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HISTOIRE
DES HOMMES ILLUSTRES
D E c-dHslass
SAINT DOMINIQUE:
C'EST-A-DITRE, DES PAPES, DES CARDINAUX, DES PRELATS
éminens en Sience & en Sainteté ; des célébres Doéteurs , & des autres grands Perfonages , qui ont le plus illuftré cet Ordre, : depuis la mort du faint Fondateur , jufqu’au Pontificat de BENOÏT XIII.
Par le Révérend Pere A. TOURO N, Religieux du même Ordre. TOME PREMIER,
rschis Déres Chrysostomus D Spiritu Elias, charitatis audacia Joannes à Le post Apostolorum tempora |
re in Eccleste pace PTS et Martyr.
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À P A RES, - Chez BABUTY, ruë Saint Jâques, à Saint Chryfoftome,
| M DCC. XLIII. AVEC APROBATIONS ET PRIVILEGE DU ROIL.
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PRIVILEGE DU RO].
OUIS,;rARLAGRACE DE DiIEu;, Ro1DE FRANCE ET JDENAVARRSB:Anos amés & féaux Confeillers ,: les Genstenans nos Cours de Parlemens, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel ; Grand Confeïl , Prevôt de Paris, Bailliés Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, & autres nos Jufticiers qu'il apartiendra : Sazur: Notre bien amé FRANÇOIS BABuTy, Libraire à Paris, Nous a fait expofer qu'il défireroit faire imprimer & donner au Pubhicun Manufcrit qui a pour atre, Hifloire des Hommes Hllufires, qui per leur fainteré ; leur doëtrine , leurs talens ou leurs emplois , fe font plus difiingaëés dans l'Ordre des FF. Précheurs y depuis [a fondation , jufqu'au Pontificat de Benoit XIII , par le P. TouRON;, du même Ordre ; s'il nous plaifoit de lut acorder nos Lettres de: Privi- lége pour ce néceffaires, A éaseAusEs, Voulant favorablementtrairer l'Expofant , Nous lui avons permis & permétons par ces Préfentes, de faire imprimer par tel Imprimeur qu’il voudra choilir , le Manufcrit ci- defflus fpécifré en nn on Infienre Volumes & autrnr.de fais que bon lui femblera , & de les vendre, faire vendre & débiter par tout notre Royau me pendant le tems de quinze années confécutives ; à comter du jour de la date defdites Préfentes : Faifons défenfes à toutes fortes de perfonnes de elque qualité & condition qu’elles foient ; d’en introduire d’impreflion trangere dans aucun lieu de notre obéiffance ; comme aufli à tous Librai- tes, Imprimeurs & autre$, d'imprimer , faire imprimer , vendre , faire vendre, ni contrefaire ledit Ouvrage, en tout ni en partie , d’en faire aucune traduction , abrégé ou extrait , fous quelque prétexte que ce puiffe être , d'augmentation , correction ; changemens ou autres, fans la per- miflion exprelle & par écrit dudit Expofant, ou de ceux qui auront droit de lui ; à peine de conffcation des Exemplaires Pate » & de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris , & l’autre tiers audit Expofant, & de tousdépens , dommages & intérêts : à la charge que ces Préfentes feront enregiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Libraires & _Imprimeurs de Paris dans trois mois de la date d'’icelles ; que l'impreffion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume & non ailleurs, en bon papier & beaux caraéteres , conformément à la feuille imprimée atachée our modéle fous Le contre-fcel defdites Préfenres ; que FImpétrant fe con- pans en toutaux Réglemens de la Librairie; & notamment à celui du dixiéme Avril mil fept cent vingt cinq; qu'avant que de les expofer er. vente le Manufcrit ou Imprimé qui aura fervi de copie à l’imprefion dudit Ouvrage , fera remis dansle même état, où l’Aprobation y aura été don- née, ès mains de notre très-cher & féal Chevalier le Sieur Dagueffeau €hancelier de France , Commandeur de nos Ordres ; & qu’il en fera enfuite semis deux Exemplaires dans notre Bibliothéque publique , un dans celle
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de notre Chateau du Louvre, & un dans celle de notredit très - cher & féal Chevalier le Sieur Daguefleau, Chancelier de France ; le tour à peine de nullité des Préfenres: du contenu defquelles vous mandons & enjoignons de faire joüir ledit Expofant & fes ayans caufes pleinement & paifiblement , fans foufri qu'il leur foit fait aucun trouble ou em- pêchement. Voulons que la copie defdites Préfentes qui fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage , foit renuë pour düëément fignifiée , & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux Confeillers & Secretaires, foi foit ajoutée comme à l’O- riginal : commandons au premier notre Huiflier ou Sergent, fur ce requis, de faire pour l'exécution d’icelles, tous actes requis & néceflaires , fans demander autre permiflion ; & nonobftant Clameur de Haro, Chartre Normande & Lettres à ce contraires; car tel eft notre plaifir. Donne’ à Paris le quinziéme jour du mois de Fevrier , l’an de grace mil fept cenc quarante-trois, & de notre Régne le vingt-huitiéme. Par le Roi en fon Confeil. SAINSON.
Regifiré fur lo Reg. vs» MI. de la Churnbre Royale dre Liolsasres & Imprimeurs de Paris, NS 131. fol. 111. conformément aux anciens Réolemens , confirmés par L / Q Ê ' ’ . celui du 28 Février 3723..4 Paris le 18. Fevrier 1743.
SAUGRAIN, Syndic.
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"De L'Imprimerie de CLAUDE. SIMON , pere,
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SAINTETE’ me permet de faire paroitre leur pr. ri » répandra un nouvel éclat fur leurs ahons ; & fera fans doute pour le Leileur chrétien un nouveau motif d’eflimer leurs ver- tus, de les imiter. La Religion , qui fembloit les avoir formés de fes mains , pour la gloire de l'Evangile , leur avoit infpiré pour le Siége Apo/tolique , ces fentimens de vénération , de zéle, & d'amour , qui feront toujours le vrar Eee des Enfans de Dieu , & de [on life.
y os illufires Prédéceffeurs , TRE’S-SAINT PERE,, établis par Jesus-CHr1sr même , pour apeller les Narions à l’unité de la For , & réu- zur tous les Peuples dans le bercaildu Souveraire Pafteur , employérent avec fuccès ces Hommes choifis , dont la plume [avante , la langue , &G le miniflére , ont [ouvent diffipé les ténébres de l'erreur , confondu le menfonge , & procuré de nouveaux triomphes à la Vérité. Enfant l'Hifloire de leurs glorieuxtravaux , on apren- dra une partie de celle de plufieurs Souverains Pontifes , dont ces Grands Hommes ne furent que les fidéles Muufires : Et fon admire la vi- gilance atentive des Succeffeurs de S. Pierre, pour la propagation de la Foi & le falut des ames , on fe félicitera en méme-tems de voir re- vivre leur efprit , dans la Perfonne de celui , er
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qui toute l'Eglife révére aujourd'hui la même autorité , les mêmes vertus , le même 7éle pour la beauté de la Maifon du Seigneur.
Onfe rapellera , non fans une [écrete [arif- faëtion , le fouvenir de ce jour heureux , où les premiers Princes de l’Eglife , & tous les Peuples Fidéles , réunis dans les mêmes [entimens , firent éclater par des témoignages fenfibles de leur joie, les douces efpérances qu'ils concevoient déja d'un Pontificat, qui leur prométoi d'avance tous les avantages de celui des Grégoires , des … Léons, des Innocents, 8&C des Benotïts. Rome & Bologne n'aplaudirentles premieres au bonheur de toute la Chrétienté , que parce qu'elles étocent acoutumées à voir de plus près dans la Perfon- ne d'un illuftre Archevéque , & d’un gran Cardinal, toutes les qualitez d'un grand Pape ; la fublimité du génie, la fupériorité destalens , la Grandeur d'ame, le Courage, la Fermeté , le Goût exquis des Siences , une vafle & féconde Erudition , la Charité enfin, & le défir defaire régner partout la Jufhce & la Paix.
