette encore deux exceptions cependant.

Tout d'abord, que M. Edouard Lockroy, dont les conseils autorisés m'ont été maintes fois si utiles, et qui a bien voulu doter mon ouvrage d'une admirable préface, précieux document historique et merveilleuse page littéraire, reçoive ici le juste tribut d'hommage et de reconnaissance qui lui est si légitimement acquis.

Enfin, il me restait à me préoccuper de l'exécution matérielle de l'œuvre : il me fallait, pour cela, le concours d'une maison d'édition dont la réputation univer- selle, l'outillage puissant et le bon goût reconnu fussent en rapport avec l'impor- tance du travail à présenter au public. Je n'eus pas à chercher longtemps dans cette voie : la maison E. Dentu était tout indiquée, et, en effet, j'ai la conviction que, grâce aux soins consciencieux de celte librairie, le livre de l'Exposition Universelle de 1889 ne laisse rien à désirer au point de vue des qualités extérieures; que MM. les direc- teurs de la librairie Denlu en reçoivent mes plus vives félicitations et mes biens sincères remerciements.

Emile MONOD.

A Monsieur Emile MONOD

Monsieur,

Vous me demandez une préface pour votre bel ouvrage sur l'Exposition de 1889. Que vous dirai-je que vous ne sachiez et que le public ne sache? On a beaucoup écrit et beaucoup parlé déjà pour et contre les Expositions universelles. M. Le Play en a montré les dangers; M. Jules Simon, dans un rapport ignoré du public et qui est un chef-d'œuvre, en a fait ressortir les avantages ; M. Renan leur a reproché de manquer de poésie ; tout le monde, sur ce grave sujet, a dit son mot. Peut-être peut-on ajouter que les Expositions universelles sont vieilles comme l'humanité ; que les hommes ont toujours éprouvé le besoin de se réunir dans des occasions solennelles, de comparer les produits de leur travail, de se donner de grands rendez-vous pacifiques, de se mêler dans des fêtes internationales s'oublient pour un instant les différences de races et les antipathies originelles .

Sans remonter à l'antiquité, qui avait aussi des solennités industrielles et artis- tiques, qu'étaient-ce donc que les foires de Nijni-Novogorod, de Tantah en Egypte, de Beaucaire en France, sinon des Expositions universelles et internationales assez semblables aux nôtres, sinon par l'aspect, au moins par le mouvement, le bruit, la gaieté, l'encombrement des rues, la variété des produits, la diversité du public ? On y rencontrait, comme au Champ-de-Mars, des gens venus des extrémités de l'Europe, de l'Afrique ou de l'Asie; on y voyait des étoffes, des machines, des armes, des vêtements, des chaussures, du bétail, des fruits, des légumes, des grains, des fleurs comme aujourd'hui. Les plaisirs qu'on y trouvait devaient avoir beaucoup d'analogie avec ceux qu'on offrait au public de 1889, et les tentes paradaient lesjongleurs, les devins, les montreurs de bêtes féroces, les baladins et les baladines ressemblaient certainement beaucoup aux cafés de la rue du Caire, au Théâtre Annamite ou à la baraque des Aïssaouas.

XII PREFACE

Une discussion qui porterait sur les dangers ou les avantages des Expositions universelles serait donc absolument académique. On a fait des Expositions dans le passé; on en fait dans le présent; on en fera dans l'avenir. C'est une vieille habitude que les sociétés barbares ou civilisées ne perdront point. Il faut se rési- gner et prendre son parti. Les grandes foires ont succédé aux Jeux Olympiques ; les Expositions ont succédé aux grandes foires; je ne sais ce qui succédera aux Expositions, mais on peut être assuré que ce sera encore la même chose.

Les inconvénients ne changeront pas non plus. M. Le Play s'est donné pour lâche de les examiner. Les grands rassemblements d'hommes en un même point risquent, prétend-il, de provoquer des épidémies : le pèlerinage de la Mecque en est un terrible exemple ; les Expositions seront de plus en plus coûteuses et devien- dront ruineuses pour l'Etat; en exhibant leurs produits, les fabricants livreront leurs secrets industriels à des concurrents ; le prix des lo\ ers, qui augmentera d'une façon considérable pendant la durée des fêtes, ne baissera plus ensuite; les objets de consommation se vendront plus cher, et une augmentation sensible des choses nécessaires à la vie sera le seul résultat de ces combats pacifiques l'on convie les nations.

Tels sont, en résumé, les arguments de M. Le Play, et l'on ne peut méconnaître leur force et leur réalité. L'Exposition de 1889 a cependant répondu victorieuse- ment à beaucoup d'entre eux. Aucune épidémie n'a éclaté à Paris, malgré l'immen- sité de la foule qui s'y était donné rendez-vous, et les statistiques de la ville n'ont enregistré ni une fièvre typhoïde ni une variole de plus qu'à l'ordinaire. Les Asiatiques et les Africains de l'Esplanade des Invalides ne nous ont point conta- minés. Le choléra, qu'on redoutait, n'a paru que l'année suivante, en 1890, au mois d'août : encore était-ce en Espagne et en Arabie, il n'y avait point eu d'Exposition.

Il est vrai que le Palais du Ghamp-de-Mars et ses annexes ont coûté très cher : la somme de quarante-trois millions eût certainement effrayé nos devanciers. Mais la dépense, tout énorme qu'elle semble, a été moins grande que celle de L'Exposition de 1878. Au lieu de subir un déficit, l'Etat a réalisé un boni. Cela prouve que les Expositions ne sont pas nécessairement de plus en plus coûteuses, et que même elles peuvent être productives. L'important est de les bien organiser. Qu'importé que les frais soient considérables s'ils sont couverts, et au delà, par la recette?

Il y a deux choses différentes dans une Exposition. D'abord une solennité nationale, ensuite une opération financière. Pour qu'une Exposition réussisse, il faut que la solennité soit assez grandiose et assez originale pour attirer les étrangers et satisfaire l'orgueil légitime du pays; il faut aussi qu'en lin d'exercice le budget

PIÎEFACE XIII

se trouve en équilibre. Ce double problème a été résolu en 1889, grâce à la dispo- sition des bâtiments, à la grandeur des constructions, à la variété des édifices, à l'organisation administrative et à la sévérité du contrôle. Rien n'empêche qu'un résultat semblable soit obtenu par les organisateurs des Expositions futures.

Les prophéties de M. Le Play relatives au renchérissement des loyers et des objets nécessaires à la vie ne se sont pas encore réalisées. S'il y a eu, depuis, quel- ques augmentations dans le prix des logements ou des vivres, cela ne lient point à l'Exposition, qui n'a rien changé, on peut l'affirmer, aux conditions de l'existence. Elle a fait affluer l'argent à Paris sans devenir une cause de gène ou de misère ultérieure.

Reste l'argument qui veut que les secrets industriels soient surpris par les étrangers et que le tort fait au pays l'Exposition a lieu soit considérable. Il est certain qu'en parcourant les galeries, en examinant les vitrines, on peut faire des remarques utiles et préparer ainsi les éléments d'une concurrence redoutable. Les rapports adressés par les ouvriers français à la suite des Expositions de Philadelphie, d'Anvers, etc., en sont une indéniable preuve. Mais ce qui profite aux étrangers profite aussi aux nationaux, qui peuvent examiner et étudier à leur tour les produits exotiques. Et comme, en outre, les Expositions ont heu tantôt en Amérique, tantôt en France, tantôt en Angleterre, tantôt en Belgique, on peut dire que toutes les nations bénéficient également et successivement des efforts et des progrès de leurs voisines.

Mais est-il bien vrai de dire que c'est dans les Expositions que se peuvent sur- prendre les secrets professionnels? Nous ne le pensons nullement. Ces secrets, lorsqu'il y en a, ne se laissent deviner qu'à l'atelier ou à l'usine. Ils ne jouent un rôle important que dans la fabrication. Or, on ne voit point fabriquer pendant les Expositions. Elles montrent des résultats sans rien révéler des moyens employés.

L'espionnage industriel, qui est aussi dangereux et aussi bien organisé que l'es- pionnage militaire, s'exerce en temps normal et n'a pas besoin des Expositions pour se renseigner. Il est pratiqué en France par des ouvriers soi-disant Belges ou Alsaciens-Lorrains qui viennent s'engager dans nos fabriques; par des acheteurs qui emportent nos modèles dans les pays de contrefaçon. Le Champ-de-Mars n'est aucunement nécessaire à celte sorte d'industrie, et les précautions à prendre contre les dangers qui en résultent regardent les particuliers beaucoup plus encore que l'Etat.

A toutes ses observations, M. Le Play en ajoute une dernière, à savoir que les emplacements manqueront bientôt, dans l'intérieur des villes, pour contenir les Expositions futures. Il s'appuie sur une statistique qui montre, en effet, l'agrandis- sement toujours considérable des galeries et des bâtiments nécessaires pour cou-

XIV PREFACE

tenir la foule des produits exposés. On peut répondre à cela qu'il sera toujours possible de trouver aux environs des capitales ou des grandes villes soit des pro- menades publiques comme le bois de Boulogne ou le bois de Vincennes, très commodes pour une installation passagère ; on peut répondre encore qu'il est pos- sible d'englober un quartier tout entier dans une Exposition sans gêner la circula- tion, et l'annexion de l'Esplanade des Invalides au Champ-de-Mars par le quai en est une preuve éclatante. On aurait pu de même, si l'on avait eu plus de temps, plus d'argent et plus de matière exposable, jeter un pont volant sur la Seine, faire rentrer dans le périmètre de l'Exposition le cours la Reine, le Palais de l'Industrie, une partie des Champs-Elysées, la place de la Concorde et le jardin des Tuileries. Nous y avons un instant songé.

Les craintes exprimées par M. Le Play étaient, au début de l'année 1886, partagées par un grand nombre d'hommes techniques, par la majorité des indus- triels, des agriculteurs, des commerçants, par beaucoup de ministres et d'an- ciens ministres et par la presque totalité des membres du Parlement. Cependant, une année auparavant, en fin de législature, il est vrai, et à la veille d'élec- tions générales, une Exposition avait été décidée, et il paraissait aussi difficile de reculer que de poursuivre l'entreprise. Mais les raisons qui devaient faire renoncer le Gouvernement à son projet semblaient encore les plus fortes et les plus sérieuses.

Ce moment est passé, et nous ne nous souvenons plus guère des sentiments qui, alors, agitaient l'opinion. La République venait de subir, dans une certaine mesure, un semblant d'échec électoral que les journaux exagéraient à plaisir. La politique étrangère ne nous offrait pas de sécurité. On redoutait les périls exté- rieurs autant au moins que les difficultés intérieures. On prévoyait, non sans raison d'ailleurs, des complications inattendues, et, sans qu'on put rien préciser, l'avenir paraissait inquiétant. Un malaise vague s'était emparé de la nation, qu'agitait le pressentiment de luttes futures. Etait-ce bien le moment de se lancer dans une grande entreprise, au risque de la voir sombrer dans le tumulte d'une guerre civile ou d'un conflit européen ? On s'effrayait encore du déficit laissé par l'Expo- sition de 1878 et pour lequel il fallait demander aux Cbambres un crédit qui n'allait pas à moins de vingt millions. C'était une mauvaise entrée de jeu. On parlait beaucoup aussi du succès contestable de l'Exposition d'Anvers. On disait que si, par hasard, on parvenait sans encombre à achever les travaux et à ouvrir l'Expo- sition, une perte d'argent considérable ne pouvait être évitée, et que la France n'était plus assez riche pour payer ses fêles.

A ces arguments, l'on en ajoutait un autre, dans l'enceinte des Assemblées, qui frappait beaucoup ies hommes politiques. L'échec de l'Exposition, qui est possible et

PREFACE XV

même probable, disait-on, ne sera-t-il pas une cause d'humiliation pour le gouverne- ment'? Ne nuira-t-il pas aux députés républicains? Ne portera-t-il pas un coup funeste au régime actuel ? N'est-il pas imprudent de l'affronter? Personne ou pres- que personne n'imaginait que l'Exposition pût, au contraire, un jour, être une cause de relèvement pour la République, ni qu'elle dût contribuer dans une large mesure au succès des élections de 1889.

La date choisie prêtait, en outre, à de nombreuses et très diverses réclama- tions. Nombre de personnes qui n'osaient pas ou ne voulaient pas paraître opposées au projet prétendaient qu'il était inconvenant ou du moins incorrect de mêler les fêtes du Centenaire à une solennité internationale. L'Europe, d'après elles, n'avait rien à faire dans la glorification de la Révolution française, et nous devions nous réjouir entre nous et pour ainsi dire en famille. L'ouverture des Etats généraux, la prise de la Bastille, étaient représentées comme des faits purement locaux qu'on ne connaissait un peu que dans les faubourgs de Paris ou à Versailles. Des expansions intimes suffisaient pour en rappeler le souvenir.

Les ennemis du régime actuel assuraient que 1889 ne rappelait à l'esprit que des actes de désordre et de révolte, que des massacres inutiles et des violences sans objet. Les premiers oubliaient que la Révolution avait été non seulement un acte glorieux de notre histoire, mais un fait européen, salué par les nations enthousiastes; le point de départ, pour le monde entier, d'une ère nouvelle. Les seconds, que si l'ancien régime avait disparu avec la Bastille, la monarchie avait subsisté; que beaucoup de membres des deux ordres, de la noblesse et du clergé, s'étaient associés alors aux réclamations du Tiers état, enfin qu'aucun Français ne pouvait répudier l'œuvre de la Constituante sans insulter la société moderne, ses conquêtes morales et la grandeur de sa civilisation.

La résistance venait surtout des gouvernements étrangers, conseillés et dirigés par l'ennemi le plus implacable et le plus puissant de la France, qui désirait ardem- ment que l'Exposition, si elle avait lieu, fût une déception et un échec. On put constater, dès le premier jour, que les grandes puissances déclineraient toute parti- cipation officielle. J'en eus la preuve indéniable dès le mois de janvier 1886, dans un déjeuner un grand philosophe, qui avait été un grand ministre, me présenta à l'un des membres les plus influents du cabinet anglais. Ce dernier déclara, avec beaucoup de franchise, que jamais les monarchies européennes, l'Angleterre, entre autres, n'enverraient des représentants à une Exposition qui avait lieu en 1889. Il voulut même bien me conseiller d'en ajourner l'ouverture à 1901 ou 1902. J'essayai, mais en vain, de le convaincre : je me heurtai à un parti pris et, proba- blement, à des ordres reçus.

Le prétexte valait ce qu'il valait; mais enfin, c'était un prétexte, et tous les

XVI PREFACE

gouvernements, influencés de la façon que j'ai dite,. le saisirent. Les ouvertures de nos ambassadeurs reçurent dans toutes les cours un accueil plus que froid, et nous nous sentîmes réduits à nos propres forces.

Le bruit de cette quasi-hostilité se répandit bientôt à Paris, et quelques feuilles en profilèrent pour décourager encore l'opinion. On prélendit que le refus, à peu près certain désormais, des puissances tenait à la présence au ministère du commerce d'un député radical. Hélas! les successeurs de ce député furent des modérés, et l'attitude des puissances ne changea pas. Deux ans plus tard, un fonc- tionnaire qui n'avait pas la notion exacte de ses devoirs devait écrire aux journaux autrichiens, allemands, hongrois et polonais qu'en ouvrant aux ouvriers l'accès de l'Exposition le même ministre avait épouvanté toutes les' nations civilisées. Ces diverses assertions plus ou moins imprudentes n'étaient que les inventions de l'esprit de parti ou que l'expression d'amours-propres froissés. La vérité est qu'une volonté toute-puissante en Europe, et qui trouvait à Paris des alliés inattendus, cherchait à isoler la France et à lui infliger une défaite.

Ainsi donc, on se trouvait tout d'abord en présence de résistances intérieures, et d'une mauvaise volonté manifeste à l'extérieur. En France, personne ne croyait à la réussite de l'Exposition; à l'étranger, au moins dans les sphères officielles, personne ne la désirait. Notre isolement en Europe se trouvait constaté d'une manière malheureusement indéniable, et le peu d'enthousiasme de l'opinion publique n'était pas de nature à encourager ceux qui voulaient mener à bien, envers et contre lous, l'œuvre annoncée et promise par le ministère de 1884.

A quelques esprits, cependant, malgré les obstacles qui se dressaient à chaque pas, elle apparaissait comme patriotique et nécessaire. Une crise économique sévis- sait depuis longtemps dans notre pays; le production nationale, concurrencée et décriée par nos adversaires commerciaux, perdait peu à peu ses débouchés et ne trouvait pas d'occasions de montrer ses supériorités : il était devenu indispensable de la mettre en lumière, de répondre par des faits aux attaques incessantes dont elle était l'objet, de relever par un coup d'éclat nos affaires devenues languissantes.

La France était accusée de nourrir des projets belliqueux, d'être un foyer révolutionnaire actif et de menacer, par sa propagande, la liberté et la sécurité de l'Europe. Les protestations des différents ministères n'étaient pas parvenues à calmer des inquiétudes d'autant plus obstinées qu'elles étaient peu sincères, ni à arrêter les calomnies dont les journaux étrangers étaient pleins. La longue préparation d'une Exposition pouvait seule répondre victorieusement à ces accusations sans preuves. Elle devait rassurer les nations voisines, sur nos intentions. Un pays qui consacre tout son temps et toutes ses forces à une œuvre pacifique ne songe pas à déclarer la guerre.

ÎMIEFACK XVII

Les raisons politiques, industrielles, commerciales, militaient donc toutes en laveur de l'Exposition. Mais pour remplir le but il fallait que celte Exposition réussit d'une manière éclatante, qu'elle attirât l'attention du monde entier, qu'elle ne ressemblât en rien ni à ce qu'on avait vu dans le passé, ni à ce qu'on venait de voir dans les pays voisins, soit en Belgique, soit en Angleterre; qu'elle se distinguât non seulement par un aspect particulier, mais encore par une organisation admi- nistrative et financière nouvelle; qu'elle laissât une trace, et, s'il était possible, qu'il en sortit une grande œuvre, une sorte de monument intellectuel pareil à la Grande Encyclopédie du XIXe siècle, pour en éterniser le souvenir.

Les mêmes fêtes, depuis plus de vingt ans, qu'elles fussent Belges, Italiennes, Viennoises, se présentaient toujours d'une manière à peu près identique, avec les mêmes palais, plus ou moins ornés, plus ou moins décorés, les mêmes jardins, les mêmes constructions et, à la fin, les mêmes déficits. Cette uniformité avait lassé les gouvernements aussi bien que le public, et si l'on ne trouvait pas moyen de raviver la curiosité par un appareil extraordinaire, on risquait d'échouer piteusement. Des monuments d'un genre spécial étaient nécessaires, comme par exemple cette Tour Eiffel, qui donna lieu à tant de manifestations puériles et à tant de discussions, non seulement en France, mais en Europe et en Amérique. L'immense flèche de 1er, trois fois haute comme les pyramides d'Egypte, devait obliger le monde entier à tourner la tête, à regarder la France et à s'inquiéter de l'Exposition.

Au Ministère du commerce, rien n'avait été préparé, et il n'y existait rien que le décret de M. Bouvier, à peu près oublié depuis un an. Il y avait bien aussi le travail de la commission préparatoire qu'on retrouva à grand'peine dans un carton. C'était un petit cahier assez semblable à ceux de nos écoliers, et dont chaque page était divisée en trois colonnes. La première portait ce titre : Projet primitif; la seconde : Projet de la commission; la troisième : Projet rectifié; tout cela avec beaucoup de' chiffres et de renvois à l'encre rouge, mais assez confus. Puis rien que des plans, mais des plans à profusion. Il en était venu de tous les côtés : un seul man- quait: celui du Champ-de-Mars, le plus nécessaire peut-être, non pas qu'on ne connût très bien la forme du Champ-de-Mars et l'étendue de sa superficie, mais parce qu'on ignorait absolument dans quel état la dernière Exposition avait laissé le sol. Cette ignorance pouvait avoir, le jour l'on se mettrait à construire, de graves conséquences, et, malheureusement, elle en eut: la couche de sable sur laquelle on comptait pour les fondations avait été enlevée dans toute la partie sud-ouest. On s'en aperçut, mais trop lard, à la suite de sondages réitérés, el les dépenses s'en trouvèrent augmentées d'une manière tout à fait imprévue. Huant au plan, il fut retrouvé, un an après, dans le grenier d'une masure, dernier reste de l'Exposition de 1878, qu'on avait laissé subsister sur le bord de l'avenue de La Bourdonnave.

XVIII PREFACE

Tout était alors remis en question et dans une confusion inextricable. Un parti s'était formé à la Chambre et parmi certains entrepreneurs, qui voulaient l'Exposition à Courbevoie, l'affaire eût été excellente pour les propriétaires de terrains. D'autres personnes, très autorisées, proposaient le bois de Boulogne et la plaine de Longchamps. Enfin, les quartiers de l'Est taisaient valoir qu'ils sont tou- jours privés des grandes fêtes et qu'on favorisait, à leur détriment, l'Ouest de Paris. Us tenaient pour le bois de Vincennes, qui offre en effet, avec ses annexes et ses champs d'expériences, dévastes et beaux emplacements.

L'organisation financière de l'Exposition ne donnait pas lieu à moins de controverses, et si les uns désiraient encore que le gouvernement se chargeât de tout, comme en 1878, beaucoup, et non des moins ardents, voulaient qu'on s'a- dressât seulement à l'initiative privée. Une propagande très active et très habile était faite en ce sens, et elle s etayait sur de grands principes libéraux qui trouvent toujours des croyants. Faire tout par soi-même et sans secours officiel est bien, mais l'occasion n'était pas heureuse pour commencer. Livrée à une compagnie, l'Exposition devenait une affaire ordinaire avec tous ses risques, tous ses dangers et tous ses inconvénients. Elle prenait une allure exclusivement commerciale, et risquait de tourner en spéculation inavouable. Cela ne paraissait guère digne du Centenaire de 89 et du grand anniversaire qu'il s'agissait de célébrer.

L'ouverture d'une Exposition excite toujours toutes les convoitises et toutes les passions; elles se donnent alors libre carrière, et elles mènent tant de tapage qu'elles finissent par étourdir les gens au point de leur faire prendre pour l'ex- pression de l'opinion publique les récriminations et les revendications les moins désintéressées. On n'entend parler que de patriotisme et d'abnégation au moment l'abnégation et le patriotisme font le plus défaut. Aux intérêts financiers viennent aussi se joindre, soit pour renverser un ministère, soit pour mettre en échec un ministre, les intérêts politiques. On sait que les intérêts se concentrent plus facilement que les partis. Leur union était d'autant plus naturelle et plus étroite en 1886, que le titulaire du commerce et de l'industrie, combattu en dessous par une fraction importante du parti républicain, et ouvertement par la droite entière, n'avait avec les hommes d'affaires aucune espèce de relation.

( >u ne se fait point idée, dans le public, de la violence de ces inimitiés par- lementaires ni des actes elles peuvent entraîner des hommes officiellement honorables. L'un réussit à faire publier dans un journal royaliste des calom- nies odieuses, dont il est ensuite obligé de se reconnaître l'auteur et de demander publiquement pardon; l'autre, invité au ministère, arrête par labasquede leur habit les négociants et les industriels qu'il rencontre dans les salons, pour les supplier de ne pas souscrire au capital de garantie; un troisième, non député, il est vrai, mais

PREFACE MX

fonctionnaire, téléphone à des écrivains systématiquement hostiles des articles contre l'Exposition qu'il prépare et contre le ministre qui l'a nommé, sans se douter qu'un employé du téléphone, bien placé pour entendre, vient le soir tout rapporter au ministre ! Si je rappelle, en passant, ces faits oubliés aujourd'hui, c'est seule- ment pour montrer à quelles petites difficultés on se heurte dans ces sortes d'entre- prises : petites difficultés qui, en s'accumulant, finissent par constituer des em- barras assez sérieux pour entraver la marche des affaires, et assez graves pour gêner l'action départementale.

En résumé, au moment d'entreprendre l'Exposition, les renseignements les plus importants, comme le plan du Champ-de-Mars, faisaient défaut, et, à part M. Alphand, dont la compétence était unanimement reconnue, on ne voyait, pour composer la haute administration, personne que désignassent des services éminents ou des talents supérieurs . Le personnel des expositions, a dit excellemment M . Le Play, est toujours difficile a réunir. Le travail qu'on exige de lui, forcément tran- sitoire, ne peut ni ouvrir une carrière, ni assurer l'avenir. On est forcé de prendre un peu au hasard ces collaborateurs d'un jour qui s'ignoraient la veille et qui doivent se disperser le lendemain.

Mais, avant de songer au personnel, il fallait choisir un emplacement, arrêter les grandes lignes du projet, déterminer l'organisation administrative et financière, de façon à pouvoir présenter une loi à la Chambre et au Sénat. Les nominations ne devaient venir qu'après, et de celte double organisation, appropriée au temps, au milieu et au régime républicain, allait dépendre le succès futur de l'entreprise .

Sous l'Empire, on avait placé à la tèle de l'Exposition un commissaire général dépendant seulement du chef de l'Étal. C'était une chose naturelle dans une monarchie absolue, toute autorité réside dans le roi ou L'empereur; c'eût été un contresens dans un État démocratique, la puissance est aux mains du peuple, représenté par un Parlement. On l'avait si bien compris en 1878 qu'on avait imaginé de faire du commissaire général un fonctionnaire. Mais de graves inconvénients résultaient de ce système, qui pouvait rendre le ministre respon- sable d'actes accomplis malgré lui ou qu'il avait ignorés.

Il parut plus simple, plus court et plus conforme au principe du régime parle- mentaire de faire le ministre commissaire général et de confondre les deux fonctions dans une seule et même personne. Si le ministre conservait ainsi toutes les res- ponsabilités, il avait en revanche la direction effective de l'entreprise; rien ne se faisait sans lui ni en dehors de lui, et, s'il commettait des erreurs on des fautes, les Chambres étaient sûres en le frappant de ne pas se tromper.

Au-dessous du ministre commissaire général, on devait établir des services

XX PREKACK

correspondant bien exactement aux nécessités de l'entreprise. L'idée vint de copier, aussi exactement que possible, l'organisation des chemins de fer, qui est encore la plus simple et la meilleure et qui a le mérite d'avoir fait ses preuves. C'est celle qui évite encore le mieux les froissements de personnes, les rivalités administratives, les conflits d'attributions, toutes ces mesquines querelles, toutes Jes difficultés, d'où proviennent souvent soit des ralentissements dans les travaux, soit la confusion et le désordre. Trois directions distinctes furent ainsi décidées : une direction de la comptabilité, une direction de l'aménagement intérieur, enfin une direction des travaux. Chacune avait sa sphère d'action nettement déterminée, et l'un pouvait espérer qu'elles n'entreraient pas eu lutte et que, loin de se nuire, elles se prête- raient l'une à l'autre main-forte.