Tout ce que Votre Exalrauon , FRES- SAINT PERE , nous avoit d'abord anon- cé, tout ce qu'elle nous prométoit , nous l'avons bientôt après admiré ; nous l’admirons encore dans la fageffe de vos Décrets , qui n’ont pour objet que la Gloire du Très-Haut , le falut des
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murons dans cette atention continuelle a faire fleurir la Piété , 6 refpeiler le Lieu [aint ; à rétablir , ou perfetlionner la Di{cipline , la Décence , & la Mayeflé du Culte Divin ; à aprendre enfin aux nouveaux Chrétiens dans les Contrées les plus reculées , ce que la Pureté de la Loi Evangélique leur permet, & ce qu’elle leurinterdit. Nous l’admirons dans cette [age Vigilance , avec laquell VOTRE SAIN- TETE’ travaille a corriger les abus , a don- ner des bornes au luxe , a protéger les fosbles , à effuyer les larmes de ceux qui étoient [ans con/olation.. Nous l’admirons dans ce Zéle in- fatigable , qui veille a tout , & qui pourvoir fr a propos à l’inftrutlion des Muruftres de l’Autel, aux befoins des Pauvres , à la sûreté des Peu- ples , &G à leur repos.
La Poflérité admirera furtout cet Efprit d’é- quité & de prudence , dont les vives lumieres ont fau d’abord difparoitre tout ce qui retardoit la bonne intelligence entre le Saint Siège , & quel- ques Cours étrangeres. Non,TRE’SSAINT PERE, à n’apartenoit qu'a un Gén fupé- rieur , né pour la profpérité de l'Eghfe , de trouver avec tant de facilité, à en fi peu de tems, le [écret merveilleux de conculier les inté-
réts les plus opofés ; & de faire fervir a la con-
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clufion de la Paix , ce qui fémbloit métre des obftacles à toutes votes de concihation. Pour- roit-on jamais oublier ce que Benoîr XIV, plus élevé encore par les dons de la Nature & de la Grace, que par la Prééminence de [on Siége , a fait prefque dès les premiers jours de fon Pontificat , pour terminer d'anciennes dif- putes , 6 en prévenir de nouvelles ? |
. Mais que ne doivent point faire efpérer à tous ceux qui s’intéreffent fincérement au bien de l'Eglife , c’eft-a-dire, a tous les véritables Chré- tiens , ces heureux commencemens d’un Ponti- ficat , dont les fondemens ne font autres que la Juflice & la Religion ? Eh , pourquoi n’efpére- rions-nous pas de la fageffe & de la charité éclai- rée d'un Pere commun , le retour défiré de ces jours fereins & tranquiles , que des cœurs do- ciles , toujours unis dans les mêmes fentimens , & par la profeffion des mêmes V'éritez, couloient dans les douceurs de la Paix & de l'Inocence ? C’eft le privilége que le Seigneur prométoit au- crefois à fon Peuple , comme le prix de [a fidéli- té, & qui feroit encore aujourd’hui de l'Eglfe de la Terre, l'image augufle de celle du Ciel. C’eft auffi, TRES-SAINT PERE, j'ofe le dire avec confiance, c’eft la la principale gloire réf[ervée à Votre Ponuficat, déja fi diftingué par des Evé- nemens , qui fufiroient pour en ulluftrer plufieurs autres, -
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* EPITRE Que celui qui ejt riche en miféricorde, daigne éxaucer l’humble priére de [es Serviteurs ! Et puifqu’il nous a donné un Pafieur felon [on
cœur , qu’il lui plaife auffi prolonger des jours fi précieux ! Qu'il conferve longtems, pour le
bonheur . Eglife ,un Pontife ft digne d’El-
Le ! Tels font, TRES-SAINT PÈRE , les
Vœux finceres de tous les véritables Chrétiens.
Ce font en particulier ceux d’un Ordre , que’
VOTRE SAINTETE honore toujours de fa bienveillance ; & [pécialement de celui qui a
l'honneur d'être avec le plus profondrefpett, .
TRÉS-SAINT PERE, DE VOTRE SAINTETÉ,
Le très-humble , & très-obéiffant
Serviteur,& Fils, F. ANTOINE
TouroN, de l'Ordre des FF. Prècheurs,s . |
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PRÉFACE.
| | E Titre de l'Ouvrage que nous préfen- LS GE] tons au Public, ne roit connoître m4 Lis partie le deflein que nous nous : I CSD fommes propofé de remplir , fi on le SEE nas, confidéroit précifément commelHif- | toire particuliére de l'Ordre de Saint Dominique , ou de fes plus illuftres Sujets. Il eft vrai qu’en nous renfermant même dans ce féul objet, nous aurions pü fournir à tous les Fidéles , qui refpeétent la Vertu & la Religion, de grands éxemples de la plus haute fainteté , du zéle le plus éclairé & le plus pur, de la patience , & de la fermeté la plus héroïque dans tou- tes fortes d'épreuves ; en un mot , des modéles parfaits de la Juftice Chrétienne. Mais en édifiant la piété du Lecteur , nous aurions fans doute moins piqué fa cd- riofité ; & trop atentifs à ce qui peut nous intérefler , -nous n’autions pas aflez profité de l’ocafion qui fe pré- {entoit fi naturellement , de lier l’Hiftoire de l'Eglife avec celle d’un Ordre Apoftolique , qui ; pendant plus de cinq fiécles, a glorieufement travaillé , & travaille encore à la Propagation de la Foi, à la défenfe ou à la confervation du facré Dépôt, à l'extinction des Schif- mes, & des Héréfies , au falut des ames , à l'édification
des Peuples. - | Tome 1 Ë
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CODES
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* Pierre de Ta- rantaile , depuis Pape. Latin Malabran- chc.
Hugues Aycelin.
_ Nicolas Bocafi-
ni, depuis Pape.
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L'intention du faint Fondateur... lorfqu’il conçut Îe. deffein de fon nouvel Inftitut , étoît de préparer par la Priére & par l'Etude , des Miniftres de l'Evangile , aflez inftruits pour en connoître toutes les Véritez & toutes les maximes ; aflez zélés pour les anoncer aux Domefti- ques de la Foi, & à fes'ennemis ; aflez intrépides pour ne pas craindre de les défendre avec courage , &. de les {céler de leur fang. Il prétendoit , cet Homme rempli de l'Efprit de Dieu, laiffer après lui des Succefleurs dans le faint Miniftére , &, des heritiers de fa piété , égale- ment capables d’inftruire & d’édifier les Fidéles, de prè- cher fans décuifement la Doctrine du: falut aux Grands & aux petits, de confoler & de fervir l'Eglife dans des tems dificiles ; & d’être comme la bouche de celui, qui, aflis fur la Chaire de Saint Pierre , fait entendre fes Oracles pär le riniftére de ceux qu’il honore de fa con. fiance ; & qu'il apelle , lorfqu’il lui plaît, à une partie de la folicitude Paftorale. Dans toute la fuite de l'Hif- toire , dom nous ne donnons à préfent que le premier Tome , il fera facile de remarquer tous ces caraétéres, - Sans oublier plufieurs fidéles Difciples de JEsus- CHRIST, que fa Grace a fantifiés dans le filence du Cloitre, nous avons particuliérement choifi ceux, qui, par la fupériorité de leurs talens , ont honoré les pre- miérés Dignitez de l’Eglife ; des Maîtres du Sacré Pa- jais , d’illuftres Prélats , de zélés Patriarches , des Légats Apoftoliques , de favans Cardihaux , plufieurs Doyens du Sacré Collége * | des grands Papes , & des Saints,
que l’Eglife révére. La part qu'ilsont eüë à prefque tou.
tes les importantes afaires qui fe font traitées de leur tems, foit dans les Conciles , ou à la Cour de Rome, fouvent même dans celles des Princes & des Rois, ne
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PREFACE.: . 4 nous permet pas feulement de parler de plufieurs grañds - Nicolas de Prato. événemens ; qui peuvent rendre la leëture de cet Ou- Po sas vrage fort intéreffante ; elle nous mec en quelque ma f fuccédiren im hiére dans la néceffité d'expliquer avec quelqu'étenduë , 1 digniréde Doyen ce qui fait le plus bel endroit de l'Hiftoire de nos Hom- ne ste mes illuftres , & une partie de celle de l’Eglife , ou de *** leur fiécle. - | | |
Tout ce que les Pontifes Romains les plus zélés pour la gloire de la Religion , ont fait, tantôt pour pacifñer les Peuples , & terminer par la voye des négociations les Guerres des Souverains ; tantôt pour effayer de réü- nir l'Eglife Greque avec la Latine , & faire rentrer dans le Bercail de Jesus-CHrisr, ceux, qu’un efprit de fchif- me & d'erreur en avoit féparés ; tantôt enfin pour apeller à la lumiére dela Foi les Juifs , les Mahomé- tans , les Idolâtres ; ou pour opofer les armes des Chré- tiens aux entreprifes de ces Infidéles , & arêter leurs progrès dans l'Orient , & dans le Septentrion : Tout | cela entre naturellement dans ñotre deflein : nous trou- vons par tout des Difciples dé faint Dominique , qui ont mérité d'être employés dans ces glorieufes entre prifes. E M M Oh SE 5
Il n’eft point de Royaume , ni prefque de Province dans le Monde Chrétien, qui ne nous fournifle plu- fieurs excélens Sujets, dont la doctrine & la fainteté ont été encore relevées par de grands talens ; & ces ta. Jens , ils ont fü les mêétre à profit pour la gloire de l'E- vangile , l'utilité des Fidéles , & l'honneur du Saint Sié- ge. Habiles Théologiens, ils ont confacré leurs veilles à la défenfe de la Religion, & de fes Dogmes. Hommes Apoftoliques'; ni la diférence des climats, des mœurs, & des Langues, ni les dangers les plus éminens , n'ont
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30 PREFACE. pû les empêcher d'aller prêcher la Gloire de JEsus - CHri1sT& fa Croix aux Genrils : le zéle qui les ani- moit , foutenu quelquefois par l'éclat des Miracles , a’ produit des fruits précieux , qui fubfiftent encore au Eglifc d'Arménie. milieu des Nations foumifes d’ailleurs à des Princes In- fidéles. Succeffeurs -enfin , & Imitateurs des Apôtres , après avoir anoncé avec beaucoup d'intrépidité les Vé- ritez évangéliques , & formé un Peuple nouveau , dans un Pays ennemi ,, ils ont généreufement donné leur vie one ar > pour leurs Brebis , & avec leurs Brebis , Martirs en mé- dé me-tems de la Foi & de la charité. Les deux derniers Patriarches orthodoxes d’Antioche & de Jérufalem , qui ont rempli leur Siége en Orient , font de ce nombre. On lira peut-être avec plaifir , & en mêine-tems avec fruit, l'Hiftoire édifiante de plufieurs Serviteurs de Dieu ; dont les uns s’étantélevés , par le feul mérite, de: NS de lobfcurité de leur naifflance aux poftes les plus écla- | tans., n'ont pas été moins modeftes, dans cette éléva- tion , que dans l’état de leur premiére fortune. On en trouvera d’autres , dont la noblefle & Les belles qualitez d'efprit & de cœur , faifoient déja l'efpérance de la Pa- trie , aufli-bien que les délices de leur illuftre Maïfon , lorfque touchés du feul défir de plaire à Dieu, & de fe revêtir de JEsus-CHRIsT , ils ont foulé aux piés toutes les Grandeurs du Siécle , & méprife fes olaifirs » pour
faire profeflion de la pauvreté, & de l'humilité chré- $. Raymond de
Pegrafore tienne dans la Maifon du Seigneur. Ceux-ci, après S. A 1 e e . ; . se € avoir long-tems médité, & pratiqué les maximes de
5 usdMe PEvangile , fe font contentés de les faire refpeëter des
Peuples, par le miniftére de la Parole, fins jamais con- fentir d'être élevés plus haut , quelque violence qu'on air voulu faire à leur modeftie, Ceux-là, par déférence
PRE FACE. ÿ aux ordres du premier Pafteur , ayant accepté des Di- gnitez Ecéfiaftiques , ont fait paroître par un zéle éga- lement fage , ardenc, défintéreflé, qu'ils étoient vérita- blement, felon l’expreflion de faint Paul , les Ambaffa- deurs deJEsus-CHRIST, les Anges de l'Eplife, les Peres & les Protecteurs des pauvres ; toujours atentifs à faire le bonheur des Peuples confiés à leurs foins, à
Aldobrandini,
Jean de Pole.
Jean - Jourdain Savelli, &c.
Les conduire dans l'innocence & dans la paix, àles nou-
rir du pain de la parole de Dieu , & à pourvoir à tous Jeurs befoins fpirituels & corporels.
Au refte, Ê ligieux , qui ont mérité d'être placés parmi les Princes de l'Eglife , nous avons auf le plaifir de pouvoir écrire
l'Hiftoire de plufieurs illuftres Prélats, qui, fans fe
laiffer ébloüir par l'éclat de leur Dignité , ont voulu fe revêtir de l’habit Religieux , & achever de fournir leur carriére dans les faints éxercices du Cloître. L'Efpagne ; l'Angleterre, notre France, nous en ont donné quel- ques-uns dans le treiziéme fiécle. Pierre de faint Aftier gouvernoit faintement l'Eglife de Périgueux depuis plus de trente ans, quand il embraffa l’Inftitut de faint Do- minique dans le Couvent de Limoges. Jean d'Orléans Chancelier de l'Eglife & de l’'Univerfité de Paris , ve- noit de recevoir fes Bulles pour le Siége Epifcopal de _ cette Capitale, lorfqu'’il alla fe renfermer pour le refte de fes jours dans la Maïfon de faint Jâques. Si te.celé- bre Mauclerck , Evêque de Carlile, avoit long-tems négligé fes devoirs les plus facrés, à la fuite de la Cour , & dans l'embarras des afaires féculiéres ; il édifia depuis l'Eglife , & tout le Royaume d'Angleterre , par la vie vraiment pénitente , qu'il mena dans le Couvent d'Ox- ford ; où , fidéle déformais à la Grace , il perfévéra juf- é iij
nous trouvons un grand nombre de Re-
] PREFACE,
u’à la mort fous l'habit, & dans les pratiques d'un par ie Religieux. Mais , ne prévenons point ce qui doit être dit, & prouvé en fon lieu.
Bien des Gens auroient fouhaité trouver de. fuite l'Hiftoire de nos Saints & Bienheureux ; puis celle des Papes, des Cardinaux , des Patriarches , & autres Pré. lats, chacun dans fa clafe, felon le rang qu'il a tenu dans l'Eglife. Rien n’étoit plus ailé que de remplir cette idée ; mais elle ne nous permétoit point de faire un
Corps d'Hiftoire fuivi ; & ces diférentes Piéces fans.
liaifon , & fans fuite, n’auroienc pas fait un total bien aflorti à notre deffein. Nous avons donc préféré l’ordre chronologique , fans métre aucune autre diférence en+ tre les Perfonages dont nous devions parler, que celle du tems auquel ils ont vécu.
Il n'eft pas néceffaire d'avertir , que notre intention n’eft pas de parler dans cet Ouvrage de tous les illuftres Enfans de faint Dominique , qui fe font aquis de la ré- putation par leurs Ecrits ; non plus que de tous les Eve. ques, ou Archevêques, dont le fouvenir nous doit être
récieux. Cela demanderoit un trop grand nombre de Volumes. D'ailleurs, le favant Pere Echard a déja rem- pli avec fuccès une partie de ce deflein : Et pour bien éxécuter l’autre , il faudroit avoir plus à propos le fe cours des Mémoires, dont nous manquons ou {ou vent. Nous ne pourrions trop nous plaindre fur ce fujet de l'extrême négligence , ou du peu de foin qu’on a eu
refque dans tous les fiécles de l'Ordre , de recueillir, & de tranfmétre à la Poftérité ce qui auroit fait hon- neur à de grands Hommes , qui en faifoient eux-mé- mes beaucoup à leur habit , & à leur profeflion. Nous n’en trouvons que crop , qui ne font aujourd'hui con.
PRE FACE. Vi] nus ; que par les Dignitez & les grands Emplois, dont ils ont été honorés , ou par les louanges que les Ana- Liftes , & quelquefois les Papes dans leurs Brefs, ont données que vertus. Comme on ne nous a.point inf- truits de leurs aétions, nous ne pouvons auffi les pla- cer parmi ceux, dont nous allons écrire l'Hiftoire.