La création des trois directions nécessitait l'établissement d'un conseil d'admi- nistration, de surveillance et de contrôle qui, à la fois, aidât et éclairât les direc- teurs et le ministre, veillât sur les dépenses et assumât une partie de la respon- sabilité des mesures qu'on allait prendre. Comment le composer, ce conseil, sinon de ceux qui allaient concourir financièrement à l'entreprise, à savoir des représen- tants de l'Etat pris au Sénat et à la Chambre, des représentants de la Ville de Paris et enfin des représentants de l'initiative privée, à laquelle on allait demander de concourir à la formation du capital ?

Après avoir écarté l'idée de livrer l'Exposition à l'initiative privée seule, poul- ies raisons que l'on sait, on s'était trouvé en présence de deux systèmes financiers, celui suivi en 1807 et celui adopté en 1878. Le second était de beaucoup le plus simple et en même temps le plus impraticable. Il consistait à tout prendre à l'État et à ouvrir au budget un crédit illimité. Les Chambres, se souvenant d'un déficit récent, auraient, avec raison sans doute, repoussé à l'unanimité une propo- sition pareille. Le système de 1887 voulait qu'on demandât des subsides à l'Etat d'abord, à la Ville ensuite, enfin à des souscriptions personnelles et particulières. On intéressait de la sorte des personnes influentes au succès de l'Exposition; on excitait les sentiments patriotiques dans le pays en créant un mouvement d'opinion qui pouvait rapidement se propager et s'étendre, et l'on réservait cependant au Gouvernement la direction de l'entreprise. Mais (c'était l'objection) trouverait-on des souscripteurs ?

On en avait rencontré suffisamment en 1807, mais la situation était bien diffé- rente. Pour les souscripteurs de 1867, les invitations à contribuer à l'Exposition avaient presque été des ordres. Aucun des grands banquiers ou des grands indus- triels d'alors n'aurait voulu risquer de déplaire à l'Empereur et de se faire re- marquer par un refus. La somme à recouvrer était d'ailleurs beaucoup moins importante : il ne s'agissait que de 12 millions. Celte fois il en fallait 18, et per-

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sonne, pas même la Banque de France, dont le gouverneur, tout en autorisant les souscriptions personnelles de ses employés, interdisait une si inscription officielle au nom de l'établissement qu'il dirigeait, ne craignait de se montrer hostile à une œuvre nationale.

Malgré tout, le système de 1887, profondément remanié et corrigé, fut adopté définitivement. Il offrait de grands périls : la souscription pouvait échouer. Déjà les malveillances s'accentuaient, l'avenir semblait plein de menaces. Mais la combi- naison offrait, si elle réussissait, trop d'avantages pour qu'on y renonçât.

Il devint donc nécessaire qu'avant de présenter une loi aux Chambres, la Société de garantie fût au moins condilionnellement constituée. Ce fut peut-être le moment le plus difficile, celui l'entreprise courut le plus de dangers. La haute banque ne s'empressa pas d'offrir son concours. Certains de ses représentants posèrent au ministre des conditions inacceptables ou humiliantes pour le pouvoir. Heureusement, M. le gouverneur du Crédit Foncier, que son caractère place au-dessus des passions mesquines, offrit son concours désintéressé ; il faut lui rendre justice: il a été le premier et le plus utile collaborateur de l'Exposition. Il réunit quelques amis et se porta fort pour le capital à souscrire. Une convention fut signée, et le Parlement put être saisi à temps de la question .

Le projet fut défendu devant la Chambre par un beau discours de M. Jules Roche, rapporteur de la Commission. On demandait à l'Etat 18 millions; à la Société de garantie, 17; au Conseil municipal, G. Malgré l'opposition de la droite, la loi passa à une forte majorité.

Elle était signée, en même temps que par le Minisire du commerce, par M. Sadi Carnot. Ce nom ne peut être passé sous silence. La France doit une pro- fonde reconnaissance à l'ancien Minisire des finances aujourd'hui Président de la République, ainsi qu'à M. de Freycinet, Président du Conseil, pour la grande et large part qu'ils ont prise alors, dans la période la plus difficile et la plus agitée, à l'organisation de l'Exposition de 1889.

Dans des circonstances analogues, en 1807 comme en 1878, le Conseil muni- cipal n'avait jamais voté que 4 millions. Il voulut, cette fois, pour fêter plus digne- ment le Centenaire, ajouter 2 millions à ses libéralités habituelles. Le Conseil municipal, toujours si violemment attaqué, n'a jamais reculé quand on a fait appel à son patriotisme. Il a montré celte fois encore, et d'une manière éclatante, qu'il était digne de représenter la Ville de Paris.

La loi votée, tout marcha si rapidement que le 28 mars suivant, moins d'un an après, le ministre pouvait dire aux délégués des départements réunis à la salle Saint-Jean :

« Il y a un an à peine, rien n'était seulement ébauché, et dans ce court espace

XXII PREFACE

de temps nous avons obtenu le vote des deux Chambres. Nous avons fait appel au concours de l'initiative privée, nous avons constitué une société de garantie ; nous avons obtenu de la Ville de Paris, si généreuse toujours quand il s'agit d'un intérêt public, une large subvention ; nous avons arrêté un plan d'exposition, un budget et des devis ; nous avons, avec le concours de la Commission de contrôle et de finances, examiné un à un tous les crédits, préparé la manutention, réglé les ques- tions de détail; nous avons formé et réuni dans tous les départements des comités qui doivent associer à notre œuvre la France entière ; nous avons procédé à de nombreuses adjudications ; nous avons ouvert des chantiers au Champ-de-Mars, creusé les fondations, construit des égouts, commandé à l'industrie métallurgique nos fermes et, dans la mesure du possible, donné un aliment à l'activité nationale; aux ouvriers, du travail et du pain.

a L'Exposition de 1889 ne devait prendre pour modèle aucune de celles qui l'avaient précédée. Il lui fallait trouver une organisation nouvelle en harmonie avec nos ressources et nos besoins, empreinte de l'esprit démocratique de la société moderne, pratique en même temps, et donnant au pays les garanties indispensables d'honorabilité dans l'exécution et de sévérité dans le contrôle.

« Tout d'abord, il m'a semblé qu'il fallait attribuer les fonctions de commis- saire général au Ministre du commerce, dépendant comme tous ses collègues du pouvoir parlementaire.

« C'était, vous le voyez, soumettre l'Exposition elle-même à la surveillance incessante des représentants delà nation, auxquels rien ne doit échapper; c'était en même temps supprimer les conflits toujours à craindre entre un commissaire général désireux d'assurer son indépendance et un ministre naturellement soucieux de sau- vegarder sa responsabilité.

« Après lui avoir assuré l'unité de direction, il fallait pourvoir aux nécessités administratives. J'ai pensé qu'autour de nous il nous était possible de rencontrer de bons modèles, et j'ai choisi le mien dans l'organisation de nos chemins de fer. C'est ainsi que furent créées les trois directions : celle des travaux, celle de l'exploi- tation et de l'installation et celle de la comptabilité.

« Leurs attributions mûrement définies nous mirent à l'abri des rivalités et des embarras qui se rencontrent parfois dans les entreprises de ce genre.

« Aucune force n'a donc été perdue, et nous avons pu marcher au but d'un pas ferme et assuré .

« L'organisation administrative réglée, restait l'organisation financière; il m'a paru que si l'Exposition ne pouvait demander tout son budget à l'État et à la Ville, ou se créer, comme on l'avait proposé un instant, en faisant appel à l'initiative privée, elle devait s'adresser à la fois à l'État, parce qu'elle était une grande oeuvre natio-

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nale; à la Ville, parce qu'elle s'installait dans la capitale de la France ; à l'initiative privée, parce qu'elle devait intéresser à son succès toutes les forces vives du pays.

« Vous savez quel fut le succès de cette première opération : le Parlement nous accorda sans marchander les crédits que nous lui demandions; le Conseil municipal augmenta d'un tiers sa subvention ordinaire ; l'initiative privée, au lieu de 17 mil- lions, nous en a apporté 24. La manière dont avait été trouvé le capital nous indi- quait suffisamment comment on devait constituer le contrôle. Les représentants de l'Etat, de la Ville, de la société de garantie furent appelés à se réunir en une commission consultative à laquelle sont soumis aujourd'hui les plans, les dépenses et les recettes.

« Cette commission entrera à son heure dans le « grand conseil de l'Exposi- tion », dont la composition sera bientôt connue, et qui, chargé de ce que volon- tiers j'appellerai la partie intellectuelle de l'Exposition : congrès, conférences, recherches historiques, auditions théâtrales et musicales ; composé des hommes les plus éminents parmi les savants, les lettrés, les artistes, les industriels les commerçants, les administrateurs, les soldats, les ouvriers manuels, les cultiva- teurs, résumera, et pour ainsi dire synthétisera devant les deux mondes, conviés à notre fête de 1889, la société française moderne telle que l'a faite une suite d'épreuves, de luttes, de secousses, de recherches, de transformations successives et d'enfantements incessants; telle que l'ont faite son incomparable civilisation et son prodigieux labeur.

« Telle est, Messieurs, dans ses grandes lignes, notre conception administra- tive, financière, sociale de l'Exposition Universelle.

« Nous avons voulu que le travail fût honoré dans toutes ses formes. Pour la première fois, vous trouverez dans les jurys et dans le grand conseil des ouvriers manuels et agricoles, et cette glorification du travail sera l'affirmation éclatante des sentiments pacifiques qui animent notre pays. »

On voit que, dès celte époque, tout d'une part était fini, conclu, et que de l'autre tout était commencé. Les plans étaient adoptés, les lois votées, l'organisation arrêtée, les comités formés; on venait d'entreprendre des fouilles dans le Champ- de-Mars; les sondages avaient donné des résultats satisfaisants, les premières fermes s'élevaient. Il n'y avait plus qu'à continuer. Deux seules choses importantes restaient à régler encore : la question de l'éclairage et celle du chemin de fer.

Elles le furent plus tard sous une autre administration. On avait primitivement songé à faire une place plus grande aux chemins de fer. On avait voulu montrer en mouvement tous les systèmes de locomotion actuels : chemins à cacolet, chemins à crémaillère sur les pentes du Trocadéro, trottoir ambulant, machines à air

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comprimé , machines électriques etc., etc. Un seul chemin de fer fonctionna : celui deM.Decauville.

On avait voulu primitivement mettre en présence tous les moyens d'éclai- rage dans les palais et les jardins : huiles lampantes, gaz, électricité, etc. Peut- cire l'apparition de ces différentes lumières eût-elle été d'un curieux effet. Le syndicat des électriciens obtint seul une subvention. C'est à l'initiative hardie de M. Elissen qu'on a dû, plus tard, la belle construction appelée : Pavillon du Gaz.

Mais de graves difficultés s'étaient rencontrées, et une opposition violente avait été faite aux deux constructions qui devaient avoir le plus de succès : le Palais des Machines et la Tour monumentale.

C'est surtout dans la commission des 43 que le Palais des Machines avait ren- contré des adversaires. On disait que sa largeur et son élévation feraient paraître petits les objets exposés, et qu'on diminuerait ainsi leur importance ; on ajoutait qu'une aussi énorme construction était inutile, que mieux valait faire comme d'ha- bitude : se tenir dans les données ordinaires, avoir trois galeries de dimension moyenne. Un vote favorable nécessita de longues et laborieuses discussions, et l'on vit le moment la belle pensée de M. Dutert ne serait pas réalisée. C'eût été une perte pour l'Exposition, un malheur pour la métallurgie française, car elle a trouvé là, aussi bien que dans la construction de la Tour, l'occasion de montrer qu'elle n'avait rien à craindre des concurrentes anglaises ou américaines. Sans doute, la Galerie des Machines avait des proportions colossales, et il est vrai que les ma- chines ne semblaient pas grandes dans la galerie. Mais la galerie témoignait delà puissance de notre industrie, de la hardiesse de nos architectes, de la science de nos ingénieurs, de l'habileté de nos ouvriers; elle donnait aux visiteurs cette impression que le pays se conçoivent et s'exécutent de telles choses n'a perdu ni sa vitalité ni son génie.

Pour la Tour, l'opposition se fit plus bruyante et plus active. Les passions poli- tiques la condamnèrent au nom de l'art. Les mêmes personnes qui avaient prédit la ruine de l'Exposition, qui avaient affirmé que le ministre effrayait l'Europe par son radicalisme et son amour des ouvriers, que la souscription au capital de garantie échouerait, que la Galerie des Machines était une conception folle, prétendirent que la fameuse Tour s'écroulerait au moindre vent et que, si elle parvenait à s'élever, elle déshonorerait Paris. Un poète lui consacra même une pièce de vers indignée il développait cette idée que sa construction privait la Patrie d'une somme de vingt millions nécessaire à la défense nationale. Ainsi la Tour devenait une œuvre de haute trahison. Ce poète appartenait pourtant à l'Académie française, qui passe pour être modérée et ne point aimer les exagérations.

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La Tour, en réalité, représentait une économie : elle coûtait, non à l'État seul, mais au budget de l'Exposition, 1 ,500,000 francs juste. 500,000 devaient être payés après l'achèvement du premier étage, 500,000 après l'achèvement du second, 500,000 le jour de l'inauguration. On était donc loin des vingt millions du poète. Si l'on n'avait pas construit la Tour, il aurait fallu élever au même endroit un monument quelconque pour donner à l'Exposition, qui n'en avait pas, une façade architecturale très ornementée et très brillante. Or, le Pavillon central de l'Expo- sition de 1878 avait coulé environ 4,000 francs le mètre carré. A ce prix-là, un monument, arc de triomphe ou palais, bâti à l'extrémité du pont d'Iéna serait revenu à 2,500,000 francs pour le moins. En élevant la Tour, on économisait un million.

Le poète ne fut pas seul à s'indigner. Un critique d'art, délégué par la rédaction d'un grand journal républicain du matin, prépara avec un romancier connu une protestation bientôt signée par des artistes et des écrivains qui ne prirent pas la peine de la lire et qui ne se doutèrent pas qu'on leur faisait jouer un rôle dans une intrigue politique et parlementaire. Tout cela tomba. Un traité fut rédigé et conclu pour l'érection de la Tour, si bien conclu même qu'il devint impossible plus tard (et on l'essaya) de le rompre.

Il y avait longtemps que celte Tour était, sinon sur le chantier, au moins sur le papier. Vers 1879, un ingénieur encore peu connu du grand public se présenta chez Victor Hugo et lui soumit un projet de tour gigantesque en fer et ajourée. L'auteur de la Légende des siècles, bien qu'aussi soucieux de la défense nationale que ses confrères de l'Académie, approuva l'idée et félicita l'ingénieur. Malheureusement, on ne pouvait construire une tour sans motif et à propos de rien : il fallait profiter d'une occasion. L'ingénieur emporta ses papiers et attendit. Il se nommait M. Eiffel.

Victor Hugo avait bien vu : le colossal édifice devait exciter la curiosité du monde entier; à aucune époque on n'avait pu en rêver un semblable; il résumait la grandeur et la puissance industrielle du temps présent. Sa flèche immense, en s'enfonçant dans les nuages, avait quelque chose de symbolique; elle paraissait l'image du progrès tel que nous le concevons aujourd'hui : spirale démesurée l'humanité gravite dans cette ascension éternelle.

La Tour, en outre, ne gênait pas le plan général. Elle le complétait, au contraire. Il avait été entendu, après bien des projets et des contre-projets, que l'Exposition aurait la forme d'un arc de triomphe couché sur le sol, le sommet étant formé par la Galerie des Machines, la partie cenlrale par les Galeries des Industries diverses, la clef de voûte par le Pavillon Central, les jambes par les Galeries des Arts libéraux et des Beaux-Arts. Entre les pieds, devant le Trocadéro et formant par l'écartement de ses piles un immense portique, devait s'élever la Tour

XXVI PRÉFACE

Eiffel. Elle était bien à sa place, quoique plusieurs personnes aient voulu, alors, la mettre au centre du jardin; que d'autres aient eu l'idée de l'élever sur la colline en face, et que certaines, enfin, se soient coalisées pour la superposer à la hutte Montmartre.

D'autres raisons militaient encore en faveur de ces constructions si ori- ginales; outre qu'elles donnaient du travail à la métallurgie, aux établisse- ments de Saint-Denis par exemple, elles ouvraient aux architectes comme aux ingénieurs des horizons inaperçus. Les siècles précédents, religieux, mili- taires, autoritaires et aristocratiques, ont trouvé dans les temples, les palais, les châteaux et les églises leur formule architecturale; notre temps industriel et démocratique n'a pas encore découvert définitivement la sienne. Il s'est longtemps traîné dans l'imitation : il a construit des gares en style gréco-romain, des mairies gothiques, des théâtres Renaissance, des établissements scientifiques, facultés ou laboratoires, qui ressemblent au Parthénon. Peut-être ces non-sens tiennent-ils à l'enseignement classique officiel : au lieu de faire des architectes, on a fait des archéologues. Si un Athénien revenait au monde, il serait parfois tenté de sacrifier une génisse devant, une station de chemin de fer, qu'il prendrait pour le temple du dieu inconnu. L'antiquité a pesé lourdement sur l'imagination de nos artistes. Et, bien que des hommes tout à fait éminents dirigent notre école d'architecture, il est certain que nos monuments n'expriment , en général , ni les besoins ni les idées de notre époque .

Peu à peu, cependant, le style moderne se dégagent il se formera à mesure que l'industrie et la science mettront à notre disposition de nouvelles ressources et de nouveaux matériaux. De plus en plus la fonte, le fer, l'acier, joueront un rôle dans nos constructions, et l'on obtiendra, grâce à leur secours, des effets inattendus et inconnus jusqu'à présent. Les faïences dont M. Formigé a fait un si bel usage dans ses Palais des Beaux-Arts renouvelleront peut-être en grande partie l'ornementation. Des formes apparaissent déjà, qu'on ne connaissait pas ; les lignes se combinent autrement qu'autrefois : on voit que l'art du xixe siècle, on pourrait dire du xxe, va naître. L'Exposition de 89 aura hâté son éclosion.

C'est une petite consolation pour ceux qui ont eu l'honneur d'y travailler, et qui en ont parfois été récompensés assez mal. Quand le ministre qui avait organisé l'Exposition quitta le pouvoir, il laissa, malgré l'accident inattendu des couches de sable enlevées, les affaires de l'Exposition en si bon état que les prévisions de dépenses, pourtant modestes, n'étaient point atteintes. Le fait fut constaté dans une séance solennelle de la Commission de contrôle. Un budget falsifié, on ne sait par qui, fut cependant communiqué à la presse, pour faire croire à une administration négligente ou imprévoyante. Cela fait rire deux ans après.

PREFACE XXVII

Mais si l'Exposition a admirablement réussi, malgré tous les obstacles et les mauvaises volontés, est-il vrai qu'elle ait été complète et qu'elle ait réalisé les vues de ceux qui les premiers s'étaient occupés d'elle ? Non certes. Au point de vue matériel, il n'y a que peu de choses à regretter. Jamais jusqu'à présent, dans un même lieu, on n'avait réuni tant de monuments extraordinaires, tant de cons- tructions pittoresques ; mais, si l'on se place au point de vue intellectuel, on peut dire que l'Exposition n'a point donné ce qu'on espérait. Il est vrai que des conférences fort importantes, fort intéressantes, ont été organisées ; que des congrès ont eu lieu, dont les travaux resteront, et l'on a vu figurer les hommes les plus considérables. Malheureusement, tout cela a été fait sans méthode et sans ordre. 11 n'en est résulté aucune vue générale et d'ensemble. Les sujets les plus graves n'ont point été abordés. Et le travail accompli est surtout remarquable par ses lacunes.

Dans la pensée des premiers administrateurs, à côté de l'Exposition propre- ment dite, devait être organisé ce qu'on appelait alors « l'Exposition intellectuelle, scientifique et sociale ». Une commission de quatre cents membres, choisis parmi tous les savants, artistes, économistes, littérateurs, industriels, commerçants, agriculteurs de France et des deux mondes, se serait chargée de son organisation. Tout le savoir humain aurait été représenté, toutes les sciences, classées et hiérar- chisées, auraient été exposées et résumées, toutes les découvertes discutées, tous les problèmes qui préoccupent notre temps abordés, dans des congrès successifs et méthodiquement sériés. Tous les peuples, toutes les écoles auraient eu la parole dans ces grandes assises de la paix. On aurait mesuré le progrès accompli depuis 89 et marqué l'étiage de la civilisation. Le xi\e siècle, près de sa fin, aurait résumé son œuvre. De cette grande consultation, une encyclopédie serait sortie, à laquelle aurait collaboré le monde civilisé. L'Exposition laissait ainsi à l'avenir un monu- ment impérissable et un souvenir éternel.

Un esprit très large et très libéral aurait présidera cette organisation. Il n'aurait fallu s'offusquer d'aucune théorie ni d'aucune doctrine. Il aurait fallu mettre en présence toutes les conceptions scientifiques, artistiques, économiques, sociales; appeler en témoignage toutes les grandes intelligences contemporaines, mêler les hommes comme les idées. Peut-être bien des réformes et bien des progrès se seraient dégagés de ce rendez -vous solennel; à coup sûr, quelque chose de profi- table et de grand en serait sorti.

L'idée a été abandonnée après le changement de ministère. On ne s'est plus occupé que du côté matériel, tantôt en essayant de supprimer la Galerie des Machines ou la Tour Eiffel, tantôt en exagérant un peu le nombre des cafés et des concerts , des théâtres et des baraques. Si , en ellèt , quelque chose peut être

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reproché à l'Exposition, c'est d'avoir par trop rappelé les foires d'autrefois. L'imi- tation de Tantlia, de Nijni-Novogorod et de Beaucaire était trop visible, et aussi celle des Folies-Bergère. Ces acrobaties excessives s'accordaient mal avec le grand anniversaire que la France était censée célébrer. Un eût souhaité parfois plus de décence.

Qu'on cherche les amusements, les curiosités, tout ce qui peut attirer et retenir dans une ville les provinciaux et les étrangers, rien de plus naturel et de plus juste. Mais il faut avoir assez de tact, nous dirions volontiers assez le respect de soi-même et de son pays, pour ne pas recourir à des « attractions » trop grossières. Cela est vrai, surtout quant aune fête internationale se joint une solennité patriotique. Le contraste choque d'honnêtes gens.

Le Journal officiel, qui a publié avant le rapport général une sorte de rapport résumé sur l'Exposition, affirme qu'après la période d'organisation les ministres se sont peu à peu désintéressés de ce qui se passait au Champ-de-Mars. Il s'en félicite, et il a tort. Peut-être, si les ministres s'étaient préoccupés davantage de l'organisation intérieure, certains spectacles et certaines choses qui n'ont rien ajouté au prestige de l'œuvre eussent été écartés du programme. Nous eussions trouvé bon que quelqu'un au moins songeât à donner à nos fêtes de la dignité en même temps que de l'éclat.

Ces fautes douloureuses devront être évitées dans la prochaine Exposition. Mais y aura-t-il encore des Expositions Universelles? M. Le Play, dont il faut tou- jours discuter les opinions en pareille matière, pensait déjà en 1867 que leur rôle était fini et qu'il y fallait renoncer. Dans sa pensée, elles devaient être remplacées par ce qu'il appelle les « Musées généraux ».

Les Musées généraux constitueraient des Expositions internationales perma- nentes. M. Le Play en a donné le plan : ils sont de forme ronde ou ovale, ayant au centre un jardin couvert. Quatre grandes avenues les traversent : celle du Nord, celle du Sud, celle de l'Ouest, celle de l'Est, car ces palais sont orientés. Les allées qui forment rayons divisent les nationalités; les allées concentriques sépa- rent les produits. Dix grandes classifications y sont adoptées. On y entend des conférences et de la musique. Des professeurs y sont attachés. Tout autour des hôtels meublés reçoivent 1rs étrangers et les visiteurs, et dans de vastes salles ou de vastes laboratoires se réunissent les savants, les industriels, les artistes, et les agriculteurs exposants .

Les produits restent indéfiniment, et le producteur peut ainsi récupérer les frais de publicité qu'il a faits; on évite tous les inconvénients des expositions temporaires, que peuvent toujours troubler ou des épidémies ou la guerre ; on parvient à rédiger un catalogue exact et complet ; en excite l'émulation des expo-

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sants par la distribution annuelle de récompenses; on crée un grand centre scien- tifique et industriel les hommes de toutes les nations se rapprochent, se voient, discutent, apprennent à se connaître, à s'estimer et à s'aimer.

M. Le Play ne se dissimule pas les difficultés d'une pareille entreprise. 11 convient qu'un musée général ne pourrait pas s'établir au centre d'une grande ca- pitale: il devrait être construit dans les environs. Une ville s'élèverait fout autour, et la vente des terrains constituerait le principal bénéfice des actionnaires ou bailleurs de fonds. Ceux-ci seraient d'ailleurs entraînés à de grandes dépenses; car, pour ar- river à la cité nouvelle, il faudrait, d'après M. Le Play, construire dés chemins de fer et creuser au moins un canal. Il est vrai qu'il y aurait des attractions pour les familles: des théâtres en plein vent et un jardin des plantes rempli d'animaux exo- tiques. Beaucoup de patriotisme serait néanmoins nécessaire pour mener à bien cette œuvre gigantesque. M. Le Play ne se dissimule pas que les organisateurs devraient attendre assez longtemps avant de couvrir leurs frais.

Le projet est séduisant et digue d'un grand esprit. Malheureusement, il ne soulève pas seulement des objections financières. Outre qu'on ne saurait demander les cent ou deux cent millions nécessaires à la construction d'un Palais, d'une ville, d'un canal et d'un chemin de fer, ni à l 'initiative privée ni à l'Etat (en ce moment du moins), on se demande si une construction permanente et forcément bornée dans son étendue pourrait indéfiniment recevoirlous les produits, anciens et nouveaux, de l'industrie humaine. Chaque jour, on devrait dire chaque heure, amène, de notre temps, une découA'erte nouvelle. La science est dans un enfantement perpétuel. Toutes les branches de notre activité se développent simultanément et avec une rapidité incroyable. Des nations deviennent du jour au lendemain productrices, et tous les dix ans il faut presque doubler la surface de nos Expositions Internatio - nales .

Comment s'arrangerail-on avec un Palais permanent? Ne serait-il pas vile encombré? Ne deviendrait-il pas vite insuffisant? Le pourrait-on aménager aujour- d'hui pour recevoir les objets ou les machines dont on se servira dans un quart de siècle? Évidemment non. Nous ne saurions prévoir l'avenir. Ou se trouverait donc bien vite en présence de ce dilemme : ou abandonner le Palais, ou en élever un autre à côté. Dans les deux cas, mieux vaudrait ne pas l'avoir construit.

Les essais d'Exposition permanente n'ont d'ailleurs jamais réussi. Les Anglais croyaient faire une bonne opération en transportant à Sydenham le Cristal Palace (c'était l'idée de M. Leplay réalisée), et le résultat a été déplorable. Peu de visiteurs sont venus. Le Palais est aujourd'hui à peu près désert, malgré ses beaux jardins et ses curieuses restitutions des architectures anciennes. Il ne pourrait être utilisé comme « Musée général ». Sa construction ne répondrait plus aux besoins actuels;

XXX PREFACE

son étendue ne serait pas suffisante. L'industrie moderne s'y trouverait mal à l'aise.