Mais, en paflant ainfi fous filence les nôms de ces Prélats & de ces Auteurs Dominicains, nous fommes bien éloignés de vouloir groffir le nombre de nos Hom- mes illuftres |, en nous en atribuant certains autres , qu'on pourroit nous difputer avec quelque fondement. Et nous avons eu la même atention à ne point affurer que quelques-uns, dont nous parlerons, ayent été re- vêtus d’une Dignité , que d’habiles Critiques ne leur atribuent pas ; à moins que nous ne nous foyons trou- vés en état de montrer clairement l'erreur , ou la mé.
rife de ces Ecrivains. C’eft moins par le nombre, que par le mérite des Auteurs, ou par la valeur des preu- ves , que nous avons crû devoir nous décider furles faits conteltés. On pourroit, par éxemple, citer le témoi- gnage d'une foule d’Ecrivains modernes , Flamans, Ef pagnols , François , Italiens , qui prétendent que Tho- mas de Catimpré avoit été Evêque de Cambrai ; Guil- laume Perault , de Lyon ; & Vincent de Beauvais, de la Ville dont il portoit le nom. Depuis peu, il a paru à Rome une favante Differtation , pour prouver lÉpif- copat de ce dernier : mais , quoique nous eftimions l’'E- rudition de l'Auteur , & que nous ne puiffions mébpri- fer l'autorité de Martin Polonois , contemporain, qui met expreflément Vincent de Beauvais au nombre de nos Evêques , nous n'ofons nous déclarer pour cette opinion ; parce qu’elle nous paroïît combatuë par des
vi PREFACE. raifons , au moins aufli fortes que le font celles, dont on fe fert pour la foutenir. | . Quant au mérite , & aux qualitez de mes Héros, je ne penfe pas qu'on puiffe juftement m'acufer , ou d’a- voir trop enflé le Récit de leurs belles aétions, ou de leur avoir prêté gratuitement des vertus , & des fenti- mens, pour les faire paroître plus grands qu’ils n'étoient en éfet. Ennemi de la fiétion , & toujours ataché à cette Maxime, qu'il n'eft rien de beau ni de bon , que ce que eff vrai , je me fuis rendu d’abord très-atentif à ne ra- porter que ce que j'avois [ü , ou dans de bons Manuf: crits , ou dans des Auteurs aprouvés & dignes de foi. Plus ordinairement j'ai cité leurs paroles, & mis le Texte Latin au bas de la page. Céux qui prendront la peine de le confronter avec la Traduétion ; convien- dront aifément , que bien loin d’avoir étendu celle-ci au-delà du fens naturel des paroles, je les ai en quelque maniére afoiblies ; du moins cela eft arivé plus d’une fois. | | | Ces mêmes Citations nous difpenfent de faire con: noître d'avance les Auteurs qu'on a ordinairement pris pour Guides. Dans une longue fuite de Faits ,& d'Hif- toires fi diférentes, on ne peut pas fe flarer d’écrire tou- jours fur des Mémoires d’une égale autenticité , ou de ne rien avancer que fur le témoignage des Ecrivains contemporains. Mais parmi les Modernes , qu’on a con- fultés, & dont on s'eft fervi dans le befoin, on a toujours référé ceux , dont l’éxactitude eft plus généralement reconnue, & la réputation mieux établie dans le Public. Lorfque les Analiftes , ou les Hiftoriens de ce caraétére » Oderic Raynaid, lAbé Ughel, Sponde, Baluze, M. Fleu- si, Don Denis de fainte Marche , ou quelques - uns
CUX
| -. PRE FACE. 1x d'eux; ne s’acordent pas fur quelque point d’Hiftoire avec les Ecrivains de mon Ordre ; pour me ranger au fentiment de ceux-ci, j'ai voulu y être comme forcé par le poids , ou l'évidence des preuves : Et fi je n’en ai pô trouver de ce genre, je n'ai point fait dificulté de fuivre fans préjugé , ni diftinction , ce qui m'a paru le plus conforme à la vérité de l'Hiftoire. | Avec toutes ces précautions, s’il nous eft cependant arivé ( & il eft moralement impoflible qu'il n’arive quel- quefois } d'avancer quelques Faits , qui pourront paroi- tre douteux aux uns , & que d’autres peut-être préten- dront être faux ; nous aurons du moins nos garans : & fans craindre de mentir , nous pourrons rec , que nous n’avons rien préféré à l'amour , ou à l'intérêt de la vérité. C’eft toujours un malheur que de l’ignorer ; & c’eft un crime , ou un vice bien honteux , que d’ofer la trahir. Qu'on nous plaigne donc, fi nous fommes dans le premier cas ; mais, qu'on ne nous impute point le fecond. | Si les Savans daignent nous faire part de leurs lu- miéres, nous en profiterons avec aétion de grace : Et la fuite de l'Ouvrage , que nous écrivons , nous per- métra de corriger , ou de perfectionner dans les Tomes poltérieurs, ce js aura paru moins correét dans les remiers. Que fi on ne prend la plume que pour avoir L plaifir de cenfurer , & de contredire , nous ne difpu- terons point avec de tels Ecrivains. Qu'ils goûrent tran- uilement tout le plaifir dont ils auront voulu joüir ; on s'épargnera volontiers la peine de le tioubler ; non par un dédaigneux mépris ; mais parce qu'on a quelque chofe de mieux à faire , & qu’on fouhaite furtout d’é- virer Les difputes inutiles, qui n'édifient pas ordinaire-
FF
Tome I. | Î
L° PREFACE. ment le Public, & qui font perdre toujours bien da tems à ceux qui veulent nu 35 à tout.
Nous nous fommes trouvés quelquefois dans une ef-
ce de néceflité , de faire remarquer les méprifes, ou
L diftractionsde quelques Auteurs, d'ailleurs célébres, & juftement eftimés. C’eft une ocafion qu'on n’a point recherchée , & qu'on n'a pas dû négliger , quand elle s’eft préfentée naturellement. Mais f1 nous n'avons pü, ni adoprer ag at les fentimens de ces Savans; ni nous empêcher de relever quelques défauts de leur cri. tique , puifque nous y étions engagés par notre fujet ; nous ne croyons point d'avoir jamais oublié ce qui eft dû à leurs talens , à leur religion , & aux fervices qu'ils ont rendus à l’Eglife, ou à la République des Lettres.
Ce n'eft qu'avec ces juftes ménagemens , que nous avons combatu quelques opinions du célébre M. Bail- let , & de M. l'Abé Houteville. Ce dernier ; en parlant de Raymond-Martin , & d’un de fes Ouvrages , qui a mérité l'admiration des Savans , & les éloges de plu- fieurs grands Evêques de l'Eglife de France ; s'eft ex- pliqué d'une maniére à nous perfuader, qu'il n’avoit
aucune connoiffance diftinéte, ni de l’Auteur , ni de.
l'Ouvrage, dont il vouloit donner une idée. Et le pre- mier, non content de méprifer fouverainément & fans diftinétion tous les Ecrits de Jâques de Oragine ; a VOU- lu encore ataquer les mœurs & la probité de cet illuftre Archevêque de Genes. Nous ferons voir que l’Ecrivain moderne s’eft trop avancé ; qu’il a abufé des paroles de Melchior-Cano , & qu’il n’a point profité du fage aver- tiffement de cet Auteur Efpagnol, qui nous permet à la vérité un peu plus de liberté dans la critique des Ecrits, ou des fentimens ; mais qui demande en même.
PRE FACE. xj tems une extrême retenuë, & la plus grande circonf- peétion , lorfqu’il s’agit des mœurs , foit qu'on parle des vivans , ou que la difpute regarde ceux qui méritent d'autant plus de ménagement , qu'ils font hors d'état de fe défendre eux - mêmes. Les paroles du judicieux Melchior-Cano , que M. Baillet avoit peut-être fous les yeux, & que nous raportons ici, mériteroient d'être gravées en caraétére d'or : Nominibus parco , quoniam ,,P* Lei Toto: hujus loci judicium , morum etiam eft, & non erudirio- nus tartüm , in qu& liberior poteft effe cenfura. Nam quæ morum ef? , hæc debet profectd effe & in vivos cau. or , in mortuos reverentior.
#j TABLE DES NOMS DES SAINTS TABLE
Des Noms des Saints, & des Hommes Illuffres, dont PHif-
tozre ef£ contenue dans ce Volume.
LIVRE PREMIER
I. Ç AIT RAYMOND DE PEGNAFORT, Pénitencier du Pape Grégoi-
relX , Ille. Général de l'Ordre des Freres Prècheurs, page 1
II. SAINT PIERRE GonçALez , apellé communément S.Teäne , Confef- {eur du Roi de Caftille Ferdinand 1IL, furnommé le Saint ; 49 III. SAINT GONÇALEZ D'AMARANTHE ; GX 1V. La BIENHEUREUX GILLES DE SAINTE-IRENE 76
LIVRE SECOND.
V. JEAN LE TEurHonIQuE, Evèque de Bofnie, Lègat du Pape, depuis IVe. Général de l'Ordre des Freres Prècheurs , 2$ VI. GauriEeR MAUcLERcCK , ancien Evèque de Carlike , Grand Tréfo- rier d’Angleterre, depuis Religieux de $. Dominique dansle Couvent
d'Oxford, 127 VII. Jaques De Prarsance , Evêque de Vintimille , 133 VII. Davin MAkzzi5, Archevêèque de Cashel, enIrlande, 136
IX. Jean De S. Gizes, Médecin ordinaire de Philippe-Augufte, en- fuite célébre Théologien dans l'Univerfté de Paris, & fameux Prédi- cateur dans l'Ordre de S. Dominique, ï 138
X. ANsELzME, dit AscELIN, Nonce du Pape chez les Tartares, 145$
XI. Anoke” DE LonrumeAu, Envoyé de S. Louis , & Nonce Apofto- lique , 157
XIL ConsTAnTIN DE Mepicis, Evèque d'Orviette , & Légat du Pape Aléxandre IV auprès de l'Empereur des Grecs, 166
XIII Jaques Boncamgio , Evèque de Bologne en Lombardie , Légar Apoftolique en Angleterre ; 173
XIV. Roczr Ds LronTiNo, Evèque de Melfi, Légat du Pape dans le
Royaume de Sicile , | | 176 XV. GuiLLAUMs PERAULT, célébre Docteur de Paris, 182 XVI. VINCENT Da BEAUVAIS. 186
LIVRE TROISITEME. XVIL Hucuss DE S. Cuer ; Nonce Apoltolique en Orient, depuis
ET DES HOMMES ILLUSTRES, &c. x}
Cardinal Prètre du Titre defainte Sabine , 200 XVIII, Henri: Poronois , Evèque de Culme , & Légat du S. Sikge , 140 XIX. THoMmaAs DE CATIMPRE, 255 XX. ANNIBAL ÂNNIBALDI DE MoLARIA , Cardinal Prêtre, du Titre
des douze Apôtres , | 262 XXI. Jaques CRrescenTI, ou ps CREscENs , Noble Romain, illuftre
Prédicateur de la Foi dans le Nord, ° 270 XXII. TnomaAs p2 BERTHA , Evèque de Sienne, | 28 XXII. GuizzAuMs De Tripoutr , célébre Prédicateur de la Foi dans
l'Orient, & Nonce du Pape, | 288 XXIV. Gzorror be BEAULIEU , Confefleur de S. Louis ;
* GUILLAUME DE CHARTRES , Chapelain du mème Roi, Ÿ292 XXV, PIERRE D= S. Astier , ancien Evéque de Périgueux, 303
XXVI. Rainer , Vice - Chancelier de l’Eglife Romaine, Evêque de Maguclone , | | ( RAINIER DE PLAISANCE, | | 310 RAINIER DE PISE, | | XXVIL HumssrT ps Romans, VC. Général de l'Ordre des Freres Pr#- cheurs, | 310
LIVRE QUATRIEME.
XXVIIL. Innocent V, Pape, | 344 ‘XXIX. ANDRE’D'ALBALATE , Evèque de Valence en Efpagne, Chan- celier du Roi d'Aragon , & fon Ambafladeur auprès du $. Siége, 367
_ XXX. Martin Pozonois, Pénitencier du Pape, Archevèque de Gnef- _ ne; & Primat de Pologne, | | 374 XXXI. AzpoBRANDIN , Evèque d’Orviete, & Vicaire du Pape Gré- goire X dans l'Etat de l'Eglife , 380 XXXIL MoraAnpi DE SiGn1A , Evèque de Cagli, & de Fano, 393 XXXIII. RossrTt Kirouarsi, Archevêque de Cantorbery, Prima d'Angleterre, depuis Cardinal Evèque de Porto, 397 XXXIV. Gui ps Suizry , Archevèque de Bourges , Patriarche, Pri- mat d'Aquitaine , . 405$ XXXV. GuiLLAUME pe Morseca , Chapclain , Pénitencier du Pape, depuis Archevèque de Corinthe , 410 XXXVI. Rocer CarcAcnr, Evèque de Caftroen Italie, 413 XXXVII. JEAN De DERLINGTON , Confeffeur du Roi d'Angleterre
Henri III, Ambaffadeur d’EdouardI , & Archevèque de Dublin > 41S XXXVIII. JEAN DE VERCEIL, VIe. Général de l'Ordre des. Dominique , . Légat du S. Siége, 418 LIVRE CINQUIEME. XXXIX. SAINT AMBROISE DE SIENNE, _.L_ 441 XL. Gui DE LA Tour pu PrN, Evèque de Clermont, … 474
XLI. PIERRE, & FRANÇOIS DB CENDRA 3. | — PAUL CHRISTIANI, 480 & RAYMoND-MARTIN , | x
£ iij
xjy, TABLE DES NOMS DES SAINTS XLII. ARNAUD DE S5GARRA , Confefleur du Roi d'Aragon Dom Jä- uesi, | oO XLIIT. JzAn CoLonn® , illuftre Romain , Archevèque de Mefine, de Légat du Pape; Jean D» Poe, Archevèque de Pife , enfuite de Nicofie , Capi- tale de Cypre, 2 XLIV. PArsRoNI, Evèque de Foligni, & de Spolete, s18 XLV. JEAN II, Archevèque d'Upfal en Suede, $2z XLVI. BARTHELEMY VARELLI DE LEONTINO, Evêque de Li- ari : son ps LeonriNo, Evèque de Siracufe, Ambaffadeur du ( 5?5 Roi de Sicile à la Cour d'Aragon, XLVII. Nicozas De HANArS, Patriarche de Jérufalem, & Légat du Saint Siégeen Orient, $29
LIVRE SIXTITE ME.
XLVIIL LarTiN MALABRANCHE pes URSsINs , Cardinal Evêque d'Of- tie, Doyen du Sacré Collège, & Légat Apoftolique, | $42 XLIX. RAyMonD DE MeviLzron, Archevèque d'Embrun, 560 L. Boniface De Fiesqui , Archevèque de Ravenne , Légat Apofto- lique en Italie & en France, 67 LI. Hucues Avcezin D8 BiLLON ; Cardinal Evêque d'Oftie , & de Vele- try ; Doyen du Sacré Collège , | 573 LIT. Jaques DE VorAGINs., Nonce du Pape , & Archevèque de Genes ;, | s33 LIII. GuizzAuMe Ds HoTun, Archevêque de Dublin, Médiateur de ‘la Paix entre lesRois de France & d'Angleterre » Ambaffadeur à la Cour
$09
de Rome, 603
LIV. Muxio De ZAMoORA , VIIe. Général de l'Ordre des Freres Prè-
cheurs, Evèque de Palence, 609
LV. SAINT JAQUES DE MEVANIA » 619 LVI. Hucozin, Evêque de Rimini ; é
: A. AI
Rossar, Evèque de Bergame, F |
LVII. JeAN-Jourpain SAVELLI, Evèque de Padoue, transféré à l’Evêché de Bologne ; | 6a 6 Genrii Des Ursins , Evèque de Catane , Légat Apoñtolique,
mort Archevèque d’Acerenza , | LVIIIL. Roporrus, ou RAoOUL DB GRANVILLE ;, Patriarche Titulaire
de Jérufalem , 652 LIVRE SEPTIEME.