Peut-être l'avenir appartient-il ;iux Expositions spéciales. Chacune de nos sciences, chacune de nos industries a pris un développement tel qu'elles peuvent à elles seules remplir un Palais et un parc. Une Exposition réunissant, par exemple, tous les systèmes d'éclairage ou tous les systèmes de locomotion, une Exposition pédagogique, une Exposition maritime et fluviale, une Exposition coloniale, etc., aussi bien et plus peut-être encore que nos Expositions annuelles des Beaux-Arts, ou que nos Expositions agricoles, attireraient le public et suffiraient à remplir de vastes espaces. Elles auraient l'avantage de permettre des études plus complètes, de mettre plus longtemps en rapport les hommes spéciaux, de ne point présenter de lacune, de servir mieux à l'instruction des visiteurs et de mieux satisfaire leur curiosité. Souvent les Expositions universelles entassent pêle-mêle trop de choses disparates, accordent trop d'importance à des étalages sans intérêt, fatiguent les yeux par leur monotonie et, ce qui est plus grave, ne donnent pas la place suffisante à des industries de premier ordre. N'a-i-on pas vu, en 1889, l'industrie des che- mins de fer reléguée dans un coin, sous un hangar, sans pouvoir se développer, alors que des milliers de mètres carrés étaient accordés à des cafés-concerts ou à des baraques foraines?

Ces Expositions spéciales pourraient avoir lieu, sans inconvénient, tous les deux ou trois ans, tantôt dans des locaux spécialement construits à cet effet, tantôt en plein air. Il serait utile de varier la situation et les bâtiments, soit pour exciter la curiosité, soit pour donner satisfaction aux différents arrondissements de Paris, qui profileraient chacun à leur lour de l'affluence des étrangers et des visiteurs. Rien n'empêcherait, non plus, d'organiser en province des Expositions régionales. Elles rendraient souvent un peu de mouvement et de vie à des villes délaissées. Per- sonne n'a oublié le grand intérêt que présentait, il y a cinq ans, l'Exposition mari- time du Havre.

Mais, en même temps que les Expositions spéciales, qui seraient par excellence des Expositions d'études et desquelles résulteraient, à coup sûr, des améliorations et des progrès, il serait nécessaire, pour le développement de notre commerce d'expor- tation, pour la bonne renommée de nos produits systématiquement décriés à l'étran- ger, de provoquer l'organisation d'Expositions nationales françaises dans les princi- paux centres de l'Europe et de l'Amérique. On prendrait modèle sur l'Exposition qu'on va monter aujourd'hui à Moscou. La France gagnerait à mettre en lumière les travaux de ses industriels, de ses artistes, de ses artisans, de ses ouvriers, dont la supériorité écla ferait ainsi à tous les yeux. Elle n'aurait la plupart du temps rien à craindre des comparaisons. Elle imposerait peu à peu aux autres nations ses habitudes et ses goûts; elle prouverait, par l'éclat de ses œuvres, la médiocrité des

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contrefaçons; elle se ferait aimer en se faisant mieux connaître. Elle se montrerait ce qu'elle est : laborieuse et géniale.

Ce qui est possible maintenant en Russie doit être possible ailleurs. C'est une question à étudier, un programme à tracer. Il n'est pas douteux que de nouveaux débouchés s'ouvriraient bientôt pour nous , et que peu à peu nous pourrions re- conquérir de la sorte, si toutefois la surélévation de nos droits de douanes ne provoquaient pas de représailles , une partie , peut-être la totalité des marchés que l'on nous dispute ou que nous avons perdus. Nous stimulerions, par ces exhibitions lointaines, le zèle de nos consuls et l'activité un peu endormie de nos industriels. L'Etat les favoriserait, soit en distribuant des récompenses, soit en nommant des fonctionnaires pour les diriger. Et peut-être ces grandes entreprises rendraient- elles à notre pays, au point de vue commercial et même au point de vue politique, plus de services que les Musées généraux projetés avec M. Le Play.

Ce vaste système d'Exposition créé, faudrait-il renoncer aux Expositions uni- verselles et internationales ? Nous ne le pensons pas. Chacune des Expositions que nous venons d'énumérer aurait un but particulier et utilitaire. Les Expositions à l'étranger concourraient à la prospérité publique en développant notre commerce d'exportation et en répandant la renommée de nos produits dans le monde entier; les Expositions provinciales répandraient la vie dans nos départements, y suscite- raient l'esprit d'émulation et d'entreprise ; les Expositions spéciales, dont le siège serait à Paris, aideraient au progrès des industries et des sciences. Mais après une période décennale, il serait toujours indispensable qu'une grande Exposition com- plète, universelle, résumât les efforts tentés et les améliorations réalisées , mesurât le pas en avant, indiquât la route à suivre. Une Exposition universelle est une tota- lisation : l'esprit humain arrête une minute son labeur et considère le chemin par- couru, comme un voyageur retourne la tête pour regarder la pente déjà gravie. C'est un moment de détente la pensée se condense, les forces se renouvellent. Les hommes admirent leurs conquêtes et se donnent la main. Un grand souffle de fraternité passe sur leurs fronts. Et ces fêtes ne sont pas indifférentes à la paix du monde.

Edouard LOCKROY.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE

DE l88g

HISTORIQUE

'■1 serait difficile d'indiquer, avec quelque précision, à qui est duc cl comment s'est

io« manifestée l'idée première de l'Exposition Universelle de 1889. JVii-o Dès le mois de juin 1883, un groupe important d'industriels et dr députés se rendait auprès de M. Hérisson, alors Ministre du Commerce, et l'entretenait d'un projet d'exposition nationale à Paris en 1885.

Il ne s'agissait pas encore d'une exposition universelle, et la date de 1889 restait à trouver.

Il parait cependant évident que ce premier projet fut le point de départ initial du grand courant populaire et national qui, un an plus tard, amenait le ministère à étudier un projet d'Exposition universelle devant s'ouvrir à Paris dans le courant de l'année 1889.

Entre temps, le gouvernement, M. Jules Ferry étant président du conseil, avait pense, en effet, qu'une merveilleuse occasion s'offrait pour la France d'affirmer aux yeux du monde entier ses sentiments pacifiques, en même temps quelle montrerait, à tous, les progrès accomplis dans les diverses branches des arts, des sciences et de l'industrie durant les dernières années écoulées.

On remarqua, en outre, que depuis 1855, date de la première Exposition universelle française, ces grandes manifestations du génie humain s'étaient renouvelées à intervalles à peu près réguliers, à chaque période de onze années.

i 1

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Dès lors, l'Exposition Universelle de 1889 fut implicitement et virtuellement décidée.

Le 8 novembre 1884, M. Maurice Rouvier, Ministre du Commerce, adressait, à ce sujet. un rapport à M. Jules Grévy, Président de la République, et soumettait à sa signature deux décrets constituant le point de départ et, en quelque sorte, l'acte de naissance ^\r l'Exposition.

Le premier de ces décrets décidait qu'une Exposition universelle des produits de l'industrie s'ouvrirait à Paris le 5 mai 1889.

Par le second décret, le Président delà République instituait une commission de trente- trois membres chargée d'étudier et de rechercher les voies et moyens propres à assurer l'exécution de ce projet, et appelait à la présidence de cette commission M. Antonin Proust, député, ancien Ministre des Arts.

Nous reproduisons ici ces deux décrets ainsi que le rapport qui les précède.

RAPPORT

AL PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Paris, le 8 novembre 1884, Monsieur le Président,

La République, en 1798, a décrété la première exposition de l'industrie française.

Depuis lors, la France a eu quatorze grandes expositions. Pendant la première moitié du siècle, ces concours de l'industrie et de l'art étaient d'abord limités aux seuls produits nationaux.

L'application des grandes découvertes de la science venant centupler les facilités d'échange, et aussi les idées de libre concurrence tendant de plus en plus à dominer le monde civilisé, n'ont pas tardé à changer le caractère de ces grands tournois pacifiques et à en élargir le champ. Les expositions, d'abord nationales, sont devenues internationales et ont été ouvertes à tous les produits du travail humain.

C'est en 1853 que, pour la première fois, la France a appelé à Paris les exposants du monde entier. Cette année 18o'i restera célèbre dans les annales de la civilisation, car de datent les premiers succès obtenus par ces grands concours internationaux la rencontre du génie propre à chaque peuple apparaît comme le plus puissant stimulant du progrès industriel et du perfectionnement des arts. L'Exposition de 185S est le point de départ des merveilleux résultats obtenus depuis par l'application de l'art à l'industrie.

L'Exposition de 1878 semble d'hier. L'admirable spectacle du développement du travail français, dont nos malheurs n'avaient point entravé l'essor, est encore présent à tous les yeux.

Dès alors, la date de 1889 apparut au sentiment national comme l'échéance d'une nouvelle exposition universelle.

Cette date semblait, en effet, indiquée par la périodicité de onze à douze ans qui s'était établie entre les dernières expositions. Elle l'était bien plus encore parce qu'elle devait coïncider avec le centenaire d'une hégire chère au patriotisme français.

Celle pensée s'affirme davantage chaque jour. La date de 1889 a surgi dans lous les esprits avec une spontanéité significative. Elle est universellement désignée; on peut dire qu'elle s'impose. Les oppositions isolées qui ont pu se produire sont restées sans écho.

Le Gouvernement de la République n'est que l'interprète fidèle du sentiment du pays en recherchant, îles à présent, les moyens propres a réaliser le projet d'une exposition universelle en 1889.

L'Exposition de 1807 a été décrétée eu 1863. Celle de 1878 n'a été décidée qu'en 1876; mais l'expérience de cette dernière a démontré qu'un délai de deux ans était insuffisant.

Aujourd'hui, quatre années nous séparent de 188.). J'estime qu'il convient d'utiliser ces quatre années en distinguant la période de préparation de celle d'exécution. Les opérations de la seconde période seront d'autant plus rapides qu'une méthode plus siïre aura été adoptée pour la première.

L'EXPOSITION- UNIVERSELLE DE 1889

11 n'est pas prématuré d'ouvrir immédiatement cetle première période. On pourra ainsi étudier mûre- ment les diverses questions à résoudre et s'appliquer à écarter l'imprévu.

Avant d'organiser les différents services de l'Exposition avec le concours d'une grande commission réunissant tous les hommes qui peuvent utilement seconder mon administration dans cette vaste entreprise, j'ai l'honneur, Monsieur le Président, de soumettre à votre approbation, avec le décret instituant une exposition universelle en 1889, un second décret établissant une commission consultative.

Cette commission, chargée du travail préparatoire qui doit précéder l'organisation définitive, aurait pour mission de rechercher et d'indiquer remplacement de l'Exposition de 1889, de dresser le programme d'un avant-projet qui servirait de base au concours à ouvrir pour les constructions, et enfin de déterminer la parti- cipation de l'État dans les dépenses prévues. Celle participation doit, dans ma pensée, être tout d'abord garantie, pour une large pari, par le concours des capitaux privés.

Cette commission, exclusivement composée d'hommes que leurs fonctions électives, leur compétence technique ou leurs attributions administratives appellent à se prononcer sur les questions que je viens d'in- diquer, aurait à entendre tous ceux qui peuvent, à un titre quelconque, être intéressés dans l'étude qu'elle serait chargée de faire.

J'ai l'honneur de vous proposer, Monsieur le Président, de vouloir bien appeler à la présidence de cetle première commission M. Antonin Proust, député, ancien Ministre des Arls.

Si vous voulez bien donner à mes propositions votre haute approbation, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien revêtir de votre signature les deux projets de décrets ci-joints.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le Ministre du Commerce,

Maurice Rouvier.

Le Président de la République Française,

Sur le rapport du Ministre du Commerce,

Décrète :

Article premier. Une exposition universelle des produits industriels s'ouvrira à Paris le 5 mai 1889 et sera close le 31 octobre suivant.

Les produits de toutes les nations seront admis à cetle exposition.

Art. i. Un décret ultérieur déterminera les conditions dans lesquelles se fera l'Exposition Univer- selle, le régime dans lequel seront placées les marchandises exposées et les divers genres de produits susceptibles d'être admis.

Art. 3. Le Ministre du Commerce est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 8 novembre 1884.

Jules GRÉVY. Par le Président de la République :

Le Ministre du Commerce,

Maurice Rouvier.

Le Président de la République Française,

Vu le décret de ce jour, relatif à l'Exposition Universelle de 1889;

Sur le rapport du Ministre du Commerce,

Décrète :

Article premier. Il est institué, près le département du commerce, une commission chargée d'étudier i'l de rechercher les moyens propres à réaliser le projet d'une exposition universelle internationale en 18S9.

Art. 2. Sont nommés membres de la commission instituée par l'article précédent :

Anionin Proust, député, ancien Ministre des Arts,

président. Teisserenc de Rort, sénateur, vice-président.

Spuller, député, vice-président.

Le Sous-Secrétaire d'Etat au Ministère des Travaux Publics.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Le Gouverneur de la Banque de France.

Le Gouverneur du Crédit Foncier.

Le Directeur du commerce extérieur.

Le Directeur du commerce intérieur.

Le Directeur des consulats au Ministère des Affaires Étrangères.

Le Directeur de l'administration départementale et communale au Ministère de l'Intérieur.

Le Directeur de l'inspection générale au Ministère des Finances.

Le Directeur de la comptabilité publique au Ministère des Finances.

Le Directeur des domaines au Ministère des Finances.

Le Général Directeur du génie au Ministère de la Guerre.

Le Directeur du matériel au Ministère de la Marine et des Colonies.

Le Directeur des beaux-arts au Ministère de l'Ins- truction Publique.

Le Directeur du secrétariat au Ministère de l'Instruc- tion Publique.

Le Directeur des bâtiments civils et des palais natio- naux au Ministère de l'Instruction Publique.

Le Directeur des chemins de fer au Ministère des Travaux Publics.

Le Directeur de l'agriculture au Ministère de l'Agri- culture.

Le Directeur du service central au Ministère des Postes et Télégraphes.

Le Préfet de la Seine.

Le Préfet de Police.

Le Président du Conseil général de la Seine.

Le Président du Conseil municipal cie Paris.

Le Directeur des travaux de la Ville de Paris.

L'Ingénieur en chef du département de la Seine.

Le Sous-Directeur des colonies, chargé de la deuxième sous-direction au Ministère de la Marine et des Colonies.

Le Chef adjoint du cabinet du Président du Conseil.

Le Président de la Chambre de commerce de Paris,

Le Président de l'Union nationale des chambres syn- dicales.

Le Président du Comité central des chambres syn- dicales.

Veyssier, Membre de la Commission executive de l'Union des chambres syndicales ouvrières.

MM. Ducos et Grenier, Auditeurs au Conseil d'Étal, rempliront les fondions de secrétaire et de secrétaire adjoint.

Art. 3. Le Ministre du Commerce est chargé de l'exécution du présent décret. Paris, le 8 novembre 1884.

Jiles GREVÏ

Par le Président de la République : Le Ministre du Commerce,

Muiuce Roi vio.

La décision du Gouvernement fut accueillie avec enthousiasme et rencontra l'appro- bation la plus chaleureuse, aussi bien dans la presse que dans le publie.

Le choix de M. Antonio Proust, en qualité de Président de la Commission consultative, était particulièrement heureux. Chacun vit en lui le futur directeur général de l'Exposition,

et nul, aussi bien que lui. n'était en situation d'assumer la responsabilité et de conduire à bien les difficultés multiples d'une pareille charge. Son passé, ses immenses relations et ses merveilleuses aptitudes le désignaient également pour ces hautes fonctions, et sa nomination apparut comme un gage assuré de réussite et de prompte réalisation.

Durant cinq mois, la Commission consultative se livra au travail le plus assidu, s'en- tourant de tous les documents utiles, de toutes les indications nécessaires et faisant appel à tous les talents comme à toutes les bonnes volontés.

A la tin du mois de février 1885, les travaux préparatoires de la commission étaient terminés, et le lu mars 1885 M. Antonin Proust, son président, présentait en son nom, au .Ministre du Commerce, le rapport suivant que nous reproduisons dans son entier, car on y retrouve buttes les dispositions essentielles et les bases constitutives des divers services de l'Exposition, tels qu'ils ont été organisés ultérieurement.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

RAPPORT

PRÉSENTÉ AL MINISTRE DU COMMERCE PAR M. LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION CONSULTATIVE INSTITUÉE PAR DÉCRET DU 8 NOVEMBRE 1884, PRÈS LE DÉPARTEMENT DU COMMERCE, EN VUE DE L'ORGANISATION D'UNE EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE EN 1889.

Paris, le 10 mars 1885.

MoNsiEiR le Ministre,

Les décrets que vous avez présentés à la signature de M. le Président de la République, à la date du 8 novembre 1884, ont décidé qu'une Exposition universelle et internationale s'ouvrirait à Paris le 5 mai 1889,

M. Antonix Prolst.

et qu'une Commission consultative serait instituée auprès de votre déparlement pour étudier les moyens propres à donner à cette Exposition un éclat digne de la France et des nations qui répondront à son appel. Sur votre proposition, M. le Président de la République m'a fait l'honneur de me confier la présidence de votre Commission consultative, à laquelle vous avez attribué le triple mandat de rechercher et d'indiquer l'emplacement de l'Exposition de 1889, de dresser le programme d'un avant-projet pouvant servir de base aux concours à ouvrir pour les constructions et déterminer la part que devront avoir l'action publique et l'action privée dans la formation du capital nécessaire à la réalisation de l'œuvre.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 18S9

Jo dois, à ce titre, Monsieur le Ministre, vous rendre compte du résultat des travaux de la Commission instituée par les décrets du 8 novembre.

Choix de l'emplacement. La Commission consultative a consacré ses premières séances à entendre les auteurs des différents projets dont elle avait reçu communication et les personnes qui s'intéressaient à l'adoption de ces projets. Après cette enquête, la Commission devait tout d'abord se poser cette question : L'Exposition de 1S89 doit-elle être placée dans l'enceinte de Paris ou au dehors de cette enceinte'.' » Organiser une Exposition hors Paris, disait Viollet-le-Duc en 1878 (1), c'est rendre la visite de ce qu'elle renferme longue et onéreuse; c'est priver même une partie de la population des visites fréquentes qu'elle y pourrait faire.

« Nous ne devons pas oublier, ajoutait Péminent rapporteur de la Commission de 1878, que si les Expo- sitions universelles attirent un grand nombre d'oisifs, de curieux, d'étrangers riches et qui peuvent disposer de leur temps, elles sont chez nous très populaires, deviennent un sujet précieux d'éludés, et que nos artisans, nos ouvriers doivent pouvoir les visiter longuement et fréquemment, sans perdre un temps utile en longues courses et sans être obligés de dépenser beaucoup. »

La nécessité de rapprocher l'Exposition du centre de la ville, nécessité qui avait précédemment déter- miné les organisateurs de l'Exposition de 1867 à faire choix du Champ-de-Mars et que le rapporteur de la Commission de 1878 invoquait en faveur du même emplacement, était de nature à ne laisser subsister aucune hésitation dans l'esprit des membres de la Commission consultative.

Mais le Conseil général de la Seine et le Conseil municipal de Paris avaient déjà chargé une Commis- sion, nommée par la première de ces assemblées et complétée par la seconde (2), de procéder à une enquête sur les emplacements proposés pour l'Exposition de 1889.

Il nous a paru, Monsieur le Ministre, que nous devions attendre les résultats de cette enquête et marquer ainsi notre volonté de jeter, dès la première heure, les bases de la collaboration qui doit s'établir entre les représentants de l'État et ceux de la Ville de Paris pour la bonne réussite de l'œuvre dont vous nous avez confié la préparation.

Au lendemain du jour le Conseil général eut formulé son avis, nous avons donc convié le Président et les rapporteurs de la Commission municipale à nous indiquer les motifs qui avaient déterminé la Ville à se prononcer en faveur du Champ-de-Mars pour y placer l'Exposition de 1889. M. le Président de la Commission municipale a reproduit les arguments donnés en 1867 pour recommander le choix du Champ-de-Mars, argu- ments qui sont d'ailleurs ainsi formulés par l'honorable M. Guichard dans son rapport au Conseil municipal : « Considérant, dit le rapporteur, qu'une Exposition doit être visitée par le plus grand nombre de citoyens et qu'il importe par suite de réduire la dépense de temps et d'argent que doit s'imposer le visiteur pour s'y rendre, le Conseil est d'avis que l'Exposition de 1889 ait lieu au Champ-de-Mars et que les concours aient lieu à Vincennes. »

Après une très courte délibération, la Commission consultative a émis un avis de tous points conforme à celui de la Ville de Paris, en déclarant que sous la rubrique : ■• Emplacement du Champ-de-Mars, » elle visait : sur la rive gauche de la Seine, le Champ-de-Mars, le terrain qui s'étend de l'avenue de La Bourdonnais au Ministère des Affaires Étrangères, en y comprenant les quais et l'Esplanade des Invalides, ni totalité ou en partie ; sur la rive droite, le Trocadéro relié par le pont d'Iéna et les Champs-Elysées, depuis l'avenue d'Antin jusqu'à l'avenue qui limite le Palais de l'Industrie du côté de la place de la Concorde, en y comprenant le Palais de l'Industrie, ces dernières surfaces réunies à l'aide d'un pont doublant le pont des Invalides.

Dans la pensée de la Commission, les concours et expériences qui exigent un grand développement de terrain seraient attribués à Vincennes, conformément à l'opinion qu'elle avait émise et conformément au vû*u formulé par le Conseil municipal de Paris.

î° Programme de V avant-projet des constructions. Sur ce point, vous avez demandé à la Commis- sion, Monsieur le Ministre, une indication générale des surfaces à couvrir, sans préjuger le classement dans ses détails.

L'emplacement dit du Champ-de-Mars choisi, la Commission consultative a rechercher quelles dis- positions il convenait de proposer pour que l'Exposition universelle et internationale de 1889 répondit au

(1) Rapport de M. ViolIct-le-Duc.

(2) Cette Commission, nommée par le Conseil général de la Seine, était composée de : MM. Dreyfus, président; Johbé- Duval, Guichard, vice-présidents; Monleil, Lyon-AIemand, secrétaires; Curé, Hatlat, Georges Martin, Marius Martin, Michelin, Rouzé et Voisin. Le Conseil municipal de Paris, aprrs avoir confirmé les pouvoirs de cette Commission, lui adjoignit le président du Conseil municipal et lo président de la Commission du budget.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1880

but qu'elle se propose. 11 lui a paru que deux grandes divisions devaient être tout d'abord établies, en donnant à la première un plus grand développement et une plus grande précision qu'en 1878 :

La manifestation des idées ; l'exposition des produits.

Dans l'Exposition de 1878, les congrès et conférences chargés de provoquer la manifestation des idées ont obtenu le plus grand succès. Dès le mois de septembre 1876, l'honorable M. Krantz avait signalé au .Ministère l'utilité que présenterait une large institution de congrès et de conférences pendant l'Exposition. C'était, à son avis, le moyeu le plus efficace de mettre en rapport les savants, les artistes, les industriels de tous les pays, et de profiter de leur réunion à Paris pour établir entre eux des échanges de vues et de con- naissances dont tous et chacun pourraient tirer parti. Les congrès et conférences devaient, dans sa pensée, constituer, en regard de l'exhibition des produits, l'exposé des idées dont ils dérivent et dont ils sont les tra- ductions matérielles.

Enfin beaucoup de questions économiques ou de législation comparée qui intéressent à la fois fous les pays pourraient être examinées, disculées et signalées dans leurs points essentiels à l'attention des gouvernements. Cette proposition de l'honorable M. Krantz provoqua l'arrêté du 10 mars 1878, par lequel le Ministre décida que des conférences et des congrès internationaux auraient lieu au Trocadéro pendant l'Exposition Universelle.

L'arrêté du 10 mars chargea un comité de tracer un programme des sujets sur lesquels des conférences et des congrès pouvaient être utilement institués, d'établir entre les conférences un ordre méthodique et logique, de provoquer l'organisation des congrès qui n'auraient pas trouvé de promoteurs, de faciliter la tenue des uns et des autres en mettant à leur disposition, dans le Palais du Trocadéro, des locaux appropriés à leur réunion et un personnel de sténographes, d'imprimer à l'ensemble de l'œuvre l'unité de direction qui peut seule assurer la réussite, de présider enfin à la publication d'un ouvrage, vérilable livre d'or de l'Exposition, dans lequel seraient recueillis les travaux, les délibérations, les avis que la commission aurait jugés dignes d'être conservés dans ses annales, et qui, survivant à l'œuvre, conserverait d'une manière durable les renseignements qu'elle aurait produits. L'Administration n'entendait d'ailleurs en aucune façon se substituer à l'initiative privée dans l'organisation intérieure des congrès, la composition des ordres du jour, la direction de leurs séances.

L'arrêté qui instituait la commission la partageait en huit sections, dont les sept premières correspondaient aux divers groupes des produits de l'Exposition, et dont la huitième embrassait dans son programme tout ce qui ne peut être représenté matériellement, notamment les questions de législation et d'économie sociale. La réunion plénière des commissions eut lieu le 3 avril 1878, sous la présidence de M. Teisserenc de Bort.

Le nombre des congrès de 1878 a été de 32, celui des conférences s'est élevé à 47. Les congrès et les conférences ont donné lieu à la publication de 3G volumes.

L'œuvre des congrès internationaux de 1889, préparée par les soins d'une commission spéciale et fortifiée de l'institution d'un cercle des éludes économiques qui recevrait dès aujourd'hui des adhésions, donnerait sans aucun doute des résultats meilleurs que ceux qui ont été obtenus en 1878.

Le rapport de 1878 constate, en effet, que c'est surtout le temps qui a manqué pour prévoir l'organisation complète des congrès. Si l'on veut bien considérer que sur les conclusions d'une commission spéciale on pourrait faire connaître la nomenclature des travaux qui se rapportent aux conquêtes de l'esprit humain pendant la durée do notre siècle, on reconnaîtra qu'il serait facile, à l'aide de ses travaux, de réunir les éléments d'une sorte d'encyclopédie.

D'autre part, les innombrables questions qui intéressent l'avenir du travail, pouvant être utilement examinées et préparées durant les quatre années qui nous séparent de 1889, donneraient lieu à des discussions suivies de publications faites, comme les premières, au profit de l'Exposition de 1889, laquelle inscrirait au budget de ses dépenses le chiffre des primes qu'il conviendrait d'attribuer aux auteurs des travaux récompensés.

Quant à l'institution du cercle international, qui réunirait, à côté des bibliothèques, des laboratoires et des salles de conférences, tout le confortable de la vie matérielle, son succès ne saurait être douteux, surtout si ce cercle est installé à l'entrée même de l'Exposition, sur le point le plus rapproché du centre de Paris, aux Champs-Elysées, dans le Palais de l'Industrie.