LIX. Le BisnHeureux PArE Benoît XI, 6$$ | LIVRE HUITIEME. | LX, NicozAs AusERTIN , dit ps PRATO ; Cardinal Evéque d'Ofie,
ET DES HOMMES ILLUSTRES, &c. x
* Doyen du Sacré Collège , Légat Apoltolique, 70$ LXI. GuiLLAUME DE MACLESFELD ; & Gautier de OUÏNTERBON, Cardinaux Prêtres , du Titre de Var Sainte Sabine,
LXIT. JEAN D'ORLEANS, Ou DE L’ALLEU, Chanoïne & Chancelier de l'Eglife de Paris, nommé au Siége Epifcopal de certe Capitale, 733 LXII. Dierner DE Nassau, Légat du Pape, & Archevèque Eleéteur de Treves, 737 LXIV. Guyzaums ps Moncans , Evèque d'Urgel , Légat Apolto- * lique, | 741 LXV. THoMAs DE Jorz, Confefleur du Roi d'Angleterre, fon Am- ‘ baffadeur auprès du Pape Clément V, Cardinal , & Légat Apofto- lique , ° 74$ LXVL RAyMonp pu Pont, Evèque de Valence en Éfpagne , & Chan- celier du Roi d'Aragon, 754 LXVII Ricarp, ou Ricocp: pe Mont-Croix, Auteur & Miflion- naire célébre en Orient , 759 LXVIITL Le BIENHEUREUX JAQUES SALOMON, 763 LXIX. FRANco De PEROUSE, célébre Miflionnaire en Orient, & Pre- *_ mier Archevèque de Sultanie enPerfe, & Fondateur de cette Eglife, 775$
Fin de la Table des Noms, &c.
APROBATION du R. P. Général de l'Ordre des FF. Précheurs.
Os Frater Thomas Ripoll, Sacræ Theologiz Profeflor , ac totius N Ordinis Fratrum Prædicatorum Magifter Generalis, & Servus. Tenore præfentium , noftrique auétoritate Oficii , poteftatem facimus R. P. Antonio Touron, Sacræ Theologiæ Profeflori, Alumno Tolofanx noftræ Provinciæ, rypis mandandi , Opus quod Gallico idiomate edidit, cuique Titulus: Hiffoire des Hommes Illuffres de l'Ordre des FF. Précheurs , qui ont fleuri , en fainteté, Gen Doitrine, ou qui fe font diflingués par leurs talens, € leurs Emplois , depuis la mort du faint Fondateur, jufqu'au Pontificat de Benoît XIII : modo priüs Cenforio judicio fuerit approbatus à duobus Sacræ Theologiæ Profeloribus Ordinis noftri , reatlque ceteris de jure fervandis. ‘In nomine Patris, & Filii, & Spiritus Sani : Amen. In quo- rum fidem his Officii noftri figillo munitis fubfcripfimus , Romæ in Con- ventu noftro Sanctæ Mariæ fupra Minervam die 30 Septembris 1740.
F. THoMAs Rirorz , Magifter Ordinis. Regiftr. pag. 257, F. Antoninus BREMOND ,
S. Th. Magifter , Theologus Collegii Cafà- natenfs, & Pro-focius.
æv] |
APROBATION des Théologiens de l'Ordre.
‘Histoire des Hommes Illuftres, que l'Ordre de S. Dominique n’a
ceffé depuis plus de cinq fiécles de Ft à l'Eglife, & à la Républi- que des Lettres , préfente une matiére fi riche & fi intéreffante ; & ce vafte & grand deffein , dans le premier Tome, que nous avons ü & éxaminé avec toute l’atention pofhble , eft traité avec tant de choix & de goût, d'éxactitude & de jufteffe , d'ordre & de netteté, que nous ne pouvons rendre un témoignage trop ce es à un fibon & fi impor@nt Ouvrage. Nous yavons partout reconnu le favant & habile Hiftorien , dont la Vie de Saint Thomas d'Aquin , fi généralement eftimée , a été le premier effai, & de quile Public a enfuie aufli favorablement reçu la Vie de Saint Do- minique , & de fes premiers Difciples , dont cet Ouvrage eft La continua- tion & la fuite. Le mérite déja connu de l’Auteur , & fon talent pour l'Hif- toire , fe montrent d'autant plus dans celui-ci , que fon fujet étant plus vaite , plus étendu, & plus varié, il fournit plus avantageufement à fes favantes & utiles Recherches, à fa fage & dieute Critique, à {es juftes & folides Réfléxions , répandues partout l’Ouvrage, &c qui en relévent le prix & le mérite. Toujours apliqué à faifir le vrai de fes Sujets, le R. P. Touron nous rend avec une jufteffe admirable , les vrais caraëtéres des Hommes illuftres , dontil nous donne l'Hiftoire. Toujours atentif à em- bélir fes Ouvrages, & les rendre plus intéreffans , 1l a partout un foin mer- veilleux de lier l’'Hiftoire de tous ces Grands Hommes , avec celle de l'E- glife & de leur fiécle : toujours foigneux d’aprofondir les Sujets , & de s’aflurer de la vérité des faits, fon EE Ande fe montre partout dans cet Ouvrage, & n’y laiffe apercevoir rien de négligé. Toujours rempli de l'efprir des Saints, dont il nous décrit les Vies, & animé du mème zéle, il ne laiffe rien échaper de tout ce que fon fujer lui fournit , pour inftruire & édifierles Lecteurs , & les conduire à l’imitation des grandes vertus qu'il leur repréfente. C'eft le témoignage que nous rendons avec plaifir à cet excélent Ouvrage , dans lequel nous n'avons d’ailleurs rien trouvé que de très-conforme aux régles de la Foi & des mœurs, & aux plus folides ma- ximes de La piété chrétiénne. Fait à Paris ce 19 Août 1742.
F. Jean-AnDre’ VAssAL, Profefleur en Théologie de l'Ordre des FF. Prècheurs. F. Bernaro Monrreiier , Profefleur en Théo- logie de l'Ordre des FF. Précheurs.
APROBATION de Monfiew DE LORME , Doëteur & Profeffeur de Sorbonne , & Cenfeur Royal des Livres.
Ar là par ordre de Monfeigneur le Chancelier un Manufcrit intitulé : À AHifloire des Hommes Illufires , qui fe font le plus diflingués dans l'Ordre de $, Dominique. En Sorbonne le 6 Février 1742. | a DE LORME.
HISTOIRE
HISTOIRE
DES | |
HOMMES ILLUSTRES DE L'ORDRE D E
SAINT DOMINIQUE.
LIVRE PREMIER.
SAINT RAYMOND DE PEGNAFORT, IIIe GENERAL DES FF. PRECHEURS.
Sr PRÉS avoir écrit la Vie de S, Dominique de FANS EI Guzman, & l’Hiftoire abrégée de fes premiers GE] Difciples , nous ne pouvions plus heureufement a] continuer à faire connoitre les grands Perfonna- * ges , qui ont hérité de leur efprit , & imité leurs vertus , qu'en mettant d'abord à leur tête, l'illuftre RAYMOND DE de Nous garderons l’ordre des tems. Et le fim- ome. L.
S.RAYMoND. SERRES
LIVRE
S.RAYMoN. D
* Vide aûa Sand.
T. I. p. 404. &c. I. … Naiffance du Saint : nobleffe de fes parens, :
Û
Table critique du mois de Janvicr.
II. Ses progrès dans J'écude,
Ap. Rolland. p. 408. not, «
* Lean. Alb. ap. Boil. ut fp. p,. 405.