La commission propose en effet, Monsieur le Ministre, dans le plan général que je vais avoir l'honneur de vous indiquer, de placer l'une des entrées de l'Exposition de 1889 au Palais de l'Industrie.

Ce Palais serait pourvu, au rez-de-chaussée, d'un plancher et recevrait des estrades qui y faciliteraient, à côté de l'installation des congrès, des conférences et du cercle international, l'organisation des fêtes, des réceptions et de la solennité de la distribution des récompenses.

L'EXPOSITION1 UNIVERSELLE HE 1889

Autour du Palais de l'Industrie, dans la partie comprise entre l'avenue parallèle à la place de la Concorde et l'avenue d'Antin, on pourrait disposer tout ce qui se rapporte à la classe de l'enseignement et do l'éducation.

Les organisateurs de l'Exposition de 1878, après avoir conslalé le grand succès obtenu par les expositions pédagogiques de Vienne et de Philadelphie, s'étaient attachés « à donner aux choses de l'éducation une importance en rapport avec les progrès accomplis depuis 18G7 dans l'organisation de l'enseignement public ».

Dans les entreliens qui ont précédé la constitution de la commission du 8 novembre 1884, vous avez bien voulu reconnaître, Monsieur le Ministre, qu'il était désirable de montrer quel a été, dans toutes les branches de la production, l'effort de l'esprit humain au cours de ce siècle, et vous avez pensé que l'on pourrait utilement donner à l'Exposition de 1889, dans toutes ses parties, le caractère d'exposition cen- tennale.

Il est peu de classes le progrès sera plus intéressant a suivre que dans la classe de renseignement.

M. Pierre Lecrand.

La Ville de Paris a déjà réédifié, à côté du Palais de l'Industrie, le pavillon qu'elle avait construit en 1S78 pour son exposition scolaire.

Les administrations publiques et les sociétés privées des différents pays pourraient disposer aux Champs-Elysées, autour du Palais de l'Industrie, les modèles des établissements destinés à l'enseignement à tous ses degrés.

Au sortir de la classe de l'enseignement et de l'éducation, le visiteur franchirait la Seine sur un pont doublant le pont des Invalides et qui, par son élévation au-dessus du cours la Reine, n'interromprait pas la circulation, qui doit demeurer libre sur tout le parcours des quais de la rive droite. Dans la pensée de la commission, l'Esplanade des Invalides serait attribuée à l'exposition des colonies et à l'exposition des animaux vivants, qui ne dure que deux semaines. On laisserait ainsi jusqu'au dernier moment, à l'administration militaire, la jouissance de la plus grande partie de cette esplanade, qu'elle emploie pour les exercices des troupes à pied.

L'agriculture aurait à sa disposition toute la partie du quai d'Orsay et du quai de l'Aima comprise entre l'Esplanade des Invalides et l'avenue de La Bourdonnais, celte étendue augmentée de la largeur de la berge, sur laquelle seraient établis des appointements.

L'honorable M. Tisserand, directeur de l'agriculture, a présenté à la commission un rapport très complet sur les dispositions qu'il conviendrait d'adopter, pour donner à la classification des produits agricoles une physionomie meilleure que dans les expositions précédentes.

Les classifications antérieures ont en effet donné lieu, dit M. Tisserand, à des critiques nombreuses et

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

fondées. On s'esl plaint avec juste raison de Péparpillement dans les groupes des produits, des procédés, de l'outillage agricoles. Il convient de profiler de l'expérience faite.

L'agriculture doit, en ISSU, former pour chaque pays un ensemble qui permette d'apprécier les conditions de la production et les procédés mis en œuvre.

Il faut que l'exposition agricole de chaque contrée puisse donner une idée nette, précise et complète de la culture, de son importance, des conditions au milieu desquelles elle s'exerce.

A l'avenue de La Bourdonnais, nous rentrons dans la superficie du Champ-de-Mars, qui donnait, en 1878, 45 hectares disponibles, et qui, par suite de rétablissement du square de la Ville de Paris et de l'aliénation au profit de constructions particulières des bordures qui limitent ce square du côté de l'avenue de La Bourdonnais et du côté de l'avenue Suffren, n'offre plus que 35 hectares dont on puisse disposer.

La commission, Monsieur le Ministre, a tout d'abord s'inquiéter de la destination future du Champ-de-Mars.

Le Champ-de-Mars devra-t-il, après l'Exposition de 1889, être rendu à l'administration militaire, qui en a !a jouissance?

La désaffectation temporaire de ce terrain de manoeuvre, qui a été une désaffectation presque constante par suite des travaux des deux dernières expositions universelles, ne pourrait-elle pas devenir une désaffectation

M. Dadtresme.

définitive? Les quartiers intéressés réclament depuis longtemps cette désaffectation, dans l'espoir que le Champ- de-Mars sera traversé par des voies praticables. D'autre part, il n'est pas douteux que le Champ-de-Mars, transformé en parc et pourvu, à son entrée du côté de la Seine, d'édifices dont la construction s'accorderait avec la décoration du Trocadéro, tout en ménageant la perspective de l'École Militaire, offrirait dans une des parties les plus belles du nouveau Paris une vue plus agréable que celle de cette plaine immense et nue.

Le Ministre de la Guerre s'esl montré disposé à accepter la désaffectation définitive du Champ-de-Mars, à la condition qu'il lui serait donné en compensation un terrain de manœuvre à portée de ses établissements militaires. Le Ministère de la Guerre avait même fait entrevoir que le déplacement de la plupart de ceux de ces établissements qui sont placés dans Paris pourrait se concilier avec la solution à chercher pour la désaffectation de tout ou partie de l'enceinte fortifiée de Paris, et par suite avec la désaffectation du Champ-de-Mars, qui aurait trouvé son équivalent hors des murs; mais, à la suite d'une démarche du Conseil municipal auprès du Ministre de la Guerre, le Conseil de défense s'est prononcé contre toute atteinte portée au système actuel île la fortification de Paris.

Il ne reste donc plus, Monsieur le Ministre, qu'à saisir le Parlement de la question de la désaffectation du Champ-de-Mars, qui ne peut être résolue que par une loi, et qui pourrait faire l'objet, pour la compen- sation à donner au Ministère de la Guerre, d'une convention avec la Ville de Paris. Sans préjuger l'issue du débat qui s'engagera à ce sujet, la commission a considéré que la convention de 1880 mettant le Champ-de-Mars à la disposition de l'État pour l'installation des expositions universelles, elle était autorisée

10 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

à proposer, dès aujourd'hui, d'élever sur l'emplacement du Champ-de-Mars des constructions provisoires et même des constructions permanentes qui laisseraient un espace suffisant pour les manœuvres militaires, dans le cas le Parlement maintiendrait au Champ-de-Mars sa destination actuelle.

La commission s'est demandé, après avoir pris cette décision, si elle chercherait, comme précédemment, à accumuler dans le Champ-de-Mars, sous une construction unique, toutes les œuvres J'art, la grande majorité des produits des industries proprement dites et la galerie des machines, en réservant seulement à quelques établissement particuliers les aménagements isolés et spéciaux.

La méthode de classement adoptée en 186" et eu 1878 impose en quelque sorte la construction unique.

Le plan de construction d'un seul palais affectant la forme de deux demi-cercles de 190 mètres de rayon relié par un rectangle de 3S0 mètres sur 110 avait pour point de dépari, dit le rapporteur de l'Exposition Universelle de 1867, une classification méthodique.

On avait adopté dans la disposition circulaire deux systèmes de division : le premier était formé de zones concentriques destinées à recevoir les groupes de produits similaires de tous les pays ; le second, des secteurs rayonnants consacrés chacun à une nation différente.

La classification comprenant sept groupes, on avait placé ces sept groupes à partir du centre dans l'ordre et sous la dénomination ci-après :

I. Œuvres d'art. II. Matériel et application des arts libéraux. III. Meubles et autres objets destinés à l'habitation. IV. Vêtements (tissus compris) et autres objets portés par la personne. V. Produits i bruts et ouvrés'} des industries extraclives. VI. Instruments et procédés des arts usuels. VIL Aliments (frais ou conservés et à divers degrés de préparation).

A ces sept groupes, on avait ajouté sous les nos 8 et 9 les produits vivants et les spécimens d'établisse- ments de l'agriculture et de l'horticulture, puis un dixième groupe renfermant les objets spécialement exposés en vue d'améliorer la condition physique et morale de la population.

Un onzième groupe avait enfin pris le nom de groupe de l'Histoire du Travail. La pensée, dit le rapport, en faisant allusion à la classification des sept premiers groupes, avait été de disposer au cœur mJme du palais les œuvres d'art, afin de constituer au centre un foyer lumineux duquel tout rayonnerait.

En 1S78, le palais unique formait un vaste rectangle dont les dimensions étaient, dans le sens perpen- diculaire à la Seine, de 706 mètres, et de 350 mètres dans le sens parallèle. Symétrique par rapport à son grand axe, ce bâtiment comprenait, en parlant du dehors pour arriver au centre, une véranda de 5 mètres de largeur, une galerie fermée de 12 mètres, le grand hall des machines d'une portée de 33 mètres, puis trois galeries de 25 mètres de portée chacune, séparées par deux passages longitudinaux de 5 mètres de largeur.

Cet ensemble de constructions métalliques était limité par un passage à ciel ouvert large de 18 mètres, destiné à isoler du reste de l'édifice la galerie des beaux-arts qui occupait l'axe de symétrie. Cette dernière consistait en une série de pavillons indépendants, en maçonnerie, d'une largeur uniforme de 25 mètres sur une longueur tantôt de 58 mètres, tantôt de 49 mètres.

Des passages transversaux de 7 mètres de largeur séparaient deux pavillons consécutifs, et quatre petites salles de 15 mètres sur 7 flanquaient chacun des bâtiments principaux, laissant entre elles des renfoncements d'égale dimension. Le palais était limité au nord et au sud par deux grands vestibules terminaux de 25 mètres de largeur qui, à leurs rencontres avec les galeries des machines, formaient quatre grandes salles destinées à être couvertes par autant de dômes.

Dans ce palais, la classification adoptée en 1867 fut conservée. On se borna, dit le rapport de 1878, à y apporter quelques changements dont l'expérience avait (ait reconnaître l'utilité. C'est ainsi que le groupe X fut supprimé et que les éléments en furent répartis dans les groupes II et 111, et que trois nouvelles classes consacrées au matériel et aux procédés de l'enseignement à tous les degrés furent ajoutées au groupe II.

Le classement de 1867, légèrement modifié en 1878, pourra-t-il être conservé en 1889? Devra-t-il être complètement remanié selon les dispositions proposées pour les surfaces couvertes? C'est une ques- tion qui devra être résolue par la commission d'organisation après une élude approfondie des différentes classes.

Cette question réservée, la commission propose de placer à l'entrée du Champ-de-Mars, immédiatement après le square de la Ville de Paris, deux palais : l'un du côté de l'avenue de La Bourdonnais, destiné aux arts ; l'autre du côté de l'avenue de Suffren, destiné aux sciences, ces deux palais couvrant chacun une surface de 34,000 mètres, soit pour les deux, 68,000 mètres, y compris les cafés et restaurants qui auraient leur entrée sur l'esplanade réservée entre les deux édifices.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 11

Si l'on adoptait la construction d'un premier clage dansées deux palais, il suffirait découvrir une surface de 26,000 mètres pour chacun des édifices, ce qui donnerait pour l'ensemble 52,000 mètres.

Dans le premier cas, l'esplanade aurait une largeur de 168 mètres. Dans le second cas, une largeur de 194 mètres.

Les palais des arts et des sciences pourraient être mis en communication par une galerie souterraine seraient exposés une partie de l'outillage et des produits des industries extractives.

La commission, consultée sur la question de la permanence d'une partie des constructions à élever dans le Champ-de-Mars, a émis le vœu que les palais des arts et des sciences puissent être conservés.

Les édifices destinés à recevoir les expositions partielles et périodiques, particulièrement les expositions qui procèdent des sciences et qui ont besoin d'avoir à leur disposition en abondance : le gaz, l'eau, la vapeur, l'électricité, font défaut à Paris.

Le Palais de l'Industrie a rendu les plus grands services. Il se prête à toutes les transformations, mais son insuffisance est chaque jour constatée. Ne conviendrait-il pas de laisser subsister après 1889, dans un quartier qui se rapproche rapidement du centre de Paris, au milieu d'un parc qui transformerait le Champ- de-Mars, les deux palais projetés ?

Ainsi que j'aurai d'ailleurs l'honneur de vous l'exposer tout à l'heure, Monsieur le Ministre, en énuraé- rant les chiffres que la commission a inscrits dans son projet de budget, la dépense pour les deux palais projetés ne sera pas considérablement plus élevée si on fait des édifices définitifs, car ces deux palais consti- tueraient de toute manière l'entrée décorative de l'Exposition, et exigeraient à ce tiire , dans le cas même l'on déciderait qu'ils ne seraient que provisoires, un sacrifice plus grand que les autres cons- tructions.

Vous estimerez sans doute, Monsieur le Ministre, que cette question de la permanence d'une partie des bâtiments de l'Exposition de 1889 pourra être soumise au Parlement ou au Conseil municipal de la Ville de Paris, soit pour faire l'objet du vote d'un crédit supplémentaire spécial de la part des Chambres, soit pour provoquer une convention entre l'État et la Ville de Paris.

Immédiatement après ces deux palais , les constructions provisoires couvriraient une surface de 220,000 mètres, dont 106,000 mètres réservés au hall des machines et aux galeries du travail, qui seraient réunies devant l'École Militaire en prenant toute la largeur du Champ-de-Mars, et II i, 000 mètres attribués aux industries proprement dites.

Celte dernière portion des constructions provisoires s'élèverait entre le ha-11 des machines et les palais des arts et des sciences, ménageant, comme continuation de l'esplanade de 168 ou de 191 mètres de largeur qui sépare le palais des arts et celui des sciencos, une avenue de 268 mètres de longueur sur 68 mètres de largeur.

Une telle disposition donnerait au Champ-de-Mars comme surfaces couvertes :

Palais des arts 34. 000 mètres.

Palais des sciences 34.000

Hall des machines 106.000

Constructions intermédiaires partagées entre deux sections de

57,000 mètres 114.000

Total (1) 288.000 mètres.

Selon le classement qui serait adopté par la commission d'organisation, ces différentes surfaces couvertes auraient leur affectation définitive.

Ce qu'il importèVl'établir, c'est qu'en obtenant 288,000 mètres de surfaces couvertes dans le Champ-de- Mars, ajoutées aux surfaces dont on peut disposer aux Champs-Elysées, à l'Esplanade des Invalides, sur les quais de l'Aima et d'Orsay et dans les parties non plantées du parc du Troeadéro, ainsi que sur la berge de la Seine au-dessous du pont d'Iéna, on obtient un total qui augmente de plus d'un tiers les surfaces dont disposait l'Exposition de 1878.

Je joins d'ailleurs, Monsieur le Ministre, à cette indication du plan général, auquel s'est ralliée la commission, les dessins et devis qui vous permettront de le suivre dans ses détails et de vous rendre compte des voies et moyens auxquels il y aurait lieu de recourir pour mettre ce plan à exécution.

(1) Il ressort d'un état que M. le Directeur des travaux de Paris a fait dresser par les ingénieurs géomètres do la ville que les surfaces occupées en 1878 dans le Champ-de-Mars et le parc du Troeadéro, non compris l'agricul- ture et l'horticulture, mais y compris les constructions isolées, donnaient un total de 289,130 mètres.

12 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Dépenses et recettes. Formation du capital de garantie. Après un long examen des budgets des ileux dernières Expositions et après une étude des évaluations de dépenses et de recettes que M. le directeur des travaux de Paris a présentées à la Commission, cette dernière estime, Monsieur le Ministre, que la so unie de- dépenses ne saurait être inférieure à SO millions, niais qu'elle ne doit pas dépasser ce chiffre.

Voici comment sont établies ces prévisions en reprenant l'examen du plan général :

Les travaux à faire au Palais de l'Industrie entraîneraient une dépense de l,SCO,OO0 francs dont la moitié demeu- rerait à la charge du budget des bâtiments civils, l'État devant ultérieurement recueillir les bénéfices de celte res- tauration du palai? ipii s'impose depuis longtemps 750.000 fr.

Les travaux â faire aux Champs-Elysées et la construction du pont provisoire qui doublerait le pont des Invalides 603.000

Les travaux à faire sur la rive gauche (Esplanade des Invalides) 300.000

la dépense nécessitée par l'Exposition des animaux vivants cl les Concours agricoles à Vin- cennes 500.003

L'Exposition de l'agriculture établie sur les quais d'Orsay et de l'Aima avec les appontements. , 3.500.000

Les deux palais placés à l'entrée du Champ-de-Mars et devant former l'entrée décorative de l'Exposition. Ces palais couvrant une surface de 68,000 mètres construits comme édifices provi- soires 10.200.000

Ces mêmes palais ne comportant pour chacun d'eux qu'une surface couverte de 26,000 mètres avec la ressource d'un premier étage, mais construits comme édifices permanents d'après les devis joints au présent exposé, 16,920,000 francs.

Les constructions provisoires qui couvrent, en dehors de ces deux palais, une superficie de 220,000 mètres £0.900.000

Ce dernier chiffre serait modifié selon que l'on adopterait la construction par l'Etat avec revente des matériaux a son profit, ou que l'on adjugerait les travaux â des entrepreneurs qui demeure- raient propriétaires de la construction et auraient charge de revendre les matériaux.

Les intallations au-dessous du pont d'Iena et dans le parc du Trocadero, ainsi que les dépenses de jardinage 1.500.000

Le service des machines, l'eau et l'éclairage, l'entretien et la mise en état des lieux -4.000.000

Les dépenses de l'administration, personnel, matériel, les récompenses, subventions, etc. . . . "7.000.000

49.230.000 fr. Imprévu 750.000

Total 50.000.000 fr.

A l'appui de ces évaluations, je vous remets, Monsieur le Ministre, le détail de chacun des chapitres avec des devis indiquant les dépense-- des constructions, d'après les diverses évaluations transmises à la Commis- sion. Pour ces constructions, afin d'établir devant le Parlement et devant le Conseil municipal de Paris les dépenses avec une rigoureuse précision, il sera nécessaire que la Commission d'organisation se rende un compte exact des chiffres que donneraient le- trois systèmes proposés : la construction faite à l'aide de matériaux acquis par l'Étal et pouvant être vendus à son profil à la lin de l'opération ; la construction employant en partie des matériaux [iris en location ; le système, recommandé par notre honorable collègue, M. Dietz-Monnin, et qui laisserait aux entrepreneurs la propriété des constructions dont ils se seraient rendus adjudicataires, à charge par eux de revendre les matériaux et de remettre eu état les lieux.

Si nous examinons maintenant le budget des recettes, nous constatons que les ressources qui peuvent être affectées au payement de cette dépense totale de 30 millions qui vient d'être indiquée se composent de trois élément? :

La subvention de l'État;

La subvention de la Ville de Paris ;

Les receltes de toute nature de l'Exposition.

Les deux premiers chiffres ne sont pas encore connus, mais en attendant que les Chambres et le Conseil municipal aient statué, la Commission a porté provisoirement eu compte, pour le chiffre des subventions de l'Etat et de la Ville de Paris, une somme de 28 millions, basée sur la moyenne des participations aux précé- dentes expositions universelles.

Les prévisions de dépenses ayant été arrêtées au maximum de 50 millions, il reste donc à pourvoir à la différence de ii millions au moyen des recettes de toute nature de l'Exposition.

Il est permis d'admettre, comme une certitude, que les produits de l'Exposition couvriront largement celle partie des dépenses.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 13

La Commission a discuté avec soin chacune des recettes en s'aidant de l'expérience acquise dans les expositions antérieures, et elle s'est attachée à établir des prévisions qui ne laissent place à aucun mécompte.

Ce travail a été résumé dans un remarquable rapport présenté par M. Boulanger, directeur général de l'enregistrement et des domaines. Voici le résumé de ce rapport :

Les recettes de l'Exposition peuvent être divisées en trois catégories ; 1. Les entrées; 2. Les conces- sions diverses; 3. La revente des matériaux.

Le produit des entrées doit être déterminé avec une approximation suffisante d'après les recettes similaires des Expositions de I8G7 et 1878.

Les entrées de la première ont procuré un recensement de [0,765,419 fr. S0. Celles de la seconde expo- sition se sont élevées au chiffre de 12,428,768 francs.

11 est permis d'espérer que le produit des entrées en 1889 dépassera le chiffre obtenu en 1878. 11 résulte en effet des documents officiels relatifs à l'Exposition de 1878 que la faiblesse du produit des entrées a eu principalement pour cause les concessions trop nombreuses de billets gratuits. Il conviendra de prévenir ces abus en supprimant d'une manière absolue les entrées de faveur ou tout au moins en les réduisant au strict nécessaire ainsi que cela a été fait en 1867.

A cette cause de plus value, il faut en ajouter deux autres donl le résultat n'est pas moins certain.

L'Exposition de 1889 établit une de ses entrées aux Champs-Elysées et rapproche ainsi l'Exposition du centre de la capitale. D'un autre côté, ia Commission propose d'organiser et des réunions du soir et des fêles qui attireront une clientèle d'autant plus nombreuse que les exposants appelés à participer aux produits de ces fêtes et réunions feront les sacrifices nécessaires pour leur donner l'attrait et l'éclat désirables.

Il semble donc que ces causes de majoration pouvaient être évaluées de la façon suivante :

Suppression des entrées gratuites î millions.

Entrées au Palais de l'Industrie 1

Exposition du soir i

Ensemrli: S millions.

Ce qui porterait à 17 millions le produit total des entrées à l'Exposition de 188'J.

.Mais ces chiffres pourraient être contestés ; la suppression complète des entrées de faveur serait peut- être difficile, et à l'égard des fêtes du soir on pourrait avancer qu'elles seront jusqu'à un certain point une expérience nouvelle dont il n'est pas possible de préjuger avec certitude le résultat financier.

Comme il s'agit d'établir des évaluations qui ne soient susceptibles de donner lieu à aucun mécompte, il esl prudent de prendre ces scrupules en considération; la Commission propose donc de réduire les diverses plus values à î millions, ce qui donnerait 14 millions pour le produit de toutes les entrées de l'Exposition de 1889.

•2° La seconde catégorie de recettes s'applique aux concessions ; ces concessions sont elles-mêmes de deux sortes :

Les unes, de beaucoup plus importantes, ont pour objet les emplacements accordés aux exposants.

Le payement d'une redevance a déjà été demandé aux expositions de Vienne, d'Amsterdam et d'Anvers.

Cette redevance apparaît comme une conséquence inévitable du développement et du renouvellement périodique des expositions. Il est à désirer qu'elle serve de frein à l'exagération progressive de l'extension matérielle des expositions aux dépens de l'intérêt réel qu'elles présentent.

Cette taxe est, dans l'esprit de la Commission, étroitement liée au droit de vente accordé aux exposanls, et elle constitue en quelque sorte une taxe représentative de cette sorte de patente dont l'équité ne peut être contestée.

11 faut dire, au sujet du droit de vente accordé aux exposants, qu'il n'a été contesté que dans les dernières expositions. Dans les premières expositions, celle de 1798 par exemple, on avait autorisé les ventes au cours de l'Exposition.

La tarification devra être arrêtée de manière à tenir compte de la nature des objets exposés et do la situation des emplacements. On peut, en se tenant dans les limites d'une taxation modérée, évaluer le produit de la perception à 13 millions de francs.

11 faut rappeler à ce sujet que, dans le règlement général de 1878, il était stipulé que les exposanls n'auraient à payer aucun loyer pour les places qu'ils occuperaient, mais que si le plancher leur était fourni, sauf dans les galeries des marchandises, ils avaient à supporter tous les frais d'installation ; de plus la direction de l'Exposition se désintéressait de l'exposition, de la manutention et de la réexpédition des

11 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

produits. 11 semble facile de se montrer plus prévoyant en constituant un bureau de renseignements qui éclairerait tout au moins les exposants sur les conditions dans lesquelles ils pourront expédier et s'installer. On leur éviterait ainsi des surprises coûteuses.

Les autres concessions se rapportent aux locations industrielles de toute nature qui peuvent êlre faites pour l'établissement de cafés, de restaurants, de concerts et autres entreprises analogues. La Commission a admis, en effet, qu'à la différence de ce qui a eu lieu en 1878, l'Exposition de 1889 devra offrir aux visiteurs un ensemble de distractions propres à les attirer ou à les retenir dans l'enceinte de l'Exposition.

En 18(57, le produit de ces concessions s'est élevé à i. i':\. 987 fr.

En 1878, il avait été fait des locations de celte nature pour 3.049.445 fr.

mais la plupart sont restées sans suite ou n'ont produit que de faibles recettes, parce que rien n'avait été préparé pour attirer la clientèle dans ces établissements.

Il semble qu'en acceptant pour base des prévisions le résultat de 1867, c'est-à-dire en chiffres ronds la somme de 2 millions de francs, on reste dans les limites d'une évaluation prudente.

La Commission fait entrer dans les produits des concessions, la concession du Catalogue et celle des voies ferrées nécessaires pour assurer la circulation facile dans toutes les parties de l'Exposition.

Le produit total des concessions se trouverait ainsi fixé à 15 millions de lianes.

Le troisième élément de recettes de l'Exposition de 1889 se compose du prix de la revenle des maté- riaux et objets demeurés sans emploi après la clôture de l'entreprise.

En 1867, les travaux d'établissement de l'Exposition avaient coûté 17,499,868 francs et la revente des matériaux a produit 1,075,253 francs.

En 1878, la dépense des mêmes travaux s'est élevée (non compris le palais permanent du Trocadéro) à 27,785,486 francs. Le prix de la revente des matériaux a atteint le chiffre de 3,049,455 francs.

Si on adoptait la même proportion pour 1889, on trouverait, à raison d'une dépense totale d'établisse- ment de 30 millions de francs (déduction faite du coût des palais permanents qui excède le chiffre porté au budget des dépenses et des frais généraux d'administration), une prévision de recettes correspondante de 3,200,000 francs.

Mais ce mode de calcul ne saurait être définitivement accepté. La Commission estime en effet que des économies notables pourraient être réalisées, en substituant à la construction des bâtiments provisoires, au moyen de matériaux acquis par l'Etat, un système d'entreprise reposant sur la location de ces matériaux et sur leur reprise par les constructeurs à la fin de l'Exposition.

Si celte combinaison étail adoptée, l'importance des matériaux à vendre par le domaine après la clôture de l'Exposition serait considérablement réduite.

Il convient de tenir compte de celte éventualité dans la fixation des receltes à provenir de la revente des matériaux. Ce produit ne doit pas être évalué à plus de 1 million de francs.

Les considérations précédentes amènent à constater que les receltes de toute nature de l'Exposition de 1889 se trouveront ainsi établies :

Entrées du jour et du soir 14 millions.

Concessions diverses 15

Revente des matériaux 1

T.jtai 30 millions.

La Commission a été unanime à reconnaître que cette évaluation présente, par son extrême modération, une certitu le aussi complète qu'il est possible de l'obtenir en pareille matière.