2 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
ple récit des faits fufira,pour faire admirer * l'éminente fainte- té du Serviteur de Dieu , fa doétrine, fes écrits, fes talens, les fervices enfin qu’il a rendus, non-feulement à fon Ordre, & aux écoles Catholiques , mais encore aux Royaumes d'Ef- pagne , au faint Siège, & à toute l'Eglife.
aymond nâquit l'an 117$ dans le aies de Pegnafort (1) en Catalogne. Fa parens , Seineurs de ce lieu , étoient if- fus des anciens Comtes de Barcelonne , & alliés aux Rois so en (2). La piété & l'honneur les rendirent ésalement atentifs à | au jeune Raymond une éducation digne
-de”fa”naiffance , & conforme aux heureufes inclinations ,
qu'on sc Cr déja en lui dès fes plus tendres années. Quoique ‘hiftoire de fa vie, dont nous avons un excé- lent abrégé dans la Bulle de fa Canonifation , ait été écrite fur des mémoires originaux , felon la remarque de M. Baillet; nous 1gnorons aujourd'hui les noms de fon pere, & de fa me- re , aufli-bien que le jour de fa naïffance : on ne pourroit mêé- me en marquer éxaétement l’année , fi tous les Ecrivains , an- ciens & modernes , qui mettent fa mort au mois de Janvier 127ç, ne s’acordoient à dire qu'il avoit ateint la centiéme année de fa vie. Mais c'eft moins par cette longue fuite de jours , que par une atention toujours perfévérante à les rem- plir utilement pour la gloire de Dieu, & le fervice du pro- chain, que notre Saint a rendu fon nom célébre , & fa mé- moire prétieufe à la poftérité. : | | Sa premiere jeuncffe fut confacrée aux éxercices de la pié- té Chrétienne, & fes études découvrirent bien-tôt la beau- té de fon efprit. Génie heureux , folide , élevé, pénétrant ; fes progrès PR les fciences furent fi 7 , que dès l'âge
de vingt ans commença à faire des leçons publiques de
Philofophie dans Barcelonne ; &1l les faifoit gratuitement. Moins ocupé dès- lors à former l’efprit que le cœur de fes difciples, en leur expliquant les fubtilitez de l'école , 1l tra- vailloit avec une attention particuliere à les inftruire des
(1) Ce château, poffédé dans le quinzic- me fiécle par Matin Efpunius , fut donné par ce Seigneur , du confentement de Ma- dame Asnés Alemen fa femme,a l'Ordre de S. Dominique, qui y a fait batir un Cou- vent. Maiven. in Annalib. p. 401.
* Raymundus de Pennaforti Catalanus originem retulit in Aragonum Reges.
(2) Raymond V. Comte de Barcelonne,
ayant époufé l'an 1137 l'Infante Petronille, fille unique de Don Ramire I, Roi d'Ara- gon; ce Comté eft depuis demeuré uni à la Couronne, l'un & l’autre étant poffédés par les décendans de Don Raymond, qui mon- ta fur le trone du vivant même de Ramirc , fon beau-pere. Voyez Marians , hifi. d'Ef- pagne, Liv. X, p. 515. &c. |
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 3
maximes de JESUS-CHRIST , & à les faire vivre felon les pré- ceptes de l'Evangile. Cette éxaéte probité dans un jeune Bei gneur , & fon inclination naturelle à faire du bien à tous , lui concilierent l'amour de fes concitoyens, & leur confiance. Raymond en fçut bien profiter dans l’ocafion , mais toujours
our leur avantage : c'eft-à-dire, pour réunir les efprits divi- Es , & terminer leurs diférends.
Après avoir fait comme l’effay de fes talens, & rendu fes premiers fervices à la Patrie ; le défir de fe perfeétionner lui- même dans les fciences , le porta à reprendre le rang de dif: ciple, & à aller chercher ailleurs les plus habiles maîtres. Perfuade qu'il en trouveroit felon fes défirs dans la célébre Univerfité de Bologne, il fe rendit en Lombardie âgé de
rès de trente ans. On voit dans les Archives de l'Eglife de tar gs un Traité d’'acommodement , fait l’an 1204 entre deux Chanoines, par la médiation de Maitre Raymond de Pegnafort. Ce ne fut donc qu'après cette année, dit Thomas Malvenda , que le Serviteur de Dieu entreprit fon voyage d'Italie. Il étoit acompagné d’un vertueux Ecléfiaftique , nommé Pierre Ruber, qui embraffa depuis l’Inftitut des FF, Prêcheurs, où 1l vêcut dans une grande réputation de fain- teté. Pendant leur voyage, ils aprirent que Dieu venoit de faire éclater fa miféricorde dans la Chapelle de Notre-Dame de Balbeza , en faveur d’un jeune homme, à qui fes enne- mis avoient coupé les mains & arraché les yeux ; mais qui avoit êté miraculeufement rétabli dans fon premier état, après avoir imploré avec beaucoup d’humilité & de con- fiance , la proteétion de la très-Sainte Vierge.
$. Raymond , qui écrivoit cette circonftance de fon voya- ge plus de foixante ans après, aflure qu'il avoit lui-même atentivement éxaminé ce jeune homme, & apris de fa bou- che, de même que par le témoignage de sr io autres , la vérité d'une merveille, qui Ft beaucoup de bruit dans le pais. Les amis de Dieu, toujours atentifs à fa voix & à fes œuvres , mettent tout à profit pour leur perfeëtion ; & il ne faut pas douter que cette outils preuve de la puiffante pro- teétion de la Mere de Dieu , n’ait beaucoup fervi à augmen- ter dans le cœur de notre Saint, une dévotion , qu'il avoit fucée prefque avec le lait.
Dans les Ecoles de Bologne , Raymond fuivit toujours le
plan qu'il s'étoit fait dès le commencement de fes études, A ï
LIVRE I.
S.RAYMOND. D à
0
HIT. Il va en Italie,
Ap. Bollaud. ibid. ot. 6.
IV. fl étudic {es Loix.
4 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE Continuant à artager fon tems entre la priere & la leéture, L. fans négliger u œuvres de charité envers le prochain, il S.RAymonr. devenoit tous les jours plus fçavant , plus humble, plus in- = térieur. La vivacité de fon Fe , & une férieufe 2. FAR à l'étude des Loix, particuliérement des faints Canons , lui procurerent en peu d'années l'honneur, non-feulement de pafler Doëteur en l'un & l'autre Droit, mais aufli de rem- plir une chaire de Profeffeur dans la même Univerfité. Il en avoit été l'admiration dans fes difputes , il en fut l'oracle dès sg commença à répandre les lumières qu'il y avoit pui- ées. Et le même défintéreflement qu’il avoit montré, lorf- y. qu'il enfeignoit les Arts libéraux à Barcelonne , il le fit LÉ Enfcigne fe Droit roître en expliquant la fcience des Canons en Italie. Le Sé- Canon dans l'Uni- at cependant, foit pour marquer fa fatisfaétion ou fa re-
verfité de Bologne, à | NN: ’ connoiffance , foit peut-être dans l’efpérance de s’atacher plus fortement un Doëéteur de ce mérite , voulut lui affigner des apointemens fur les deniers publics. Raymond n'avoit pas befoin de ce fecours : il l’'accepta néanmoins , mais pour en faire la diftribution aux pauvres , après en: avoir donné ps "seinan Ja dime à fon Curé. Conduite , dit le célébre François Penna, | que l’homme de Dieu obferva toujours, d'autant plus fcrupu- leufement, qu'il la regardoit moins comme un confeil de per- feétion , que comme un aéte de juftice , & un devoir de re-
higion.
Les talens & les vertus du pieux Doëteur le faifoient con- fidérer comme un des plus beaux ornemens de cette famews fe Ecole ; & fa réputation s’étoit déja répandue dans les pais éloignés , lorfque l'Evêque de Barcelonne , Berenger qua- triéme du nom , revenant de Rome, pañla par Dolonne tas 1210. Le deffein du Prélat étoit d'obtenir u S. Dominique
aussi de fes difciples , & de folliciter Raymond de Pooalort à retourner avec lui en Catalogne. Les obftacles
u'il trouva d’abord à l’éxécution de fes projets , ne purent
le rebuter. Il redoubla fes | ré & fes inftances. Le faint
Patriarche , à qui la Providence envoyoit tous les jours de
VI. nouveaux Sujets , fut bientôt en état de le fatisfaire. Mais le L'Evêque de Bar- Profefleur , déja acoütumé à fanuiñer fon travail par la Fo Raymond Charité, ne _— guéres difpofe à quitter un pais , où il en Catalogne. travailloit fi utilement. Pour l'ataquer par un endroit qui ne pouvoit que lui être fenfible, l'Evêque lui repréfenta vi-
vement les befoins de l'Eglife de Barcelonne, l’oblisation
ne ne Pt um,
\
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. ;
“particuliere où 1l étoit de ne ” fe refufer à fa Patrie, & le
danger qu'il devoit craindre de s'écarter de la voye de Dieu, en ne fuivant que fa propre volonté. Enfin il lui fit apréhen- der l'éclat même de cette réputation, qui lui atiroit de fi grands aplaudiflemens ; & qui ne pere manquer de mul- tiplier toujours fes ocupations, s’il vouloit répondre à une infinité de perfonnes , qui le confultoient de toutes parts.