Ces prévisions de receltes sont destinées à pourvoir aux dépenses dont le payement n'est pas assuré par la subvention à recevoir de l'Etat ni de la Ville de Paris. Or, cet excédent de dépenses n'est que de 22 millions.

On est donc autorisé à affirmer que les voies et moyens de l'œuvre sont dès à présent assurés et que le Trésor ne court aucun risque de voir augmenter sa participation par l'insuffisance des prévisions de recettes portées au budget de l'Exposition. Pour qu'un déficit se produisit, il faudrait, en effet, que les ressources restassent en dessous du chiffre de 22 millions.

Dans des conditions de certitude aussi précises, est-il nécessaire d'organiser une association de garantie?

L'utilité de celle combinaison peut être contestée.

L'association de garantie a pour objet de donner à l'État la certitude que les recettes comprises parmi

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 1.-,

lus voies et moyens de l'Exposition seront réellement recouvrées. Or, clans les conditions le budget a été établi, cette certitude peut être considérée comme absolue, l'État n'a pas à craindre que les produits de l'Exposition, évalués à un minimum de 30 millions de francs, soient au-dessous du cbitlre de -22 millions nécessaires à l'acquit du complément des dépenses. La constitution d'une association de garantie pourrait donc paraitre sans utilité. Elle pourrait même, à un point de vue spécial, être considérée comme préjudiciable aux intérêts du Trésor.

En effet, les recettes dépasseront certainement le chiffre de millions compris dans les prévisions budgé- taires. Tout le surplus constituera donc un bénéfice. Or, si le concours d'une association de garantie est sollicité, cette participation devra être rémunérée par l'attribution de bénéfices correspondant aux engage- ments souscrits. Le Trésor sera donc privé, sans utilité, d'une partie des profits.

Ces objections ont été examinées avec soin, el il n'a pas semblé à la Commission qu'elles fussent de nature à déterminer l'abandon d'une combinaison dont le principe a été admis dans le rapport préparatoire au décret du 8 novembre 1884 el qui présente d'ailleurs des avantages décisifs.

Ce n'est pas seulement un secours financier que l'association de garantie assure à l'État, c'est un moyen par lequel le public est amené à coopérer directement à l'œuvre de l'Exposition de 1889.

En d'autres termes, l'Exposition Universelle de 1889, quoique conduite par l'État, doit être l'œuvre de tous. 11 faut intéresser à son succès ceux qui peuvent le plus, par leurs efforts personnels, en assurer l'exécution.

D'autre part, en intéressant le commerce el l'industrie au succès de l'opération par la souscription aux parts de la société de garantie, on s'assure de leur coopération active et vigilante dans l'étude des combi- naisons propres à augmenter l'attraction, et, par conséquent, de développer les recettes.

Cette participation de l'initiative privée au succès de l'Exposition a fait défaut en 1878 ; ce serait une faute grave de ne pas s'assurer dès aujourd'hui de son concours efficace.

A un autre point de vue. il est prudent de défendre l'Etat contre l'entraînement des dépenses supplémen- taires non comprises dans les devis primitifs.

Pour toutes ces raisons, la Commission a reconnu l'utilité de la constitution d'une association de garantie.

Il convenait alors de déterminer le chiffre de la souscription.

Après une longue discussion, la Commission a été d'avis qu'une garantie de 10 millions était suffisante et que le minimum de la souscription serait fixé à ce chiffre, qui pourrait d'ailleurs s'élever jusqu'à 22 millions, représentant le maximum de garantie. Il lui a semblé que le chiffre minimum de 10 millions constitue un capital assez étendu pour prévenir les inconvénients qui, théoriquement, auraient pu résulter d'une réduction excessive. D'autre part, il a paru à la Commission que la raison déterminante de la constitution d'un capital de garantie était le désir du gouvernement d'associer à ses efforts, au moyen d'une participation pécuniaire, les personnes qui peuvent utilement contribuer à assurer le développement et l'éclat de l'Exposition; ce qu'il fallait chercher à obtenir, c'était, avant tout, le concours de ceux qui s'intéressent à l'œuvre patriotique qu'il a entreprise.

La Commission a reconnu, d'autre part, qu'il convenait de fixer à 1,000 francs les parts de souscription et de demander un versement de S 0 0.

La Commission estime, en outre, que les bénéfices devront être distribués entre l'État, la Ville de Paris et la Société de garantie, proportionnellement aux apports de chacun.

Le capital de garantie sera donc variable suivant le chiffre atteint par la souscription.

En 1867, bien que la souscription au capital minimum de 8 millions ait été limitée, la part des bénéfices accordés a l'association de garantie avait été fixée à un tiers, et cette quotité demeurait invariable quelque fût le chiffre de la souscription. On avait pensé sans doute que, le capital demandé de 8 millions couvrant la totalité des recettes prévues, il n'y avait pas d'intérêt réel à obtenir des engagements plus étendus. La situa- lion n'est plus la môme aujourd'hui.

Mais, pour favoriser l'extension de la souscription, il importe que les bénéfices s'accroissent propor- tionnellement au capital de garantie. Si donc le capital souscrit dépasse 10 millions, il obtiendra une pari complémentaire de bénéfices proportionnelle à l'accroissement des souscriptions.

Les bénéfices réservés sont, au reste, assez importants el assez probables pour déterminer les sous- criptions et pour proportionner, sans exagération, la rémunération du capital au concours particulier qu'il fournit.

L'État el la Ville peuvent, de leur côté, récupérer, sous forme de bénéfices, une part proportionnelle à leurs subventions.

Tels sont les traits principaux de la combinaison proposée parla Commission. Sur les points secondaires d'organisation, i! semble que le mieux sera de s'en tupir aux procédés suivis en 1SG7, qui ont très avanta- geusement subi l'épreuve de l'expérience.

16 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1SS9

C'est dans col e^pril que la Commission a élaboré le projet de statuts de l'Association de garantie dont la teneur suit :

STATUTS DE L'ASSOCIATION DE GARANTIE DE L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

ADOPTÉS PAR LA COMMISSION LE ï[ FÉVRIER 1885.

Article premier. Il est formé une association ayant pour objet de garantir, dans la limite d'une dépense totale de 50 millions do francs au maximum et jusqu'à concurrence du montant de la souscription, sans que le capital souscrit puisse être inférieur à 10 millions et supérieur à 22 millions de francs, la portion des frai- de toute nature de l'Exposition Universelle Internationale de 18S9 qui ne serait pas couverte : par les subventions de l'État et de la Ville de Paris, s'élevant ensemble à 2S millions de francs; par le produit des droits d'entrée et des recettes de toute nature de l'Exposition.

Cette association prend le nom de: n Association de garantie de l'Exposition Universelle de 1889. »

Art. 2. L'association se compose de toutes les personnes qui, dans les délais détermines par la Commission, auront souscrit une ou plusieurs parts et versé une somme de oO francs par chaque part souscrite.

Les parts dans l'association de garantie seront, de 1,000 francs chacune. Il ne sera admis aucune souscription pour une somme moindre, et les parts ne pourront être fractionnées.

Art. 3. La souscription d'une ou plusieurs parts emporte adhésion aux présents statuts; elle implique l'en- gagement de solder, à première réquisition de la Commission chargée de l'administration de l'Exposition, le montant de la souscription. Il est expressément stipulé que les subventions, ensemble de 28 millions, accordées par l'État et par la Ville de Paris, seront d'abord employées aux dépenses de l'Exposition et qu'il ne sera fait appel a l'associatiou de garantie qu'après épuisement de ces 2S millions et en cas d'insuffisance de la totalité des recettes de l'Exposition. La somme à verser par le souscripteur de chaque part sera déterminée par la (iommissi'ui d'après les comptes do l'Exposition dressés sous sa surveillance et arrêtés par elle.

Chaque souscripteur n'est tenu que jusqu'à concurrence du montant de sa souscription, et sans solidarité.

Art. i. Dans le cas le produit des recettes de l'Exposition, ajouté aux allocations, s'élevant ensemble à 23 millions, que doivent fournir le Trésor public et la Ville de Paris, excéderait le montant des dépenses de toute nature de ladite Exposition lixe par l'article l"r et des frais de gestion de l'association de garantie, ainsi que des frais de perception, la différence sera considérée comme bénéfices.

Ces bénéfices seront répartis entre l'association de garantie, la Ville de Paris et l'Etat, à proportion des subven- tions et des engagements de chacun d'eux pour le payement des dépenses fixées par l'article 1".

Cette répartition aura lieu, comme la répartition des pertes, par la Commission, d'une manière définitive et sans recours.

Art. •">. L;s parts dans l'association de garantie sont et resteront nominatives. Elles seront représentées par îles certificats ou récépissés non négociables.

Art. 6. La Commission de l'Exposition devra comprendre au moins... membres porteurs d'une ou plusieurs parts de l'association de garantie. Ces membres seront désignés, comme les autres membres de la Commission, par un décret.

Art. ". L'association de garantie est représentée par la Commission définitive de l'Exposition. Tous pou- voirs sont donnés par les souscripteurs a cette Commission pour gérer et administrer tant activement que passi- vement les affaires de l'association, ainsi que pour la représenter ou représenter les souscripteurs en justice, notamment pour recevoir ou percevoir les sommes dues par les souscripteurs en raison de leur garantie.

Elle détermine les formes, les délais et les conditions de la souscription.

Elle lixe les sommes a verser et les conditions des versements.

Pour l'exécution de son mandat, elle peut elle-même déléguer ses pouvoirs soit à un ou plusieurs membres, soit à toutes autres personnes.

Jusqu'à la nomination de la Commission définitive de l'Exposition, ses fonctions seront remplies, pour l'exécution du présent article, par la Commission préparatoire instituée par le décret du 8 novembre Ism i .

Telles sont, Monsieur le Ministre, les conclusions que la Commission consultative a l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Minisire, l'assurance de ma haute considération et de mes sentiments dévoues.

Antomn Proust, [Président de la Commission consultative.)

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

17

Le rapport de la commission consultative, complet de tous points, justifiait toutes les espérances.

Il semblait à tous que la période d'exécution allait s'ouvrir, lorsque les événements politiques vinrent changer le cours des choses et tout remettre en question.

M. Lockhoy.

En effet, vingt jours après le dépôt du rapport, le 30 mars 1885, l'échec, ou mieux la surprise de Lang-Son, amenait la retraite du ministère Ferry.

L'esprit public, violemment surexcité, était absorbé par des préoccupations d'un autre ordre, et le succès de l'Exposition future, sinon son existence même, parut un instant sérieusement compromis.

Le cabinet Brisson, qui succéda au ministère Ferry, sembla s'attacher à faire le silence sur cette importante question.

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18 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1880

Une loi fut bien votée, il est vrai, le 1er août 1885, ouvrant au Ministère un crédit de 100,000 francs pour les études des projets relatifs à l'Exposition de 1889, et, répondant à une demande de M. Gastellier, M. Dautresme, Ministre du Commerce, avait déclaré. le 10 décembre 1885. aux applaudissements de la Chambre, que le Gouvernement pensait qu'il était désirable et qu'il serait profitable au pays tout entier de faire à Paris, en 1889, une Exposition à la l'ois universelle et internationale.

Mais le crédit voté ne l'ut pas utilisé et les déclarations de l'honorable M. Dautresme restèrent ainsi sans résultat pratique.

D'autre part, le rôle et l'action de la Commission consultative et de son Président. brusquement interrompus par les circonstances, ne pouvaient, dans ces conditions, suppléer à l'initiative gouvernementale proprement dite.

A ce moment, l'œuvre ébauchée parut singulièrement compromise, sinon irrémédia- blement abandonnée.

Fort heureusement pour l'Exposition, M. de Freycinet, remplaçant, le 9 janvier 188(3, M. Brisson à la présidence du Conseil, appela au Ministère du Commerce l'honorable M. Lockroy, député de Paris : le succès de l'Exposition était dès lors assuré.

Avec une largeur de vue et une élévation d'idées absolument remarquables, M. Edouard Lockroy comprit aussitôt la haute mission qui lui incombait.

Appréciant à sa valeur exacte la grandeur de la tâche à accomplir, le premier élu de Paris s'y donna tout entier. Incarnant en lui le sentiment unanime du pays, il fit de l'Expo- sition son œuvre et y consacra les inépuisables ressources de son incontestable talent et de sa grande autorité : le succès absolu, complet, magistral de l'œuvre entreprise a prouvé depuis combien avaient été heureuses et justes les idées du député de Paris.

Le 3 avril 1886, M. Edouard Lockroy, Ministre du Commerce et de l'Industrie, présentait, de concert avec M. Sadi Carnot, 3Iinistre des Finances, un projet de loi relatif à l'Exposition Universelle de 1889.

Après avoir rappelé sommairement l'historique de la question. l'exposé des motifs indiquait d'une façon nette et précise les voies et moyens proposés.

Nous reproduisons ici le texte même de cet important document, abstraction faite de ses préliminaires historiques :

Un devoir s'imposait donc désormais au cabinet du 9 janvier : celui de présenter au Parlement une solu- tion définitive.

Trois combinaisons s'offraient: organisation de l'Exposition laissée à l'initiative privée; organisation intégrale par l'État, à ses frais et risques, comme en 1878; organisation par l'État, mais avec le concours financier d'une société de garantie, comme en 1867.

La première combinaison présentait des inconvénients graves. Laisser à l'industrie privée la direction de l'Exposition Universelle de 1889, ce serait peut-être dénaturer son caractère et compromettre son succès.

Quelque patriotisme qu'on leur suppose, les promoteurs et commanditaires de l'entreprise ne sauraient avoir des préoccupations absolument désintéressées. Soucieux à juste titre des intérêts de leurs actionnaires, ils ne songeraient qu'à récupérer tout le capital engagé et à réaliser de gros bénéfices: ils ne seraient point embarrassés de ces scrupules nécessaires que commande la dignité de l'État. L'Exposition risquerait ainsi de perdre le caractère d'une grande œuvre nationale. Déjà nous avons vu, pendant la période de préparation de la loi, des personnages, sans autorité morale et sans moyens financiers, calomnier le Gouvernement et essayer de duper le public en lui promettant des gains imaginaires. Il serait possible que peu à peu l'Exposition devint le prétexte de spéculations semblables.

Tous les projets présentés pnr l'industrie privée supposent d'ailleurs une aliénation définitive ou tout au

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 19

moins une concession prolongée des terrains désignés comme emplacement de l'Exposition. Tous imposent, soit à l'État, soit à la Ville, des sacrifices que ni la Ville ni l'État ne pourraient se résoudre à consentir.

Dans le second système, l'État assume seul la responsabilité de l'entreprise. Il construit lui-même ; il se contrôle lui-même. Personne dans le pays n'est intéressé directement à son entreprise. L'initiative person- nelle ne vient point à son secours. Forcément il restreint les recettes et forcément il se laisse aller à augmenter les dépenses. Nous en trouvons la preuve dans la liquidation de la dernière Exposition Universelle et dans les lourdes charges qu'elle a finalement léguées au Trésor. Reprendre les errements suivis en 1878, ce serait méconnaître les enseignements d'une < xpérience récente ; ce serait engager témérairement les finances publiques.

Reste un dernier système qui a déjà fait ses preuves en 1807, et qui semble concilier les avantages des deux premiers sans présenter les mêmes inconvénients; en l'adoptant, l'Étal garderait l'action prépondérante à laquelle il a droit; le Conseil municipal obtiendrait les satisfactions auxquelles il peut prétendre; mais tous les deux trouveraient en même temps, dans une association de garantie librement constituée par les capitaux privés, un concours financier, un contrôle permanent et un appui moral.

Cette association garantirait à l'État 18 millions de recettes, chiffre ferme, et grâce auquel il peut dès aujourd'hui asseoir le budget de l'Exposition. Elle ferait plus : elle renoncerait à ses bénéfices, une fois ses capitaux remboursés, dans le cas les dépenses de l'État auraient dépassé les prévisions: voilà le concours financier. Elle serait intéressée, pour obtenir des plus values, à ce que les devis soient strictement obéis: voilà le contrôle permanent. Elle associerait à l'entreprise, par l'appel qu'elle ferait aux particuliers, le com- merce et l'industrie, et c'est ainsi qu'elle nous prêterait un appui moral.

L'action de la société de garantie s'exercerait par ceux de ses souscripteurs qui seraient nommés mem- bres tle la commission de contrôle et de finances, choisie elle-même parmi les membres de la commission supérieure de l'Exposition. La commission de contrôle et de finances différerait de la commission impériale de 1867 en ce qu'elle n'aurait pas la direction de l'Exposition ; « mais elle partagerait avec l'État et le Conseil mu- nicipal le droit d'être consultée par M. le Ministre du Commerce sur toutes les questions intéressant la ges- tion financière de l'Exposition, et il ne pourrait être passé outre à son avis toutes les fois qu'il s'agirait de questions concernant les recettes de toute nature à percevoir à l'occasion de l'Exposition. »

Cette commission de contrôle et de finances serait, comme on voit, appelée à jouer un rôle distinct et prépondérant. Les conseillers municipaux y figureraient au nombre de huit ; les députés, sénateurs et agents de l'État, au nombre de 17; les souscripteurs de la garantie, au nombre de 18. Chaque commissaire repré- senterait un million.

Pour nous résumer, l'État garderait ainsi la haute main sur l'Exposition ; la Ville aurait sa part légitime de surveillance; l'association de garantie ne perdrait point do vue ses capitaux. L'État rentrerait dans une large partie de ses dépenses par la circulation immense qui ne manquerait pas de s'établir aussi bien que par la surproduction de ses impôts indirects; la Ville rentrerait en grande partie dans ses déboursés par les droits d'octroi; l'association de garantie retrouverait son apport et au delà dans les recettes qui lui seraient aban- données.

Tel est, Messieurs, rapidement et dans son ensemble, le projet auquel le Gouvernement s'est arrêté. Il nous reste à examiner le budget de l'Exposition.

Une révision attentive des évaluations de la Commission préparatoire a permis d'établir avec soin un budget définitif. D'une élude approfondie à laquelle se sont livrés des hommes particulièrement compétents, et qui a subi un minutieux contrôle, il résulte que le total des dépenses ne doit pas dépasser 43 millions.

Ce chiffre repose sur les bases suivantes :

La construction du palais de l'Exposition, établi au Champ-de-Mars, l'aménagement des diverses gale- ries et le service central de l'Exposition nécessiteront une dépense maxima de 30. 185.000 fr.

Les bâtiments nécessaires à l'exposition des animaux vivants, l'installation des concours agricoles, les constructions et appontements destinés à l'exposition d'agriculture reviendront à 2.600.000

L'organisation des expositions de peinture et desculplure etla disposition d'une grande nef provisoirement affectée à la distribution solennelle des récompenses coûteront .... 1.215.000

Enfin, pour éviter jusqu'à la crainte d'un mécompte, il parait prudent de constituer en réserve un fonds de dépenses imprévues s'élevant à 3.000.000

Ce total de 43.000.000 fr.

représente bien toutes les dépenses à effectuer; on a même eu soin, sans les exagérer, de les estimer assez largement pour que l'exécution ne laisse place à aucune surprise.

20 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Si l'on a cru devoir majorer plutôt les évaluations île dépenses, on s'est préoccupé, dans le même but, d'établir avec la plus stricte réserve les évaluations de recettes correspondantes:

Le produit des entrées, qui n'avait pas dépassé 10, "Go, 000 francs en 1867, s'est élevé en 1878 à 12,4-28,000 francs; il n'est certainement pas excessif d'estimer pour la prochaine Exposition ce produit à 14.300.000 fr.

La revente des matériaux, qui n'avait guère atteint qu'un million en 1867, a dépassé 3 millions en 1878; on peut donc, de ce chef, admettre sans hésitation une évaluation mi- nima de 2.600.000

Enfin, les locations d'emplacements aux restaurateurs, les concessions de salons, boutiques, bureaux de change, vestiaires, et les redevances diverses représenteront certai- nement une somme de 1.900.000

Le total de ces prévisions, dont la modération ne saurait échapper, s'élève ainsi à . . 19.000.000 fr. 11 reste donc à trouver encore une ressource de 21.000.000

pour couvrir intégralement le total présumé des dépenses, soit 43.000.000 fr.

Celte allocation supplémentaire se trouve déjà assurée jusqu'à concurrence de 8 millions par la Ville de Paris. Sans parler des bénéfices certains et importants qu'elle doit retirer de l'Exposition, la municipalité parisienne, on le sait, est toujours prête à apporter un concours efficace à toutes les grandes manifestations de la pensée et du travail. Cet aménagement grandiose de l'instruction primaire, qui grève son budget d'une dépense supérieure à celle consentie par beaucoup d'États voisins, sa récente participation à l'agrandisse- ment de la Sorbonne, n'ont pas épuisé son active générosité. Elle entend rester solidaire de toutes les magni- ficences et de toutes les grandeurs de Paris.

La part contributive de l'État achèvera d'équilibrer le budget de l'Exposition. Cette participation, du reste, a toujours été prévue, et le Gouvernement ne vient aujourd'hui demander au Parlement que le complé- ment d'une ressource dès longtemps mise en réserve. En effet, les avances de la Banque de France au Trésor, négociées par la convention du 29 mars 1878 et autorisées par la loi du 13 juin suivant, avaient été notam- ment destinées à couvrir, outre les dépenses du budget extraordinaire, les frais des expositions. Elles doivent déjà pourvoir au crédit supplémentaire de 21 millions nécessaire à la liquidation de l'Exposition de 1878, conformément au projet de loi récemment déposé sur le bureau de la Chambre. La presque intégra- lité des sommes restées disponibles a toujours élé scrupuleusement gardée pour la future Exposition, malgré les insuffisances budgétaires qui se sont révélées. Le Gouvernement vous invite maintenant, Messieurs, à en régler définitivement l'emploi et à attribuer au budget de l'Exposition Universelle de 1889 le reliquat de 12,693,633 fr. 31. Il vous demande, en outre, de compléter la dotation.

En sollicitant dès aujourd'hui du Parlement celte attribution définitive de crédits, le Gouvernement entend renoncer aux facilités trop grandes que lui avait laissées la loi du 29 juillet 1876; il s'impose à lui- même une limite irrévocablement (ixve.

La réussite de la nouvelle combinaison parait d'ailleurs assurée. En établissant, comme nous l'avons dit, des évaluations atténuées en recettes et plutôt forcées en dépenses, on s'est mis en garde contre toute éventualité de mécompte. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer le budget qui vous est présenté pour l'Exposition de 1889 au budget définitif de la précédente Exposition.

En 1878, les dépenses atteignirent 33. 343. 473 fr. 94

Mais pour obtenir un terme de comparaison exact, il faut évidemment déduire de ce chiffre les dépenses particulières à l'Exposition de 1878 et qui ne doivent point se retrouver au compte de la prochaine Exposition, savoir :

Construction définitive de la salle des fêles et des galeries du Tro-

cadéro 9.928.827 fr. 43

Travaux divers au Trocadéro 3.608.607 79

13.337.433 fr. 22 13.337.433 22

En dehors de ces dépenses spéciales, les frais de l'Exposition de 1878 se trouvent donc avoir atteint seulement le chiffre total de 41.806.038 fr.

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M. Alphaxd, Directeur des travaux de l'Exposition, par Roll.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Dès lors, un crédit de 43 millions parait une dotation suffisante pour la future Exposition, surtout si Ton lient compte des éléments d'économie et de contrôle que doit introduire dans sa gestion la nouvelle combi- naison financièrr.

Vous voyez donc, Messieurs, (pie toutes les mesures ont été prises pour restreindre le chiffre des dépenses, sans cependant nuire à la grandeur et à la beauté de l'Exposition. Nous n'avons admis pour les recettes qu'un chiffre minimum qui sera certainement dépassé. L'Exposition de 1889 ne doit ressembler à aucune autre; par l'originalité de sa conception, par l'application des sciences nouvelles, par un ensemble de constructions diverses qu'elle réunira, elle doit éveiller la curiosité des deux mondes.

On ne parlera point ici de son utilité. Vous l'avez reconnue, Messieurs, comme la Chambre qui vous a précédés. La presque unanimité des syndicats professionnels, la presque unanimité des chambres de com- merce, consultés par l'honorable M. Dautresme, ont demandé l'Exposition de 1889. Ils voient, dans celte grande entreprise, le signal du réveil des affaires, une activité nouvelle rendue à nos industries et à notre commerce, un travail assuré pour les classes pauvres, qui viennent de mettre un an de misère au service de la République. Elle réveillera les initiatives un peu endormies; elle nous permettra de constater les progrès accomplis par nos voisins: elle permettra en même temps de constater ceux que nous avons accomplis nous- mêmes : une émulation nécessaire s'établira entre les nations. Elle affirmera, d'une manière éclatante, les intentions pacifiques du Gouvernement français. Elle ouvrira un champ immense aux concurrences interna- tionales, et la France laborieuse n'aura rien à redouter de ce combat.

Le Parlement accueillit favorablement le projet ainsi présenté.

Sut' un très remarquable rapport de M. Jules Roche, en date du 19 avril, la Chambre adopta le projet du Gouvernement en y apportant cptelques légères modifications.

La loi fut également adoptée au sénat, sur le rapport de M. Teisserenc de Bort. Elle fut publiée au Journal officiel le mercredi 7 juillet 1886.

En voici le texte in extenso :

LOI

RELATIVE A L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier. Est approuvée la convention passée entre le Ministre du Commerce et de l'Indus- trie, représentant l'État; le Préfet de la Seine, représentant la Ville de Paris, autorisé par la délibération du Conseil municipal du 31 mars 1886, et le Gouverneur du Crédit Foncier, agissant pour le compte de l'Asso- ciation de garantie à instituer pour l'Exposition Universelle de 1889.

Aucune dépense ne pourra être engagée au delà du chiffre de 43 millions prévu à l'article Ier de celte convention, à moins qu'il n'y ait été préalablement pourvu par une loi spéciale.

Les produits éventuels d'une redevance qui serait réclamée aux exposants à raison des emplacements qui leur seront concédés ne pourront entrer dans le calcul des receltes prévues par l'article 3 de la conven- tion que jusqu'à concurrence de la somme nécessaire pour parfaire une recette totale de dix-huit millions de francs (18,000,000 fr.).

Art. 2. L'État contribuera aux dépenses de l'Exposition de 1889 au moyen d'une allocation de dix-sept millions de francs (17,000,000 fr.).

Cette allocation sera imputée, jusqu'à concurrence de la somme de douze millions six cent quatre-vingt- treize mille six cent trente-cinq francs (12,093,633 fr.), sur le prêt de 80 millions de francs fait à l'État par la Banque de France, en vertu de la convention du 29 mars 1878, approuvée par la loi du 13 juin suivant.

Dans le cas les dépenses n'atteindraient pas la somme de 43 millions de francs prévue à l'article 1er de la convention, l'économie réalisée profiterait uniquement à l'État.

Art. 3. 11 est ouvert au Ministre du Commerce et de l'Industrie, fur l'exercice 1886, au delà des crédits alloués par la loi de finances du 8 août 1883, un crédit extraordinaire de douze millions six cent quatre-vingt-treize mille six cent trente-cinq francs (12,693,633 fr.), qui formera un chapitre spécial intitulé : «N° 43. Part contributive de l'État dans les dépenses de l'Exposition de 1889. »

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 23

Il sera pourvu à ce crédit extraordinaire au moyeu de la ressource mentionnée à l'article précédent.

Art. 4. Les crédits nécessaires aux dépenses des exercices 1887, 1888, 1889 et suivants, dans la limite de l'allocation ci-dessus fixée, seront ouverts par les lois annuelles de finances.

Toutefois, pendant la prorogation des Chambres, en exécution de l'article 5 de la loi du 14 décembre 1879, ces crédits pourront être ouverts par des décrets délibérés en Conseil des Ministres. Ces décrets devront rire soumis à la sanction des Chambres dans la première quinzaine de leur plus prochaine réunion.

Art. .'>. Les opérations de recette et de dépense de l'Exposition seront effectuées par les agents du Trésor et soumises au contrôle de la Cour des comptes.

La subvention allouée par la Ville de Paris, ainsi que toutes les recettes provenant de l'exploitation de l'Exposition Universelle de 1889, seront versées au Trésor, à litre de fonds de concours pour dépenses publiques, conformément à l'article 13 de la loi du G juin 1843.

Art. 6. Les projets de toute nature relatifs à la construction, l'appropriation et l'exploitation de l'Exposition de 1889 seront, préalablement à leur exécution, soumis à l'approbation du Ministre du Commerce et de l'Industrie.

Art. 7. Le compte détaillé des receltes et îles dépenses de l'Exposition Universelle de 1889 sera pré- senté au Président de la République dans un rapport qui sera publié et distribué au Seual et à la Chambre des députés.

Chaque année, un rapport, publié dans les mêmes conditions, fera connaître l'état d'avancement des travaux et les dépenses engagées et effectuées.

Art. 8. Les actes désignés dans l'article 1er, paragraphe 9, de la loi du 28 février 1872, et passés par le Ministre du Commerce et de l'Industrie en exécution de la présente loi, seront assujettis au droit fixe de trois francs.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Paris, le 6 juillet 1886.

Jules GRÉVY. Par le Président de la République :

Le Ministre du Commerce et de l'Industrie,

Edouard Lockroy.

Le Ministre des Finances,

Sadi Carnot.

Aux termes de cette loi, les dépenses de toute nature à effectuer pour l'Exposition avaient été limitées, en y comprenant les travaux imprévus, à la somme de 43 millions. Aucune dépense ne pouvait être engagée au delà de ce chiffre, à moins qu'il n'y lût préala- blement pourvu par une loi spéciale.

L'État et la Ville de Paris y contribuaient : le premier, par une subvention de 17 mil- lions ; la seconde, par une subvention de 8 millions.

Le surplus, soit 18 millions, devait être éventuellement fourni par un groupe de sous- cripteurs, réunis sous la dénomination d'Association de garantie de l'Exposition Universelle de 1889.

Les bases de cette Association avaient été posées, dans une convention passée le 27 mars 1886, entre M. le Ministre du Commerce et de l'Industrie, au nom de l'État; M. le Préfet de la Seine, au nom de la Ville de Paris, et M. Albert Christophle, Gouverneur du Crédit Foncier de France, agissant pour le compte de l'Association à instituer.

Il y était stipulé que dans le cas le produit des recettes de l'Exposition , ajouté aux subventions d'ensemble, 25' millions à fournir par le Trésor et la Ville de Paris, excéderait le montant des dépenses de l'Exposition, cet excédent serait attribué aux trois parties con- tractantes au prorata de leurs apports respectifs ; mais que, par contre, si les dépenses

?4

L' EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

dépassaient les 43 millions formant le total de ces apports, l'État, à titre de compensation, bénéficierait de toutes les recettes excédant 18 millions de francs, jusqu'à concurrence du surcroît de dépenses mis à sa charge. Enfui, il devait être institué une commission de contrôle et de finances, composée de 43 membres représentant l'État, la Ville de Paris et l'Association de garantie, dans la proportion de leurs contributions respectives. L'État se trouvait ainsi représenté dans la commission par 17 membres, pour 17 millions à fournir;

M. TlIURD.

la Ville de Taris, par 8 membres, pour 8 millions; l'Association de garantie, par 18 mem- bres, pour 18 millions.

C'est ce dernier apport de 18 millions qui a été remplacé, avec un surcroit de 3,500,000 francs, par le produit net de l'émission des Bons à lots de l'Exposition.

Cette émission, autorisée par la loi du 4 avril 1889, a eu lieu le 15 du même mois, par les soins du Crédit Foncier de France. Elle comportait 1,200,000 bons de 25 francs, munis de tickets d'entrée à l'Exposition, de 1 franc. Les bons sont remboursables dans un délai de soixante-quinze ans et ont participé ou participent à 81 tirages de lots variant de loi) francs à 800,000 francs.

Les 30 millions représentant le produit brut de l'émission de 1,200,000 bons à 25 francs se décomposent comme suit :

A l'État, pour les. dépenses de l'Exposition 21.S00.000 fr.

Au Crédit Foncier, pour le service du remboursement des bons, pour le payement des lois el pour les frais de l'opération 8.S00.000

Total égal .

30.000.000 fr.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE D7. 1889

25

La combinaison adoptée se recommandait par des avantages multiples : Les membres de l'ancienne Association de garantie qui n'avaient encore effectué qu'un premier versement de 50 francs étaient sous le coup d'un appel de 980 francs par part souscrite; ils s'en trouvaient dispensés. Ils étaient, en même temps, exonérés des

M. Jules Roche.

risques qui leur incombaient dans le cas les recettes de l'Exposition n'eussent pas atteint 43 millions (4);

L'administration de l'Exposition, qui avait à faire face aux obligations contractées avec les entrepreneurs et arrivant à échéance, recevait immédiatement non seulement

(1) Il est vraisemblable que, sans la combinaison des bons à lots, le bilan do l'Exposition se fût soldé en délicil. En effet, on évalue approximativement, et sauf apurement des comptes, le bénéfice qu'elle a produit à 8 millions. Mais il convient de déduire tout d'abord de ce cbiffre le supplément de 3,800,000 francs procuré par l'émission des bons. D'autre pari, il n'est pas douteux que le nombre des entrées payantes, qui s'est traduit par l'emploi rie 28,100, 000 tickets en chiffres ronds, alors qu'il n'avait été en 18~8 que de 12,600,000, n'eût été réduit dans des proportions considé- rables si, au lieu de présenter des tickets qu'ils ont pu se procurer à des prix variant de 0 fr. 80 à 0 fr. 30, les visiteurs avaient verser en argent, aux guichets, 1, 2, 3 et jusqu'à S francs, suivant les heures et les jours. Rappelons, il ce propos, que l'Exposition do I8"8 avait présente un déficit de 30 millions. Le promoteur de l'Associa- tion de garantie de l'Exposition île 1889, aussi bien que les adhérents, n'agissaient donc pas dans un but de spécu- lation, mais en vue d'assurer la réalisation de cette entreprise nationale, dont le succès est dû. pour une grande part, à leur patriotique concours.

26 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

les 18 millions devant former l'apport de l'Association, mais encore un supplément de ressources de 3,800,000 francs ;

L'État se trouvait dégagé de l'obligation de tenir compte à l'Association de garantie des entrées gratuites qu'il pouvait être amené à accorder, et il lui devenait loisible de faciliter, dans une large mesure, l'accès de l'Exposition à certaines catégories de visiteurs : délégations ouvrières, instituteurs, élèves des écoles, etc. ;

Considération encore plus importante : on n'avait plus à se préoccuper de la démo- lition des constructions, ni de la revente des matériaux, au produit de laquelle aurait participer l'Association supprimée; en sorte que l'État, d'accord avec la Ville de Paris, avait la faculté de conserver telles ou telles parties de l'Exposition, comme le Palais des Machines, la galerie de trente mètres, y compris le Dôme central, le Palais des Beaux-Arts et celui des Arts libéraux, qui ont été plus particulièrement l'objet de l'admi- ration des visiteurs.

HISTOIRE DES EXPOSITIONS

>vant d'aborder l'étude de l'organisation tics divers services de l'Exposition Univer- ^»^ selle de 1889, il nous parait intéressant de jeter un coup d'œil rapide sur les

\kJ/\këk Expositions précédentes et de retracer, en quelques pages, l'histoire et l'évolution

de cette institution en France.

Les expositions, depuis leur origine, comprennent deux périodes bien distinctes : la

première, de 1798 à 1849, pendant laquelle les expositions sont nationales; la seconde, qui

commence en 1849, date à partir de laquelle les expositions deviennent internationales.

En 1798, la première exposition nationale consacrait la liberté du travail indigène et la

fraternité des citoyens; en 1855, la première exposition internationale consacrait la liberté

des échanges et la fraternité des peuples.

PREMIERE PERIODE

La première exposition nationale fut fixée par arrêté du 9 fructidor an VI. A cette date. le Ministre de l'Intérieur, François de ïs'eufehàteau, écrivait aux administrations centrales de département et aux commissaires du Directoire exécutif près ces administrations : «... le Gouvernement doit couvrir les arts utiles d'une protection particulière, et c'est dans ces vues qu'il a cru devoir lier à la fête du 1er vendémiaire un spectacle d'un genre nouveau : l'exposition publique des produits de l'industrie française. »

L'Exposition devait se tenir au Champ-de-Mars et avoir pour durée les cinq jours complémentaires qui fermaient, comme on le sait, l'année républicaine, tandis que le 1er vendémiaire (22 septembre) inaugurait la nouvelle année. Pour être admis, il suffisait de justifier de sa qualité de Français par la présentation de sa patente et d'assurer (pie l'on n'exposerait que des objets de sa propre industrie. Les objets distingués par le jury devaient être séparés des autres et exposés pendant la fête du Ier vendémiaire dans un bâtiment spécial élevé au milieu de l'enceinte et décoré du nom de Temple de V Industrie.

Un mois de préparation et cinq jours d'exposition, c'était modeste. L'entreprise n'en eut pas moins un succès relativement considérable. Par arrêté du 5 vendémiaire an VII,

28 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

François de Neufchâteau prolongea la durée de l'Exposition jusqu'au 10 vendémiaire inclu- sivement; 110 exposants y avaient pris part, 25 furent récompensés.

Nous trouvons dans le Rédacteur, moniteur officiel du Directoire, à la date du 4 vendé- miaire an VII, la conclusion du rapport du jury chargé de l'examen des produits exposés. Elle est ainsi conçue :

« Le jury doit au Gouvernement de lui déclarer que les progrès de l'industrie française se lient essentiellement au maintien de l'institution qu'il vient de fonder. Il peut lui annoncer que le moment est venu la France va échapper à la servitude de l'industrie de ses voisins; que partout les arts associés aux lumières se dégagent de celte honteuse routine qui est le caractère de l'esclavage; que l'émulation la plus bridante embrase toutes les tètes des artistes, et que le Gouvernement n'a qu'à vouloir pour porter les arts au degré de supériorité s'est placée la grande nation parmi les peuples de l'Europe. »

Dans une circulaire du 24 vendémiaire an VII, François de Neufchâteau s'occupait déjà de l'organisation de la seconde exposition qu'il projetait pour la lin de l'année qui venait de s'ouvrir; il avait aussi l'idée d'organiser un concours sous le nom de Fête de l'Agriculture. Il en exposait les bases le 25 prairial; mais le 4 messidor suivant, un arrêté' du Directoire exécutif « révoquait la nomination du citoyen François (de Neufchâteau) à la place de Ministre de l'Intérieur ».

Après la chute de François de Neufchâteau, il y eut un temps d'arrêt; aux termes de la circulaire du 24 vendémiaire an VII, il devait y avoir des expositions tous les ans ; il n'y en eut ni en 1799 ni en 1800, et c'est seulement sous le Consulat en 181)1 (an IX) que fut ouverte la seconde exposition.

C'est Chaptal, qui venait de succéder au Ministère de l'Intérieur à Lucien Bonaparte. qui reprit l'œuvre de François de Neufchâteau. L'article premier de l'arrêté des Consuls, en date du 13 ventôse an IX, déclara qu'il y aurait « chaque année à Paris une exposition publique des produits de l'industrie française pendant les cinq jours complémentaires, et <pie cette exposition ferait partie de la fête destinée à célébrer l'anniversaire de la fondation de la République ».

L'Exposition de l'an IX eut lieu dans la cour du Louvre ; le local était distribué en 104 portiques d'architecture romaine entre lesquels les produits exposés étaient répartis. Comme la précédente, cette Exposition, qui ne devait durer que les cinq jours complé- mentaires, fut prolongée; 299 exposants y avaient pris part, 77 furent récompenses. Malheureusement cette Exposition n'avait pas suffisamment le caractère commercial et industriel qu'elle eût avoir; sacrifiant au goût du temps et aux errements du passé, les exposants se préoccupaient surtout de l'effet produit et cédaient à la tentation d'exposer moins des objets utiles que des compositions extraordinaires, des tours de force, disons le mot. « des chefs-d'œuvre ». Aussi le jury formulait-il. dans les termes suivants, les critiques que lui suggéraient ces pratiques fâcheuses : « Comme les résultats d'une fabrication habituelle qui alimente un commerce méritent plus de faveur que les tours de force, qui n'attestent souvent que l'adresse et la patience d'un individu et n'apprennent rien sur l'industrie d'une contrée, il faudrait que chaque chose présentée au concours lût accompagnée d'une déclaration authentique qui apprendrait si cette chose est le produit d'une fabrication courante, ou si elle est simplement une de ces productions isolées auxquelles on donne quelquefois le nom de chefs-d'œuvre. »

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 18S9

29

Conformément à l'arrêté des consuls, une exposition, la troisième, avait lieu l'année suivante au Louvre; elle dura sept jours. Le nombre des exposants en 1805 fut de 540, auxquels 240 récompenses lurent accordées.

En 1803 il n'y eut pas d'exposition. Au commencement de l'Empire, les préoccupations changèrent d'objet et le développement commercial et industriel fut laissé au second plan. Cependant, sous l'influence de cette idée qu'il fallait combattre l'ennemi avec toutes les

Montage des fermes de la galerie de 30 mètres du Palais des Expositions diverses.

armes, une exposition « des produits de l'industrie française » fut prescrite, par décret de. Napoléon Ier, en date du 15 février 1806. L'Exposition eut lieu à l'Esplanade des Invalides, fut élevé un palais de l'industrie, sa durée fut de 24 jours; 1,422 exposants y prirent part ; 610 récompenses lurent distribuées. La caractéristique de cette Exposition était moins dans les progrès industriels qui avaient été réalisés, que dans l'extension que l'institution avait prise ; 104 départements, en effet, avaient participé à cette Exposition, et des produits avaient été envoyés de tous les points du territoire. Ce fait était mis en lumière avec une insistance particulière par le rapporteur, M. Costaz, qui s'exprimait ainsi dans son

3Q L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 18S9

discours au Ministre : « Cotte Exposition a été remarquable par le concours des fabricants de toutes les parties de la France, qui ont paru en nombre au moins dix fois plus grand qu'à l'Exposition précédente. » L'Exposition de 1806 ne fut suivie d'une exposition nouvelle qu'après un intervalle de treize ans.

Louis XVIII. par une ordonnance en date du 13 janvier 1819, prescrivait qu' « à l'avenir une exposition publique des produits de l'industrie française aurait lieu à des intervalles qui n'excéderaient pas quatre années et que la première se ferait en 1819 et la seconde en 1821 ».

L'Exposition de 1819 fut ouverte au Louvre le 25 août, elle dura 33 jours ; 1,662 expo- sants y participèrent, 886 récompensés y furent décernées. Cette Exposition marque la consécration définitive de l'institution, qui, dès cette époque, prit un caractère franchement commercial. Les applications de la science à l'industrie commençaient déjà à se déve- lopper, et les efforts dirigés dans ce sens faisaient entrevoir les immenses changements qui allaient résulter, dans un avenir prochain, des modifications introduites dans les pratiques industrielles. On voyait, en effet, à l'Exposition de 1819, des machines à carder, à filer la laine, etc. Il est du reste à remarquer que durant les trente premières années de ee sièele. c'est surtout sur le travail des laines que se portaient les préoccupations générales.

L'Exposition de 1819, qui marque l'avènement de la machine, consacra, comme nous l'avons dit, le principe des expositions, non pas seulement en France, mais dans toute l'Europe. A partir de 1820, on voit les expositions se produire dans toutes les parties de l'Europe : à Gand en 1820, à Tournay en 1824 et à Harlem en 1825; la Russie les inaugura en 1829, l'Allemagne en 1834, l'Autriche en 1835.

En France, après 1819, le mouvement se continua sans grandes modifications jusqu'à la fin de la Restauration; les Expositions de 1823 et de 1827 n'offrirent aucun intérêt particulier.

En 1823 il y eut 1,642 exposants, et 1,693 en 1827.

Ces deux Expositions eurent lieu au Louvre, la première dura 50 jours et la seconde 62.

Dès ce moment le phénomène de la substitution de la machine à l'homme se dessine réellement : 31. Héricart de Thury le constatait en ces termes dans son rapport sur l'Exposition de 1823 : « Les usines destinées au traitement et à la résolution des divers minerais ont à la fois augmenté de nombre et d'importance. On a vu naître et se déve- lopper, comme par enchantement, de nouvelles branches de l'industrie métallurgique. Des procédés inusités dans nos forges pour obtenir soit la fonte, soit le fer lui-même, dont l'application exigeait un grand développement de moyens et l'affectation de capitaux considérables, ont été, pour ainsi dire, adoptés en France de toutes pièces, tantôt à l'aide d'ouvriers étrangers, tantôt avec le seul concours des moyens fournis par les localités. Le plein succès de ces procédés justifie les espérances qu'ils avaient fait concevoir... Des machines puissantes, des mécanismes ingénieux, suppléent dans presque tous nos ateliers à la force bornée et trop irrégulière des hommes et des autres moteurs animés. » Les efforts de l'administration avaient encore à cette époque pour objet de développer le côté pratique de l'institution. « Les produits que réclame l'exposition de l'industrie, déclarait M. Migneron, dans son rapport sur l'Exposition de 1827, ce sont avant tout des objets com- merciaux susceptibles d'être fabriqués en grande quantité et d'arriver à la consommation avec profit pour le manufacturier et le consommateur. »

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 31

Avec la Monarchie de Juillet, apparaît une nouvelle règle; l'article o de l'ordonnance du 4 octobre 1833 décidait, en effet, « qu'à l'avenir les expositions périodiques de l'industrie auraient lieu de cinq ans en cinq ans. » Puis, conformément à l'esprit du régime, l'insti- tution prend un caractère légèrement « démocratique ». Ce qu'un demandait aux exposants de 1834, M. Thiers, .Ministre du Commerce, l'indiquait nettement dans une circulaire qu'il adressait aux préfets le 7 octobre 1833 : « Je désire. Monsieur, que votre département soit au nombre de ceux qui se feront distinguer par leurs produits, et en parlant ainsi je n'envisage pas seulement les arts de luxe, les articles réservés à l'opulence que vus artistes pourraient offrir; les consommations propres aux classes les plus nombreuses, perfec- tionnées sous le rapport de la qualité ou du moindre prix, les meubles commodes, les vêtements sains mis à la portée du grand nombre de familles, attireront autant d'intérêt que les articles les plus brillants. » L'Exposition de 1834, qui s'ouvrit le 1er mai, réunit 2,447 exposants; on fut obligé de construire un local spécial; les produits furent répartis, dit une description du temps. « dans quatre pavillons très spacieux, d'une architecture simple et régulière, provisoirement élevés sur les côtés de la place de la Concorde, avec autant d'échappées de vue sur quatre monuments du xvir . du xvm" et du xix" siècle ». C'est encore la machine qui reste l'objet des préoccupations, et tous les efforts se portent sur l'application de la vapeur se substituant, de plus en plus, à la force humaine dans la plupart des fabrications. Mais, détail à noter, les machines ne figurent pas encore à l'Expo- sition, dans laquelle on se borne à soumettre au public « les produits de l'industrie».

L'institution conserve le même caractère jusqu'à la lin de la Monarchie de Juillet, et les Expositions, qui se succèdent alors de cinq en cinq années, 1839 et 1844, conformément à l'ordonnance, marquent le développement constant de l'industrie; les applications de la science deviennent de plus en plus nombreuses et sortent du travail de la soie, de la laine et du coton, elles s'étaient jusqu'alors presque exclusivement manifestées, pour s'étendre aux autres branches de l'industrie. Ces deux Expositions eurent lieu aux Champs-Elysées ; la première réunit 3,281 et la seconde 3,960 exposants ; elles eurent une durée de trois mois.

En 1844, la partie la plus intéressante de l'Exposition fut la salle des machines; se trouvaient réunis les mécanismes, les appareils et les outils de toute espèce : machines à vapeur, machines à fabriquer les outils, métiers à filer, à tisser, machines à imprimer, tur- bines, outils de sondage, appareils pour la fabrication du sucre, pompes, calorifères, etc. Signalons l'importance de l'exposition des machines agricoles, qui témoigne des préoccupa- tions nouvelles.

Toutefois, ce n'est qu'en 1849 que l'agriculture eut une section séparée et proportionnée à la grande place qu'elle occupe dans la richesse du pays et le travail national. On remarquait encore de curieux modèles de matériel de chemin de fer, la photographie, qui venait de faire son apparition; enfin les premières manifestations de l'électricité.

En 1844 le triomphe de l'industrie était donc complet, et voici en quels termes le baron Thenard faisait, dans son discours, l'exposé des progrès réalisés : « Que serait-ce, si nous remontions jusqu'à la première Exposition, jusqu'à l'an VII ? Que de sources de richesses découvertes dans cet intervalle ! On croirait voir l'œuvre de plusieurs siècles ! Ce n'est que le fruit de quarante ans de travaux. Tout a changé de face; il n'est pas un art qui n'ait été inventé ou qui ne soit devenu un nouvel art par les perfectionnements qu'il a reçus. Quel- ques-uns occupent un rang bien élevé dans l'échelle industrielle; mais au-dessus de tout,

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE L889

33

domine de très haut, l'art d'employer la vapeur comme force motrice. C'est la plus belle conquête qu'il ait été donné à l'homme de. taire. »

Et le baron Tlienard, entrant dans l'examen détaillé de l'Exposition, disait: « La pile voltaïque, qui a tant agrandi le domaine des sciences, vient d'être appliquée de la manière la plus heureuse à l'art de dorer et d'argenter les métaux. Un jour peut-être elle' servira de base à l'exploitation des minerais d'or, d'argent et de cuivre. » « L'agricul- ture a fait une véritable conquête dans le troupeau de Mauchamp. Les laines qui en pro- viennent possèdent des qualités précieuses qui les rapprochent de la laine de Cachemire et

Histoire de l'habitation. Maisons romane, gothique et renaissance.

leur permettent de rivaliser avec elles. » Puis il termine ainsi : « Enfin apparaissent

ces moteurs de forces diverses, d'une puissance quelquefois gigantesque, qui sont la merveille des temps modernes, moteurs que la France produit maintenant à l'égal de l'Angleterre et dont la destinée sera peut-être un jour de changer la face du monde, en opérant dans les mœurs publiques la révolution la plus grande et la plus heureuse. N'est-il pas probable, en effet, que la rapidité avec laquelle les distances sont franchies établira entre les peuples des relations fréquentes, des liens de confraternité que resserreront encore les intérêts mieux compris. » Mais c'était toujours l'industrie qui restait l'objet essentiel des préoccupations générales. Le baron Thenard disait en forme de conclusion : « Notre industrie doit donc avoir foi dans h; brillant avenir qu'elle s'est préparé. Depuis longtemps elle est l'un i 3

34 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

des plus fermes appuis de la France; elle en deviendra bientôt l'une des principales gloires. »

En 1849, le principe de l'Exposition s'étendit; il ne s'agissait plus alors d'une exhibition des « produits de l'industrie », la loi de l'Assemblée Nationale qui avait décidé de l'ouverture de l'Exposition avait ouvert, au Ministère du Commerce, un crédit de 600,000 francs pour subvenir aux dépenses de l'exposition nationale des « produits de l'industrie agricole et manufacturière ». Du reste on procédait à la réglementation de l'institution, comme l'indique une circulaire du 14 janvier 1849, dans laquelle M. Buffet, Ministre du Commerce, s'exprimait ainsi : « L'époque d'ouverture des Expositions avait été déterminée jusqu'ici par des consi- dérations étrangères au but de l'institution (anniversaire de la République, fêtes des monarques, etc.); cette année mon département a voulu recueillir les vœux de l'industrie et du commerce avant de vous proposer une décision à ce sujet. Les chambres consultatives des arts et manufactures et les chambres de commerce ont été appelées à donner leur avis sur l'époque de l'année qui convenait le mieux aux intérêts qu'elles représentent. C'est après avoir soigneusement consulté leurs délibérations et cherché à concilier toutes les exi- gences que je crois devoir vous proposer de fixer l'ouverture de l'Exposition de 1849 au 1er juin prochain. »

Un mois après, dans une circulaire du 28 février, le Ministre donnait aux administrations départementales, en vue de l'admission des produits, les indications suivantes : « En ce qui concerne l'industrie, on n'admettra que les articles qui auront une véritable importance, soit sous le rapport des échanges auxquels ils donnent lieu, soit sous le rapport du mérite de l'exécution ou des perfectionnements qu'ils ont reçus. En ce qui concerne l'agriculture, on ne recevra que les instruments perfectionnés et les produits qui se recommandent par leur qualité ou qui ont été l'objet de quelques appropriations nouvelles. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit moins, pour cette fois, d'une exposition générale des produits agricoles que d'un essai dont la sphèro doit être naturellement circonscrite. »

L'Exposition de 1849 eut lieu aux Champs-Elysées ; 4,532 exposants y participèrent ; 3,738 récompenses furent décernées. La caractéristique de l'Exposition de 1849 fut le déve- loppement relativement considérable des produits de l'agriculture, qui n'avaient jusqu'à cette époque pris place aux expositions que d'une manière fort restreinte. Cette Exposition présentait une autre innovation : les colonies, représentées par l'Algérie, prenaient, pour la première fois, part à ces manifestations industrielles. L'exposition algérienne était exclu- sivement agricole.

DEUXIÈME PÉRIODE

Après 1849, sous l'influence du développement des communications et du courant libéral, les expositions deviennent internationales. Dès 1833, M. Boucher de Perthes, Président de la Société d'émulation d'Abbeville, disait aux ouvriers en les exhortant à prendre part à l'Exposition de 1834: « Pourquoi donc ces expositions sont-elles encore restreintes? Pour- quoi ne sont-elles pas faites sur une échelle vraiment large et libérale? Pourquoi craignons-nous d'ouvrir nos salles d'exposition au manufacturier que nous appelons étranger, aux Belges, aux Anglais, aux Allemands ? Qu'elle serait belle, qu'elle serait riche, une exposition européenne! quelle mine d'instruction elle offrirait pour tous ! »

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 35

En 1849 le Gouvernement avait eu l'idée de faire une exposition internationale. En effet, dans une circulaire du 31 janvier 1849, M. Buffet, alors Ministre de l'Agriculture et du Com- merce, invitait les chambres de commerce et les chambres consultatives des arts et manu- factures à lui faire connaître leur avis sur la convenance de l'admission d'échantillons de produits étrangers à l'Exposition Nationale. « J'ai pensé, écrivait M. Buffet, qu'il y aurait un intérêt, pour le pays tout entier, à connaître le degré de progrès et de perfectionnement au- quel sont parvenus les produits étrangers avec lesquels les nôtres se trouvent sans cesse en concurrence sur les marches extérieurs. Dans le rapprochement et la comparaison que chacun pourrait faire des résultats aujourd'hui obtenus en agriculture et en industrie, soit en France, soit au dehors, il y aurait d'utiles enseignements à retirer et surtout un principe d'émulation qui tournerait au profit du pays. » Les chambres de commerce protectionnistes considérèrent ce projet comme une menace pour les intérêts nationaux, et M. Buffet ne put donner suite à la pensée libérale émise dans sa circulaire.

La France, qui avait eu l'initiative de l'idée d'une Exposition Universelle, ne sut pas en recueillir les fruits.

Les conséquences fécondes de cette idée ne devaient cependant pas être perdues pour le monde industriel. En Angleterre, M. Richard Cobden et le prince Albert, comprenant l'utilité du projet et sa grandeur, mirent leur influence au service de la réalisation à Londres, en 1851, de la première exposition internationale universelle. Cette Exposition, à laquelle prirent part l'Europe, les Etats-Unis d'Amérique, les États Barbaresques, la Chine et la plupart des Etats de l'Amérique méridionale, compta 17,062 exposants, parmi lesquels il y avait 1,756 Français, dont 68 Algériens.

L'Exposition de Paris en 1855, notre première exposition universelle, marqua un progrès considérable sur l'Exposition de [881. Si on pouvait se féliciter des résultats obtenus en 1851, à Londres, on pouvait regretter quelques lacunes : l'agriculture, les beaux-arts, l'enseigne- ment, ne figuraient pas à l'Exposition; on les avait oubliés ou on ne les avait pas convoqués. En 1855, à Paris, cette erreur fut réparée en grande partie. Toutefois, il faut bien l'avouer, il y eut dans la classification une insuffisance complète de méthode qui s'explique du reste suffisamment par la nouveauté de l'entreprise. L'ouverture de cette « Exposition universelle des produits agricoles et industriels de tous les peuples » eut lieu le 1er mai 1855 au Palais de l'Industrie, construit pour elle aux Champs-Elysées; (die couvrait 123,39(1 mètres carrés, y compris une annexe vitrée construite sur le quai de la Conférence; le Palais seul mesurait 50,737 mètres.

L'Exposition Universelle de 1855 compta au total 25,600 exposants, qui se répartissent ainsi :

Français et Coloniaux. Étrangers.

Section de l'Industrie 10.914 10.865

Section des Beaux-Arts 1.072 1.103

Section de l'Agriculture 889 711

Les pays étrangers y prirent part en grand nombre. On y voyait tous les États de l'Europe: l'empire Ottoman, les Colonies anglaises, portugaises et espagnoles; dans le Nouveau Monde : les États-Unis d'Amérique, la Confédération Argentine, le Brésil, Costa- Rica, la République Dominicaine, le Guatemala, la République mexicaine, l'Uruguay, la

Nouvelle-Grenade; en Afrique : l'Egypte et Tunis.

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L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE L889

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38 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1SS9

Y figuraient : toute l'Europe sans exception, l'empire Ottoman, les Colonies anglaises, espagnoles et portugaises; tout le Nouveau Monde; en Afrique : l'Egypte, le Maroc, la Tunisie; en Asie: la Chine, le Japon, leSiam, la Perse. Le nombre des visiteurs s'éleva à près de Kl millions. Le total des recettes, en y comprenant la subvention de l'État (6 millions) et la subvention de la Ville (6 millions1), monta à plus de 26 millions; les dépenses furent de 23 millions.

La disposition générale des bâtiments était ingénieuse. Un jardin central était entouré par sept rangs de galeries concentriques eh forme d'ellipse. Les galeries, qui correspondaient chacune à un groupe, étaient coupées par seize rues; en suivant la galerie, on restait dans le même groupe, et en suivant l'une des rues on restait dans la même nation. On pouvait, grâce à cette heureuse disposition, étudier à son choix l'ensemble des produits d'un groupe ou l'ensemble des produits d'un pays.

Cette Exposition constituait un véritable progrès; on y avait comblé' une lacune que nous avons relevée dans la précédente; l'enseignement y occupait, en effet, une place importante. A signaler encore une innovation intéressante, un curieux essai philanthropique: un ordre spécial de récompenses fut accordé aux personnes, établissements ou localités qui, par une organisation ou des constructions spéciales, avaient assuré aux ouvriers le bien-être matériel, moral ou intellectuel.

Un des principaux attraits de l'Exposition de 18(17 fut la galerie des machines, dans laquelle fonctionnait une force motrice de 1,279 chevaux.

L'Exposition de 1878, qui fut organisée moins sous le coup du désir de faire une manifestation industrielle, que parce qu'on voulut tenir l'engagement qui avait été pris après 1867, affirma le principe des expositions internationales universelles. Elle montra les perfectionnements qui avaient été réalisés, mais ne révéla rien de nouveau. On apporta dans la classification plus de soin que par le passé, mais sa caractéristique reste la démonstration du progrès de l'œuvre plus que celle du progrès de l'industrie.

En 1878, sauf l'Allemagne qui s'abstint, tous les Etats de l'Europe et leurs colonies ; tout le Nouveau Momie; en Asie : le Japon, la Chine, la Perse, le Sianï, l'Annam; en Afrique : la Tunisie, le Maroc et l'Egypte, participèrent à l'Exposition.

L'Exposition de 1878 eut lieu au Champ-de-Mars ; on avait prévu que la superficie accordée à l'Exposition de 1867 ne suffirait point à celle de 1878. Aussi lui donna-t-on 9 hectares de plus, soif 29 hectares. Rappelons en quelques mots que cette grande fête industrielle entraîna la construction de palais du Trocadéro; l'organisation de parcs et jardins, à cheval sur les deux rives de la Seine, avec kiosques, aquariums, maisons rustiques et fontaines monumentales; l'établissement d'une passerelle à Pile des Cygnes et d'un plancher métallique sur le pont d'Iéna; la construction d'un palais rectangulaire ayant 350 mètres de façade, vers l'École militaire, el de nombreuses annexes: près de l'avenue de La Bourdonnais, pour les machines trop à l'étroit sur la basse berge de la rive gauche; pour l'agriculture, près du pont de l'Aima, et pour la Ville de Paris, dans le Jardin central, sans parler de l'exposition des sciences anthropologiques, reléguées dans un pavillon du bas des pelouses du Trocadéro; enfin des constructions reconnues indispensables sur les berges des quais de Billy et d'Orsay.

Le 1er mai, l'Exposition (Hait ouverte; 52,835 exposants y apportaient leur concours: 29,800 récompenses furent distribuées ; le nombre des visiteurs dépassa 10 millions.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

39

Malheureusement le succès financier ne répondit guère au succès moral et industriel de cotte gigantesque entreprise. Le déficit s'éleva à plus de 21 millions, ainsi que cela résulte d'un document du Ministère des Finances, émanant du service de l'agent comptable du Trésor, dont nous donnons ci-dessous la reproduction.

EXPOSITION DE 1878

RECETTES

12. 428. 768 39

119.030 05

579.011 M

Vente des bâtiments et matériaux. . .

3.019.413 14

Fonds de concours (ville de Paris'. . .

0.200.000 »

Concerts du Trocadéro

65.201 40

39.692 42

Vente des lots non réclamés (Loterie).

242.441 61

Entrées gratuites des ouvriers et insti-

350.870 »

3.499 83

23.077.9i.:; 28

DEPENSES (au 31 mars 1882)

Chapitre 1". Service général

II. Travaux de la rive gauche.

111. Travaux de la rive droite.

IV. Dépenses imprévues. . . .

Total.

Recettes 23.077.963 28

Dépenses 54.814.012 93

Excédent de dépenses

A déduire : Subvention au budget 1878.

Déficit.

31.736.049 63 10.000.000 »

21.736.049 65

fr. o. 777 711 93 182.756 81 ,906. 113 27 ,647.093 92

54.814.012 93

Une des innovations de l'Exposition de 1878 fut l'œuvre des congrès et des conférences, dont l'initiateur était M. Charles Thirion, ingénieur civil; le Trocadéro avait été mis à la disposition des conférenciers et des organisateurs des congrès. Ces congrès étaient institués par des sociétés diverses; les discussions furent souvent savantes, parfois brillantes et toujours intéressantes. Il y eut le congrès de la propriété industrielle, celui de la propriété artistique, celui d'hygiène, puis le congrès pour l'amélioration du sort des aveugles et des sourds-muets, qui était présidé par un aveugle, M. Nadault de Buffon, le descendant de l'illustre naturaliste et un ardent ami des bonnes œuvres; les congrès pour l'unification des poids, mesures et monnaies; les congrès de démographie, de statistique, du génie civil, do météorologie, de géologie, de botanique et d'horticulture.

En somme, l'Exposition de 1878, au point de vue de l'Exposition en elle-même, lut un succès complet et absolu de tous points. Malheureusement, nous l'avons déjà dit, son résultat financier ne répondit point aux espérances que son succès même avait pu faire naître. Diverses causes concourent au déficit que nous avons signalé'.

Profitant do l'expérience ainsi acquise, les organisateurs de l'Exposition Universelle de 1889 ont su éviter les erreurs précédemment commises, et, pour la première fois, le succès financier de l'entreprise a pleinement répondu à son succès matériel et moral. Nous nous plaisons à le constater, un tel résultat est exclusivement à l'excellente organisation qui, dès le début, a caractérisé l'Exposition du Centenaire.

40

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Nous terminerons cette étude, forcément un peu rapide, de l'histoire des Expositions en France, par un tableau qui permettra au lecteur d'embrasser d'un seul coup d'œil l'historique de cette institution et de constater les progrès successivement accomplis.

I. Expositions Nationales.

DATE.

EMPLACEMENT.

NOMBRE

des exposants.

NOMBRE

des récompenses.

1798 (an VI)

1801 (an IX)

Champ-de-Mars.

Louvre.

Louvre. Esplanade des Invalides.

Louvre.

Louvre.

Louvre.

Place.de la Concorde.

Champs-Elysées.

Champs-Elysées.

Champs-Elysées.

110

299

540

1.422

1.662

1.642 1.693 2.447 3.281 3.960 4.532

23

77

210

610

886

1.091

1.284

1.785

2.305

3.253

3.738

1802 (an X)

1806

1819

1823

1827

1834 ....

1839

1844

1849

II.

Expositions Universelles.

DATE.

SUPERFICIE.

NOMBRE

des exposants.

EXPOSANTS FRANÇAIS

et des colonies.

NOMRRE

des visiteurs.

1833

11 hectares. 20 hectares. 29 hectares. 50 hectares.

25.600 52.200 52.835 60.009

12.875 15.969 25.852 35.000

4.180.117 9.062.965 16.102.089

28.121.975

1867

1878

1889

Les chiffres ci-dessus montrent mieux que tout ce qu'on pourrait dire, le succès toujours croissant de nos Expositions.

ORGANISATION DES SERVICES

^e régime financier de l'Exposition étant établi sur les bases que nous avons indiquées plus haut, il y avait lieu de pourvoir, sans retard, à l'organisation des services.

Cette organisation fut réglée par un décret du Président de la République en date du 28 juillet 188G, rendu sur la proposition du Ministre du Commerce et.de l'Industrie.

Aux termes de ce décret, il était institué au Ministère du Commerce et de l'Industrie un service spécial en vue de l'Exposition Universelle de 1880. Le Ministre était nommé Commis- saire général et conservait toutes les attributions du Commissariat, ayant sous ses ordres trois directeurs prenant le titre de Directeurs généraux.

En vertu de ce décret, cinq Ministres se sont succédé, depuis le 0 janvier 1886, qui ont eu dans leurs attributions les services de l'Exposition Universelle et qui, de ce fait, ont porté le titre de Commissaire général de l'Exposition : ce sont MM. Lockroy, Dautrcsme, Pierre Legrand, Tirard et Jules Roche.

Les attributions d'ordre général, telles que nominations des divers fonctionnaires et des commissaires, rapports avec les Chambres et les gouvernements étrangers, préparation des règlements, archives, etc., étaient réservées au Commissariat.

Le premier acte du Ministre, Commissaire général, fut, et devait nécessairement être, le choix et la nomination des trois Directeurs généraux.

S'inspirant des principes qui régissent l'organisation des grandes Compagnies de chemins de fer, M. Lockroy avait tout d'abord créé trois grandes divisions qui formèrent respective- ment les trois directions générales des travaux, de l'exploitation et des finances.

M. Lockroy eut le très grand mérite et l'incomparable bonheur de placer à la tête de chacune de ces trois directions les hommes éminents auxquels l'Exposition est en partie rede- vable de son immense succès, et envers lesquels le pays tout entier a contracté, de ce chef, une lourde dette de reconnaissance : nous avons nommé MM. Alphand, Berger et Grison.

Les trois Directeurs généraux formèrent le Conseil de direction, qui se réunit réguliè- rement toutes les semaines sous la présidence du Ministre, Commissaire général, suppléé, en cas d'absence, par le plus âgé des Directeurs.

Le Conseil étudiait les propositions préparées par chaque Directeur et les soumettait, après examen, à la Commission de contrôle et de finances.

Cette Commission, composée de 43 membres, représentait le capital engagé, à raison de

42 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

1 membre par million ; elle comprenait donc 17 membres représentant l'État, 8 membres représentant la Ville de Paris et 18 membres représentant le capital de garantie.

La Commission de contrôle et de finances figurait assez exactement l'autorité parlemen- taire dans l'organisme de l'Exposition, le pouvoir exécutif étant représenté par un président du conseil : le Commissaire général, assiste de ses ministres : les Directeurs généraux.

Le Comité de direction procéda tout d'abord à l'établissement d'un projet de budget des recettes et des dépenses de l'Exposition, qui fut dressé par la direction des finances sur les données fournies par les directions des travaux et de l'exploitation.

Dans ce budget primitif, les recettes étaient évaluées comme il suit :

Subvention de l'État 17.000.000 IV.

Subvention de la Ville de Paris 8.000.000

Produit des entrées 14.500.000

Produit des concessions locatives, ele 1.000.000

Produit de la revente des bâtiments et matériaux 2.500.000

Total. , 43 000.000 fr.

Les dépenses, évaluées à une somme égale, se décomposaient de la manière suivante :

Administration 3.350.000 fr.

Travaux 29.650.000

Exploitation 5.000.000

Réserve spéciale (travaux de l'Esplanade, appontements du quai

d'Orsay, etc.) 2.090.000

Réserve générale 3.000.000

43.000.000 fr.

Les chiffres qui précèdent ont subi, dans la pratique, diverses modifications que nous indiquons ici ; on remarquera que presque toutes ces modifications ont porté sur des aug- mentations de recettes ou des diminutions de dépenses, c'est-à-dire que toutes se sont exercées en sens favorable et ont permis à l'Exposition de 1889, non seulement d'équilibrer parfaitement son budget, mais encore de réaliser d'importants bénéfices, ce qui n'avait jamais été obtenu lors des Expositions précédentes.

Voici les chiffres exacts du budget définitif:

RECETTES

Montant des versements du Crédit Foncier :

Émission des tickets. 1er versement 18.000.000 fr. ) „AA .

* versement 3.500.000 | 21-500'000 fr'

Concessions et recettes diverses y compris le

produit do 11,609 tickets du Trésor. . . . 2.000.000

Vente de matériaux (estimation) 1.000.000

Montant des subventions (subvention de l'État). 17.000.000 fr. 1

Ville de Paris 8.000.000 ) 2j-00()-0(")

Total général des recettes 49.500.000 fr.

Quant aux dépenses, primitivement évaluées à 43 millions, elles n'ont pas excédé, au total, le chiffre de 41,500,000 francs, une économie de 1,300,000 francs ayant été réalisée sur l'ensemble des évaluations.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 43

Nous croyons intéressant de publier à cet égard, pour chacun des principaux chapitres du budget des dépenses, en regard des évaluions budgétaires primitives, les montants des dépenses tels qu'ils résultent des comptes définitifs:

Évaluations budgétaires Montant dos dépenses

Désignation des travaux. primitives. effectuées.

Talais des Arts, galeries Bapp et Desaix 6. 372. 484 fr. 6.764.707 fr.

Palais des Machines 7.233.381- 7. .'113. 894

Palais dos Industries diverses 5.780.406 5.885.637

Nivellement. Réseau d'égouts oit. 847 524.847

Réserve 82.885 95.912

Exposition d'horticulture 300.000 300.000

Exposition d'agriculture 000. 000 600.000

Parcs et jardins 3.082.654 2.032.654

Bâtiments de l'administration, postes de police, etc. . . . 158.911 458.911

Clôtures 430.000 '1 .10.000

Viabilité de la tranchée rive gauche S0.000 25.072

Passerelles diverses -200.000 200.000

Eaux et gaz 000.000 600.000

Voies ferrées 363.259 363.2.)'.»

Water-closets 175.000 »

Réserve générale (Galerie des Machines, etc.) 4.815.220 3.082.003

Réserve spéciale (Esplanade, etc.) 1.004.873 »

Service mécanique 93.000 93.000

Expositions horticoles (concours de saison) 00.000 00.000

Exposition d'économie sociale 73.000 73.600

Totaux 32.364.403 fr. 29.132.156 fr.

En résumé, le budget de l'Exposition Universelle de 1889 se suide par 8 millions de bénéfices en chiffre rond, ainsi établi :

Recettes 49.500.000 fr.

Dépenses 41.500.000

Excédent de recettes ou bénéfices. . . 8.000.000 fr.

Les rectifications ultérieures qui viendraient à se produire, résultant de la rédaction

définitive des comptes, ne peuvent ({n'augmenter ce chiffre.

Pour apprécier pleinement ce magnifique résultat, il convient de rappeler que l'Expo- sition de 1878 avait laissé à l'État un déficit de 31,736,000 francs, et que l'Exposition de 1867 elle-même, malgré suit très grand succès et sa remarquable organisation, s'était soldée par un excédent de dépenses, soit par un déficit de 4,160,840 francs.

Si de pareils résultats ont pu être obtenus en 1889, c'est grâce à la valeur des hommes énhnents placés à la tète des diverses directions et à l'excellence du fonctionnement des services organisés et dirigés par eux.

Nous allons rapidement examiner ci' fonctionnement et donner une analyse succincte de l'organisation générale des services de chacune des trois directions de l'Exposition.

Les attributions de M. Alphand, directeur général des travaux, comprenaient :

1" Le Service d'architecture et des travaux. Rédaction et étude des projets, devis, cahiers des charges; marchés spéciaux : adjudications; direction, exécution et surveillance des tra- vaux; règlements et réceptions; délivrance des certificats de payement; entretien des

44

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 188'.)

constructions ; démolition après l'Exposition ; concessions et contrôle des travaux exécutés par les concessionnaires de restaurants, cafés, chalets, kiosques; examen des projets et devis; préparation des autorisations île concessions; surveillance et contrôle des travaux autorisés ; police durant la durée des travaux ;

Le Service des plantations et de la voirie. Plantations et jardins, appropriation et

*'

M. Aiiiiwn, Directeur général des Travaux.

entretien des voies, ponts, passages ; eaux; gaz, éclairage électrique ; établissement des voies ferrées à l'intérieur de l'Exposition, aussi bien pour le transport des matériaux de construc- tion et des objets exposés que pour le transport des visiteurs, après entente avec le directeur général de l'exploitation ; l'êtes et cérémonies publiques à l'intérieur et aux abords de l'Exposition; aménagements et décorations; préparation de la cérémonie d'ouverture et installation de la salle pour la distribution des récompenses;

Le Service des palais et bâtiments spéciaux. Service d'architecture ; plantations et voirie ;

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

45

Le Service médical. Réglementation et surveillance du poste médical destiné à la visite des ouvriers et muni des appareils nécessaires pour donner les premiers soins aux malades et blessés.

Nous ne nous étendrons pas ici sur le fonctionnement intérieur des services de la Direction générale des travaux, que nous aurons à étudier, d'une manière en quelque sorte

M. Berger, Directeur général de l'Exploitation.

pratique, dans la partie de cet ouvrage consacrée à la description générale de l'Exposition.

Il nous suffira de signaler l'organisation du Service technique, du Contrôle des cons- tructions métalliques et du Conseil des travaux.

Le Service technique avait à sa tète M. Délions, Ingénieur adjoint. Ce sont les bureaux du Service technique qui étaient chargés de la préparation des marchés et adjudications et qui devaient en assurer et en vérifier l'exécution. Le Service technique avait en outre la haute main sur l'examen des projets de travaux, sur les concessions diverses et sur les construc-

16 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

tions spéciales. La comptabilité du Service technique, dirigée par M. Montel, avait à examiner et à vérifier tous les devis et mémoires au point de vue de l'application des prix unitaires. Enfin M. Violet, Inspecteur principal du Service technique, était spécialement chargé d'inspecter les travaux en cours d'exécution, soit sur les chantiers, soit dans les usines, et son service, parfaitement organisé, permettait aux divers Architectes et Ingénieurs de connaître exactement, et au jour le jour, l'état d'avancement des travaux qu'ils avaient mission de diriger.

Le Contrôle des constructions métalliques, dirigé par M. Containin, Ingénieur en chef, assisté de M. Charton, Ingénieur en chef adjoint, et Pierron, Ingénieur, avait à étudier tous les plans et projets, au double point de vue des moyens d'exécution proposés et des condi- tions de résistance auxquelles devaient satisfaire les constructions. La réception des maté- riaux, les essais de résistance et la surveillance du montage des fers étaient les points principaux de cet important service, auquel étaient également confiées l'étude et l'exécution des voies ferrées destinées au transport des matériaux et des marchandises à l'Exposition.

Enfin le Conseil des travaux se composait de tous les chefs de service attachés à la Direction générale des travaux, sous la présidence de M. Alphand, Directeur général. Il avait pour mission principale d'étudier et d'arrêter les voies et moyens propres à assurer l'exécution des travaux.

Les Services de la Direction générale de l'Exploitation étaient, sinon plus importants que les précédents, peut-être plus complexes et plus délicats.

En effet le Directeur général de l'exploitation, M. Georges Berger, avait dans ses attributions :

Le Service des transports. Organisation et surveillance d'un service général de transports et de transbordements dans toute l'enceinte de l'Exposition, tant pour les besoins du service que pour le compte des exposants; réception et mise en place des colis expédiés; conservation des emballages; réexpédition;

Les Services de la section française et de la section étrangère. Classement des groupes et sections; rapports avec les commissaires et les exposants; distribution des emplace- ments; comités d'admission et d'installation; jurys et récompenses;

Le Service mécanique et électrique. Établissement et distribution de la force motrice; exécution des travaux; règlement des dépenses;

Le Service des installations intérieures. Groupement des exposants par classes pour couvrir les frais collectifs d'aménagement, de décoration, de gardiennage, d'assurances; projets et devis avec le concours des architectes spéciaux ;

o" Le Service de police intérieure. Surveillance des bâtiments et jardins; garde des objets exposés; rapport avec la force publique et le service de police municipale.

Disons tout d'abord que, indépendamment de la tâche matérielle, déjà très lourde, qui lui incombait, M. Georges Berger avait à remplir une mission autrement considérable et autre- ment difficile, qui consistait en l'appel à adresser aux exposants de tous les pays pour les décider à prendre part à la grande fêle du travail et de la paix à laquelle la France prenait l'initiative de convier le monde entier.

On sait comment l'appel a été entendu et le prodigieux succès obtenu; mais ce qu'on ne

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 47

saura jamais, c'est au prix de quels efforts et de quels miracles d'activité, de travail et d'in- telligence de pareils résultats ont pu être aussi rapidement et aussi complètement réalisés.

Le premier soin du Directeur général, après qu'il eut, par son action personnelle et directe, mis en mouvement toutes les bonnes volontés et assuré ainsi la réussite du gigan- tesque projet dont la réalisation pratique lui était confiée, son premier soin, disons-nous, au point de vue de l'organisation matérielle de son service, fut la constitution des Comités d'admission et d'installation.

Dès le début, des dispositions spéciales avaient été arrêtées concernant l'Exposition coloniale et l'Exposition des Beaux-Arts. Un Commissaire spécial avait été placé, à la tête de chacune de ces importantes divisions de l'Exposition Universelle, lesquelles ont joui en quelque sorte d'une existence propre et d'une autonomie absolue.

M. Berger s'appliqua en second lieu, de concert avec le Ministre, Commissaire général, à constituer les diverses commissions spéciales chargées d'élaborer les programmes particuliers qui, par leur réunion, devaient former l'œuvre d'ensemble dont l'exécution lui incombait.

C'est ainsi que furent rapidement constitués les divers Comités et Services suivants : Congrès et Conférences; Histoire rétrospective, du Travail et des Sciences anthropologiques; Économie sociale; Auditions musicales, etc.

Entre temps, le Directeur général assurait la parfaite organisation des Services électrique et mécanique, et traitait à l'amiable, avec la maison Decauville, l'importante question des transports et de la manutention des colis à l'Exposition.

Nous nous bornons à mentionner ici ces multiples et importants Services, leur étude détaillée devant nécessairement trouver place dans les divisions suivantes de cet ouvrage qui leur sont respectivement consacrées.

Ajoutons, en terminant cet examen rapide de l'organisation de l'Exploitation, que cette organisation, déjà si complexe, fut encore augmentée, par la suite, des Services de police, des Sapeurs-pompiers et du Service médical, qui y furent rattachés, en raison même de leur importance, sitôt l'ouverture de l'Exposition.

Il nous reste à examiner le fonctionnement de la Direction des finances. Les attributions du Directeur général, M. Grisou, se résumaient ainsi :

La Comptabilité. Budget préparatoire, avis sur les projets de dépenses au point de vue de la disponibilité et delà répartition des crédits; contrôle des crédits alloués et des dépenses faites; préparation et expédition des ordonnances et mandats de payement; comptabilité-matières; tenue des écritures;

La Caisse. Payement des traitements, indemnités et salaires au personnel; payement des dépenses courantes du matériel; délivrance des mandats aux parties prenantes ;

Le Contentieux. Centralisation des demandes d'avis formulées par les Directeurs généraux, les Commissaires de section et les exposants; transmission des avis donnés par la Commission consultative du contentieux; poursuites de règlement des affaires soumises aux tribunaux;

Le Service du matériel et des entrées. Organisation et contrôle des entrées avant.

48

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

pendant et après l'Exposition; visa et enregistrement des laissez-passer; surveillance du personnel préposé à la garde des portes et au service des entrées.

Le Service de la comptabilité, à la Direction des finances, a été particulièrement important, car il comprenait non seulement la comptabilité propre de la division des finances, entrées, contentieux, etc., mais encore celle des deux autres directions.

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M. Grison, Directeur général îles Finances.

Pour olivier aux retards ordinaires de versement, difficiles à éviter à cause de l'ordon- nancement des avances, le Trésor public avait ouvert à la Direction des finances un crédit de 100,000 francs, véritable compte courant qui permettait le payement des dépenses urgentes, telles que salaires, journées d'ouvriers, etc.. avant l'accomplissement de toutes les formalités administratives habituelles. Les services rendus par cette organisation spéciale ont été très appréciés et le montant des dépenses acquittées, ou mieux avancées, par l'Ad- ministration, au moven de ce fonds de roulement, a dépassé 1,400,000 francs.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 49

La Direction dos finances a eu à étudier, discuter et conclure la convention intervenue entre le Gouvernement et le Crédit Foncier, convention dont nous avons expliqué plus haut le mécanisme et les avantages.

Enfin M. Grisou avait dans ses attributions l'un des services les plus importants et les plus complexes de l'Exposition : celui des entrées gratuites et payantes.

Les entrées gratuites étaient délivrées à titre permanent aux exposants, à leurs représentants accrédités, à la presse et aux membres de diverses commissions et jurys; à titre temporaire, au personnel employé dans les divers établissements situés à l'intérieur de l'Exposition : restaurants, théâtres, cafés, etc. Le nombre des cartes permanentes délivrées par l'Administration s'est élevé à 33,041. Quant aux cartes temporaires, il en a été délivré en moyenne 40,000 par mois; elles donnaient droit, les unes à deux entrées journalières, el les autres à un nombre illimité, et devaient être renouvelées tous les quinze jours.

Les entrées payantes constituaient le Service le plus chargé de la Direction générale des finances. Un service rigoureux de statistique et de contrôle fonctionna dès la première heure. Nous publions ici quelques chiffres qui démontrent et son importance et le succès prodigieux de l'Exposition elle-même.

Le 6 mai, jour de l'ouverture de l'Exposition, 115,340 entrées furent contrôlées aux différents guichets.

Les journées les plus fortes, au point de vue des entrées, furent les suivantes : le jeudi 16 octobre, 349,538; le lundi lu juin, 369,676; le dimanche 13 octobre, 402,068, chiffre le plus important qui ait été atteint ; enfin le mercredi 6 novembre, jour de la clôture officielle, 395,033. On sait qu'à partir du 7 novembre les visiteurs cessèrent d'être admis au Trocadéro, au quai d'Orsay et à l'Esplanade; mais l'enceinte du Ghamp-de-Mars resta ouverte quelques heures par jour moyennant un ticket ; on reçut encore de ce chef 1 17,376 entrées payantes.

En résumé, le nombre total des visiteurs de l'Exposition, qui avait été de 9 millions en 1867 et de 16 millions en 1878, a dépassé, en 1889,1e chiffre extraordinaire île 28 millions.

Telle est, dans ses grandes lignes, l'organisation puissante et forte, grâce à laquelle l'Exposition Universelle de 1889 a déliassé, en éclat et en résultats pratiques, toutes les expositions qui l'ont précédée.

Il n'est que juste de rappeler ici que l'Exposition de 1889 a, en effet, dépassé en impor- tance, aussi bien qu'en splendeur, toutes les expositions précédentes. En effet, le chiffre total des exposants, qui avait été de 52,000 environ en 1867 et en 1878 , a dépassé 60,000 en 1889.

D'autre part, et c'est une indication précieuse et un point absolument capital, la participation des nations étrangères a été' aussi complète et aussi brillante qu'il était permis de l'espérer. Contrairement à ce qu'on avait pu croire au début, la presque unanimité des nations du globe ont tenu à honneur d'envoyer leurs produits au Champ-de-Mars, et, à l'exception de l'Allemagne, du Monténégro, de la Suède et de la Turquie, toutes, plus ou moins directement, à titre officiel ou simplement officieux, ont répondu à l'appel de la France. Encore est-il bon de remarquer que, depuis de nombreuses années, la Suède n'a participé à aucune exposition, ce qui explique son abstention. Quant à l'Allemagne, lion nombre d'entre ses maîtres les plus estimés ont envoyé leurs toiles au Champ-de-Mars et ont figuré avec honneur dans la section internationale de peinture.

I 4

50

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

On peut évaluer à 25, 000 le nombre d'exposants étrangers ayant participé à l'Exposition.

Ces exposants se répartissent de la manière suivante :

République Argentine, 800; Autriche-Hongrie, 400; Belgique, 1,800; Bolivie, 200; Brésil, 800; Chili, 380; Chine, 10; Colombie, 25; Costa-Rica, 5; Danemark, 250; République Dominicaine, 175; Egypte, Equateur, 75; Espagne, 2,500; États-Unis, 1,500; Grande- Bretagne, 1,100; Cap de Bonne-Espérance, 18; Nouvelle-Zélande, 175; Tasmanie, 25; Victoria, 90; Grèce, 1,000; Guatemala, 700; Haïti, 10; Hawaï, 25; Honduras, 75; Italie, 625; Japon, 625; grand-duché de Luxembourg, 35; Maroc, Mexique, 3,200; Monaco, 50; Nicara- gua, 550; Norvège, 300; Paraguay, 75; Pays-Bas, 490; Pérou, 12; Perse, Portugal, 2,000 Roumanie, 700; Russie, 750; grand-duché de Finlande, 150; Saint-Marin, 80; Salvador, 550 Serbie, 1,450; Siam, 10; République Sud-Africaine, 35; Suisse, 1,100; Uruguay, 300 Venezuela, 300.

On voit, par cette liste, que les pays les plus lointains se sont fait représenter au Champ de-Mars.

LE PLAN DE L'EXPOSITION

1^12*1 0RSQDE 'a Commission consultative, présidée par M. Antonio Proust, fut instituée, IlÉilf lc 8 novembre 1884, à l'effet d'étudier les bases de l'Exposition Universelle, la Ç'q^Hi question d'emplacement se posa tout d'abord et fut l'objet de ses premières études et aussi de ses premières délibérations, comme nous l'indique le très remarquable rapport de son Président.

Les uns voulaient établir cette Exposition sur le plateau de Courbevoie, les autres à Bagatelle avec annexes dans l'île de Puteaux. Il lut aussi question d'utiliser les remparts de Paris qui bordent le Bois de Boulogne, de la Porte Dauphinc à Auteuil, et de certaines parties du Bois de Boulogne et du Bois de Vincennes. On prétendait qu'après les deux précédentes Expositions, il était impossible de faire quelque chose de nouveau au Champ-de-Mars; que d'ailleurs les surfaces disponibles étaient trop restreintes.

Mais le Conseil municipal de Paris et le Conseil général de la Seine manifestèrent nettement leur préférence en faveur du Champ-de-Mars et appuyèrent leur décision d'excellentes raisons.

C'est alors que surgit le projet très chaleureusement préconisé par M. Antonin Proust et qui, malgré une vive opposition, fut approuvé à une grande majorité par la Commission dont il était le Président.

Ce. projet consistait à grouper autour du Champ-de-Mars tous les terrains libres, savoir : le Trocadéro, le long quai d'Orsay, l'esplanade des Invalides, le Palais de l'Industrie et les jardins qui l'entourent. Cette dernière construction devenait ainsi l'entrée principale de l'Exposition : elle était reliée, à la rive gauche par un pont jeté sur la Seine et adossé à celui des Invalides. Ce vaste parti d'ensemble adopté, la Commission voulut ari'êter les grandes lignes des constructions.

Il est inutile de rappeler les nombreuses combinaisons présentées à la Commission. C'est le projet de M. Dutert qui, dans la séance du 20 janvier 1883, fut définitivement adopté.

Il n'était pas encore question, à cette époque, de construire la tour Eiffel dans les espaces réservés à l'Exposition.

L'auteur du projet que nous venons de rappeler, M. Dutert, avait présenté à l'appui de sa conception des dessins et des vues faisant particulièrement valoir les nouveaux effets à tirer tant de la réunion, sous un seul toit, de toutes les machines étrangères et françaises,

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

que d'un grand jardin central entouré de boutiques et décoré de pavillons pittoresques. La dépense totale était évaluée à 43 millions.

Ces plans et devis servirent de base au projet de loi présenté par M. Lockroy, Ministre du Commerce et de l'Industrie. On sait que le montant de la dépense fut très discuté à la Commission parlementaire. Il semblait impossible de réaliser pour 43 millions un ensemble plus vaste que celui de 1878 (1).

Ainsi que nous l'avons dit précédemment, la loi assurant le concours financier de l'État fut promulguée le 6 juillet 1886.

Au cours des débats, des doutes avaient été émis; on s'était demandé si la disposition

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Les premiers travaux.

adoptée pour les constructions était la meilleure, et la Chambre avait manifesté le désir qu'un concours public entre ingénieurs et architectes lut ouvert avant d'arrêter les dernières lignes des bâtiments à édifier. On sait que ce concours, hâtivement fait, car le temps pressait, accorda trois primes égales à MM. Dutert, Eiffel et Formigé.

Ce concours, auquel quatre-vingts concurrents prirent part, ne fit que confirmer l'Admi- nistration dans les idées primitivement arrêtées. En effet, dans le plan exécuté, on retrouve au Champ-de-Mars : le Jardin central, les Palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux, les Galeries pour les Industries diverses et le Palais des Machines aux empla- cements indiqués au premier plan.

Toutefois, par suite de l'affluence extraordinaire des exposants du groupe VI, on a sacrifier la grande avenue plantée d'arbres prévue au plan primitif, et les Industries

(1) L'Exposition de 1S78 avait coûté 5i, 814, 012 francs.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

53

diverses ont été réunies, dans la moitié de leur longueur, par une galerie et un dôme. La perspective du Jardin central a été ainsi raccourcie, et l'on se demande si cette modification n'a pas réduit sensiblement l'effet de cette saisissante perspective du Jardin central qui, dans la conception de M. Antonin Proust et suivant le. projet de M. Dutert, s'étendait du Trocadéro au Palais des Machines.

Il est vrai d'ajouter, d'autre part, que cette modification au premier projet nous a valu deux des morceaux les plus remarquables de l'Exposition : la Galerie de trente mètres et le Dôme central.

Quoi qu'il en soit, cette perspective de plantations, même réduite, a puissamment contribué à l'aspect grandiose de l'ensemble des bâtiments et des l'êtes en plein air.

On retrouvait également : au Trocadéro, les expositions horticoles; aux Invalides, l'Exposition coloniale, et, sur le quai d'Orsay, les expositions d'agriculture.

On retrouvait enfin : au Palais de l'Industrie, les fêtes prévues, et au pourtour, les expositions secondaires.

Un seul point du plan primitif a été abandonné, c'est l'idée séduisante de faire l'entrée principale de l'Exposition sur l'avenue des Champs-Elysées, en plein Paris, par le Palais de l'Industrie, et de réunir cette entrée à l'ensemble de la rive gauche par un pont décoratif jeté sur la Seine.

Cette idée sera à reprendre à la prochaine Exposition, si toutefois il y a encore une Exposition Universelle au Champ-de-Mars.

DESCRIPTION GENERALE

>vant d'aborder l'étude détaillée des principales constructions de l'Exposition, au point de vue architectural et descriptif, il est indispensable de donner un aperçu général des installations et des dispositions adoptées. Tout est curieux, intéressant et instructif, dans la description et l'étude des construc- tions, parcs et jardins de l'Exposition, qui, par son importance, son aspect véritablement grandiose et l'architecture de ses vastes palais, laisse bien loin derrière elle les expo- sitions précédentes qui ont eu lieu, soit en France, soit à l'Étranger.

GRANDES DIVISIONS DE L'EXPOSITION

L'Exposition se divisait en quatre parties principales :

Le Ghamp-de-Mars, comprenant la section des Beaux-Arts et celle des Arts Libéraux, la section des Produits Divers et la section des Machines ;

Le Trocadéro, comprenant principalement l'exposition d'horticulture ;

Le quai d'Orsay, de l'avenue de La Bourdonnais à l'esplanade des Invalides, comprenant la section des produits et appareils agricoles, ainsi que la section des produits alimentaires;

Et l'esplanade des Invalides, comprenant les expositions des ministères et les expositions des Colonies françaises et des pays de protectorat.

Au milieu, pour ainsi dire, du vaste emplacement constitué par ces quatre grandes divisions, présentant, sans comprendre la partie occupée sur les berges de la Seine, une surface totale de plus de 50 hectares, supérieure de 20 hectares à celle de l'Exposition de 1878, s'élève, à l'entrée du Champ-de-Mars, dans l'axe du pont d'Iéna, la Tour de 300 mètres.

LA TOUR DE 300 MÈTRES

M. Eiffel, avec ses deux principaux et vaillants collaborateurs et Ingénieurs de sa maison, MM. Nougier et Kœchlin, et M. Sauvestre, architecte, a présenté et exécuté ce monument colossal. Mais il a eu un autre mérite que l'on ne connaît pas assez, c'est l'énergie, la volonté opiniâtre qu'il a su déployer pour triompher des attaques qui ont surgi au début contre son projet.

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1. Histoire de l'habitation.

2. Compagnie de Suez.

3. République Argentine.

4. Pavillon du Brésil.

5. Pavillon du Mexique.

6. Pavillon du Venezuela.

7. République Bolivienne.

8. Brasserie Tourtel.

9. Pavillon du Cbili.

10. Pavillon du Nicaragua.

11. Pavillon du Lota.

12. République de Salvador.

13. Pavillon des Enfants. 13 bis. Pavillon de la Mer.

14. Pavillon Yillard et Gottard.

15. République de l'Uruguay.

16. Républiq le Saint-Domingue.

1". République du Paraguay.

18. Pavillon du Guatemala.

19. Pavillon d'Haïti.

20. Pavillon Indien.

21. Pavillon Chinois.

22. Restaurant Roumain.

23. Pavillon de Siam.

24. Exposition du Maroc. 2.'i. Exposition Egyptienne. 26. Restaurant Durai.

2". Exposition des Manufactures de l'Etat.

28. Pavillon Eiffel.

29. Pavillon de la Société des Téléphones.

30. Pavillon du Gaz.

31 . Chalet Suédois.

32. Cbaiet Norvégien.

33. Pavillon Brault.

34. Pavillon Finlandais. 3ï. Restaurant Kuhn.

36. Taillerie île diamants.

37. Pavillon Humplireys.

38. Pavillon Kaeffer.

39. Théâtre des Folies-Parisiennes.

39 bis. Pavillon Toché.

40. Pavillon Perusson.

40 bis. Isba russe.

41. Bureau de Tabacs turcs.

42. Principauté de Monaco 42 bis. Pavillon Daval.

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13. Pavillon îles Pastellistes. Si. Pavillon îles Aquarellistes.

15. Pavillon de la Presse.

16. Station d'électricité.

47. Pavillon des Forges du Nord.

48. Pavillon Dillemont.

49. Écurie militaire.

30. Pavillon de la Société de Mariemont.

31. Commissariat Belge. 1 bis. Pavillon Solvay.

'il ter. Colonie du Cap. Mine de Diamants.

32. Fonderie des Forges de l'Hernie.

53. Anciens Etablissements Cail.

54. Pavillon Royaux.

55. Pavillon Lacour.

56. Union céramique chaufourniêre.

57. Exposition do Monlihanin.

58. Pavillon des Forges de Saint-Denis.

59. Pavillon des Asphaltes.

60. Pavillon Goldcnberg,

61. Restaurant Duval.

62. Exposition des Ateliers Ducommuu.

63. Cour des Générateurs à vapeur.

64. Restaurant Ansart.

65. Station d'électricité Gramme. '

66. Station d'électricité du Syndicat.

07. Station de la Société de transmission do force par l'électricité.

68. Bâtiments de la Douane.

69. Restaurant Duval.

70. Pavillon du duc de Feltre.

71. Machines élévatoires Thomas Power.

72. Machines élévatoires Quillacq et Meunier.

73. Station centrale d'électricité.

74. Annexe de la Classe 74.

75. Pétrole international.

76. Classe 63.

77. Panorama de la G'" Transatlantique.

78. Pisciculture.

79. Ostréiculture.

80. Chambres de Commerce maritimes. 8t. Palais des produits alimentaires. 84. Portugal.

58 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

Rien n'a pu faire fléchir sa ténacité ; il sentait qu'il avait l'opinion publique pour lui ; il avait le sentiment profond que pour célébrer le Centenaire de 1789 il fallait oser dresser un monument incomparable, digne du génie industriel de la France.

M. Eiffel a réussi ; son œuvre est universellement connue aujourd'hui jusque chez les peuplades les moins civilisées de l'Afrique et de l'Amérique, et la plupart de ses détracteurs du début sont devenus ses admirateurs.

L'exécution de la Tour a marché avec une précision mathématique ; tout a été si bien prévu et calculé, qu'aucun mécompte ne s'est produit. Les 7,300,000 kilogrammes de fer, réunis et assemblés, se sont élevés comme par enchantement.

Le fonctionnement des ascenseurs, admirablement réglé, a été dès le premier jour par- faitement régulier : 2,350 personnes peuvent monter par heure au premier et au deuxième étage, et 750 personnes au sommet; la durée totale de l'ascension est de sept minutes environ.

En comprenant les escaliers, il est possible de permettre la visite de la Tour à 5,000 per- sonnes par heure.

PASSERELLES

Pour relier le Champ-de-Mars, le Trocadéro, le quai d'Orsay et les Invalides, sans inter- rompre les voies de communication existantes, on avait construit six passerelles : deux sur la rive droite de la Seine, pour permettre l'accès du pont d'Iéna (qui était compris dans l'enceinte de l'Exposition) au Trocadéro; quatre sur la rive gauche, dont deux sur la tranchée du quai d'Orsay, une au carrefour de l'Aima et la dernière au carrefour de Latour-Maubourg.

Plusieurs de ces passerelles étaient des ponts démontables portatifs.

CHEMIN DE FER INTÉRIEUR

En outre, pour pouvoir se rendre facilement et rapidement dans chacune des parties de l'Exposition, on avait créé un chemin de fer intérieur.

C'était un chemin de fer à double voie, de 0m,60 de largeur chacune, système Decauville, ayant son point de départ à la porte d'entrée principale de l'esplanade des Invalides, suivant tout le quai d'Orsay entre deux rangées d'arbres qui, par leur feuillage, formaient un véritable et long bosquet sous lequel circulaient les trains; il passait en tunnel sous le carrefour de l'avenue Rapp et de l'avenue Bosquet, croisait l'avenue de La Bourdonnais, s'engageait dans la tranchée qui limite le Champ-de-Mars en avant de la Tour, et tournait ensuite pour longer l'avenue de Suffren, jusque près de l'École militaire, se trouvait la station terminus.

Son développement total était de 3,5 kilomètres et il comportait trois stations inter- médiaires: celles de l'Agriculture, du palais des Produits alimentaires et celle de la Tour. La déclivité maxima atteignait 25 millimètres, le rayon minimum des courbes était de 43 millimètres, et les rails, en acier, du poids de 9,5 kilogrammes par mètre. Les locomo- tives étaient de trois types : type Mallet-Compound. type Pichot Bourdon et type ordinaire de Petit-Bourg.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 59

Ce chemin de fer a rendu les plus grands services et a été l'une des attractions les plus utiles et les plus suivies de l'Exposition.

CHAMP-DE-MARS

C'est à la suite d'un grand concours dont les trois premiers prix ont été décernés à MM. Dutert, Eiffel et Formigé que, sous la haute et éminente direction de M. Alphand, le plan général des constructions du Champ-de-Mars a été définitivement arrêté. Jamais dispositions d'ensemble n'ont été plus habilement conçues, n'ont revêtu un tel caractère de grandeur! On est en présence de véritables et vastes palais d'une grande richesse artistique, entourant un parc merveilleux, dessiné avec ce talent dont, seul, M. Alphand parait avoir le secret.

PALAIS DES BEAUX-ARTS ET DES ARTS LIBÉRAUX EXPOSITIONS DIVERSES

PALAIS DES MACHINES

En regardant le Champ-de-Mars de la Tour, on a : à gauche le Palais des Beaux-Arts, à droite celui des Arts libéraux, deux palais de construction d'ensemble identique dont les fermes ont 50 mètres de portée et ayant chacun 230 mètres de longueur sur 80 mètres de largeur.

Au milieu de chacun d'eux, s'élève une coupole de 54 mètres de hauteur, rappelant quelque peu les coupoles des Persans, émaillées de tons blancs, bleu turquoise, jaunes et or.

Les entrées d'honneur, placées au centre et donnant sur le parc, se composent de trois arcades plein-ceintre. Chaque arcade est entourée d'archivoltes en terre cuite et de médaillons à fond d'émail dans les tympans ; les piédroits sont ornés, du côté des Beaux-Arts, par des arabesques brille encore la palette du faïencier, et du côté des Arts libéraux, de' trophées en terre cuite qui montrent, par leurs dimensions et les difficultés -vaincues, tous les progrès faits de nos jours dans l'art « de la terre ».

L'ordonnance des palais se poursuit à droite et à gauche avec une décoration formée d'une triple ceinture de terre cuite, comprenant une balustrade au premier étage, une frise à fond d'or sous la corniche et une seconde balustrade à hauteur du comble. Chaque pilier en fer est revêtu de panneaux en terre cuite; un grand caisson émaillé lui sert de chapiteau, et son couronnement en fonte sert de base aux mâts ornés de bannières aux couleurs de France, alternant avec les couleurs étrangères, dont l'ensemble rappelait le caractère inter- national de l'Exposition.

Les palais se terminent du côté de la Seine par des pavillons surmontés chacun d'une coupole sur plan carré dont les colorations rappellent la partie centrale.

De l'autre côté, à la suite de chacun des palais, deux grands vestibules : le vestibule de l'avenue Bapp et le vestibule Dcsaix.

Après, s'étendant en fer à cheval, la construction des Expositions diverses, qui occupe à elle seule une surface de 107,985 mètres carrés.

Cette construction se compose d'un vaste ensemble de galeries, ayant pour grand motif

60

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

central d'entrée, dans l'axe du Champ-de-Mars, un dôme monumental de 60 mètres de hauteur, dont l'ossature métallique, en grande partie apparente, est complétée par des sculptures allégoriques et par des décorations artistement colorées.

De la Tour, formant avec ses grands arceaux la plus grande entrée triomphale qu'il était possible d'imaginer, on voit se découper en face ce Dôme central et de chaque côté les

dômes des Palais .des Beaux- Arts et des Arts libéraux, ils s'encadrent merveilleusement. Il y a un effet d'ensemble impo- sant, et, au grand étonnement de beaucoup de personnes des plus compétentes.

Passerelle ilu pnnt île l'Aima. , „, , . . ,

la Tour n écrase rien, chaque monument con- serve son échelle, tout se tient et s'harmonise admirablement.

A droite et à gauche du Dôme central des Expositions diverses, des galeries à jour entourent le parc, sous lesquelles sont installés des cafés et restaurants, avec un promenoir en avant formant un portique surmonté d'une grande frise du plus gracieux effet, brillam- ment décorée d'écussons et d'inscriptions.

En arrière du Dôme, une galerie de 30 mèlres de largeur, traversant en quelque sorte les galeries des Expositions diverses, aboutit, par un grand vestibule, au Palais des Machines.

Ce palais, avec ses galeries annexes, a 420 mètres de longueur et 145 mètres de largeur ; il est parallèle à l'École Militaire et occupe toute la dernière partie du Champ-de-Mars.

L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1*89

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Par ses dimensions exceptionnelles, par ses fermes hardies et élancées de 115 mètres de portée, atteignant au sommet une hauteur de 45 mètres, ce palais constitue un monument unique dans l'univers; il fait le plus grand honneur à notre industrie nationale et a puis- samment contribué au grand succès de l'Exposition.

Ce palais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, devait être, à l'origine, sur toute sa longueur, isolé des Expositions diverses par un jardin d'une trentaine de mètres de largeur; mais, en dernier lieu, les exposants du groupe VI sont venus si nombreux qu'ils ont demandé une surface de plus du double de celle que l'on pouvait mettre à leur disposition:

Chemin de fer Dccauvillc : Gare Trocailéro-Tour Eiffel.

"7,1)1)0 mètres carrés, et on ne pouvait leur offrir que 34,000 mètres carrés. Pour tâcher de leur donner satisfaction dans la mesure du possible, il a fallu sacrifier toute la partie du jardin d'isolement comprise entre la galerie

de 30 mètres et l'avenue de Sutfren, et faire une nouvelle galerie, spécialement destinée à la

classe 01 (matériel des chemins de l'en.

Les Palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux, les vestibules Rapp et Desaix, le bâtiment

des Expositions diverses et le Palais des Machines couvrent une surface totale de

219,200 mètres carrés. A l'Exposition de 1867, il n'y avait que 183,000 mètres superficiels

couverts au Champ-de-Mars.

Dans le Palais des Peaux-Arts, l'art français occupait toute la partie comprise entre le

Dôme et l'extrémité, cote de la Seine; toute l'autre moitié, ainsi qu'une partie du vestibule

Rapp, était destinée aux œuvres des artistes étrangers.

Dans le Palais des Arts libéraux se trouvaient toutes les expositions qui correspondent

au groupe II de la classification générale : éducation, enseignement, matériel et procédés

des arts libéraux.

62 L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

La partie centrale était occupée par l'exposition rétrospective du Travail et des Sciences anthropologiques.

Au rez-de-chaussée de la galerie, côté Seine, l'enseignement professionnel; à l'étage, la papeterie et la reliure.

Au rez-de-chaussée de la galerie longitudinale, côté avenue de Suffren, dans la première partie du palais, les instruments de précision, la médecine, la chirurgie; au-dessus, l'impri- merie, la librairie et le dessin. Dans la seconde partie, au rez-de-chaussée de cette même galerie, les expositions de la Suisse, de la Belgique et des Pays-Bas se rapportant aux arts libéraux; au-dessus, à l'étage, la photographie.

Dans l'autre galerie parallèle se trouvaient des restaurants et cafés donnant sur le parc, et à l'étage, tout ce qui se rapporte à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Le vestibule Desaix contenait dans sa partie centrale les instruments de musique.

Pour les Expositions diverses, on avait conservé la classification des classes par groupes, et chaque classe a été placée dans une seule et même galerie, ce qui facilitait beaucoup les recherches des visiteurs.

Le groupe III, afférent au mobilier et accessoires, se trouvait renfermé dans la presque totalité du côté droit du Palais des Expositions diverses, c'est-à-dire du côté avenue de Suffren.

Le groupe IV (tissus, vêtements et accessoires) et le groupe V (industries extractives, produits bruts et ouvrés», ainsi que la classe GO (carrosserie et charronnage) , occupaient tout l'autre côté du palais, côté avenue de La Bourdonnais.

Le Palais des Machines n'a pu contenir, malgré sa surface considérable, les