L'âge, le mérite , le zèle du pieux Prélat , fon caraftere , & la juftice de la caufe qu'il plaïidoit ; tout cela donnoit un nouveau poids à la force de È raifons. Ce qu'il défiroit avec tant d'ardeur , il l’obtint ; S. Raymond fe mit à fa fuite au
rand regret de l’Univerfité & du Sénat de Bologne, qui e félicitoient déja de ce tréfor , comme d’un bien qui leur eut été propre. Quelques Auteurs ont cru que le Pape Honoré IT avoit ajoûté 2 commandement aux vives inftan- ces de l'Evêque de Barcelonne , pour obliger le Serviteur de Dieu de fe rendre incefflanment en-Efpagne , & de prendre foin de l'éducation du jeune Roi d'Aragon, Jâques premier, ainfi qu'il avoit été reglé, difent-ils, dans l’Affemblée des Etats tenus à Lérida.
Ce ne fut pas cependant à l'inftru@ion de ce Prince, mais au fervice des Autels, que Raymond voulut d’abord s’apli- quer. Pourvü d'un Canonicat, & bien-tôt après d’une Di gnité dans l'Eglife de Barcelonne , il fe rendit le modéle des faints Miniftres par l'innocence de fa vie, fa régularité, & fon éxaditude à tous les Ofices. De nouveaux revenus le . mirent en état d'augmenter fes libéralitez envers les pauvres, qu'il apelloit fes créanciers. Et le zéle de la maifon de Dieu, qui le dévoroit , lui faifoit faifir toutes les ocafions, pour pro- curer que le Service divin fe fit avec plus de décence , & de majefté. La Fête de l’'Annonciation étoit alors fort négligée
dans les Eglifes d'Efpagne : celle de Barcelonne fe trouvoit de ce nombre. Mais par {es pieufes importunitez,le faént Cha-
noine obtint enfin de l'Evêque & du Chapitre,qu’on célébre- roit déformais cette sn Fête avec un Ofice folemnel. Une partie de fes revenus fut confacrée à cette fondation , & au profit des Chanoines de la Cathedrale , qui devoient don- ner l'éxemple à tous les Ecléfiaftiques du Diocèfe. |
Toujours prêt à partager fon bien avec l'indigent, & à communiquer fes lumieres à tous ceux qui venoient le con- fulter, Raymond de Pegnafort ne fe refufoit : perfonne ,
u]
LIVRE I.
S.RAYMOND. D à
VII. Retour du Saint en Efpagne,
Ap. Boll. p. 408, nor. f.
VIII. Chanoine, & Ar- chidiacre , il fait célébrer avec fo- lemnité la Fére de l'Annonciation.
LIVRE
S. RAYMOND.
IX. S. Raymond en- tre dans l'Ordre des FF. Prècheurs.
6 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
& il fe faifoit aimer de tous. Son nom étoit connu, & fon mérite généralement refpeété des grands & des petits. Sa ten- dre piété ; fa modeftie éxemplaire , & une charité fans bor- nes , avoient fait impreflion fur les efprits & fur les cœurs. L'éclat de fes vertus contribua plus à la réforme du Chapitre,
ue toute l'autorité dont il avoit été revêtu par fon Evêque. Mais le défir de mener une vie plus parfaite , plus pénitente, & moins expofée aux yeux des pe , dont il craignoit les loüanges , le porta à vouloir changer d'état. Profeffeur à Bo- logne, il avoit été témoin des grandes vertus de S. Domini- que, & des miracles que Dieu x se par fon miniftere. Il voyoit alors avec le même plaifir la vie toute angelique de fes premiers Difciples , établis depuis peu à Barcelonne. Comme s’il eût entendu la voix de Dieu, qui l’apelloit à la retraite, pour le préparer à l'Apoftolat, 1l réfolut de fe rendre l’imi- tateur , & le frere de ceux qu'il ne pouvoit s'empêcher d’ad-
_mirer. Il demanda avec humilité l’habit de Religieux ; &1l
Vide acta San, p. 409, Not. 4
le reçut un Vendredy Saint , premier jour d'Avril, l'an 1222, huit mois après la mort du faint Fondateur.
Quelques Hiftoriens Efpagnols , fuivis par le Pere Alexan- dre , ont mis cette retraite en l’année 1218 ; mais le témoi- gnage & l'autorité des plus anciens Auteurs , Ki e du voyage de l’'Evêque Berenger en Italie , & celle de la Fonda- tion qu’avoit faite S. Raymond dans le Chapitre de Barce- lonne , prouvent bien clairement que ces Ecrivains moder- nes fe font trompés en cette ocafion. Je ne fçai s’il n’en faut point dire autant de ceux, qui, après Pierre de la Palu , aflu- rent que Raymond de Pepnafort à détourné un de fes jeunes parens du deffein de fe confacrer à Dieu dans l'Or- dre ee des FF. Prêcheurs, 1l en conçut depuis un fen- fible regret ; & que ce fut pour 7. cette faute , qu'il vou- lut fe mettre lui-même à la place de ce jeune homme. Le fça- vant Frænçois Penna, employé fous Clement VIIT, au pro- cès de la Canonifation dé’"notre Saint, dont il a écrit l'hioi. re fur de bons mémoires , remarque que les Ecrivains les plus anciens , & les plus éxa@s , n’ont jamais parlé de ce fait (1). Aufñli le rejette-til comme abfolument fupofé.
(1) Miramurunde hoc haurire potuerint, | tantes fais copiofos evolvimus, nec um- cüm nos, qui plurima antiquitatis monu- | bram hujufmodi caufx reperire poruimus, menta perlegimus ; & proceflus ad vitam, | Fran. Pennain noirs 14 Cap. IV. Vite Sanct, mores, & miracula Bcati Raymundi fpec- | Raym. p. 10. Vide Bullar.ord. T. V.p. 590.
mnt Ce eg = ee ne RS ERRRr =
7 -DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 7 Ce qu'il y a de certain, c’eft que l’éxemple d'un Doéteur déja fi célébre, ne fut pas fans conféquence. Il atira dans le Cloitre plufieurs a. 3 péciise 2 , encore moins diftin- ués par leurs scheité, que par leur naïffance , & leur do- LM, De ce nombre furent Pierre Ruber , dont nous avons déja parlé, Don Raymond de Rofannes , Chantre de l'E- glife de Barcelonne ; & quelques autres pieux Ecléfafti- ues , dont la vocation & les talens donnerent un nouveau luftre à l'Ordre de Saint Dominique dans toute la Catalogne. Rien cependant n’édifioit davantage que la profonde humili- té , & la fimplicité vraiment Fo 3h nouveau Reli- gieux : Il étoit dans fa quarante-feptiéme année ; 8 jamais on ne le vit ni moins foumis que le plus jeune des Novices, ni moins ardent à embraffer tous fes moyens de s'avancer dans la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Ce nouvel état de vie fut pour lui un renouvellement de ferveur , & une école de perfettiori. | Pour a rendre femblable au grand modéle de tous les faints , en imitant l'humilité & l’obéiffance de l’homme-Dieu , il voulut dépendre en toutes chofes des lumiéres d'un Di- reéteur. Et ce fut fur la plus parfaite abnégation de lui- même , qu'il établit le fondement de cette haute fainte- té , qui faifoit l’objet de fes vœux. Les graces qu'il recevoit dans l’éxercice de l’oraifon, augmenterent toujours en lui le défir de fe mortifier, & de fe rendre utile au prochain. Les Supérieurs profiterent fagement de ces difpoñitions , pour faire valoir Ës talens. Îl avoit demandé qu'on lui impofät une févere pénitence, pour expier , difoit-il , les vaines complai- fances qu’il avoit eüés en enfeignant dans le monde : On lui ordonna de compofer dans cet efprit une Somme des Cas de confcience , pour la commodité de Confefleurs. Raymond entreprit ce travail ; & 1l l'éxécuta avec cette éxaétitude, que nous y admirons avec d'autant plus de raifon , qu'il a tra- vaillé fans modéle : Son ouvrage , également utile aux péni- tens , & néceflaire aux Direéteurs , Élon l'expreffion du Pa- e Clement VIIT , étant le premier qu’on ait vü en ce genre. L'Autens y réfout toutes les dedites , & décide les Cas pref- que toujours par l'autorité de l'Ecriture-Sainte & des Ca- nons, ou par la doëtrine des Peres & les Décrets des Pa- pe : rarement par fes lumiéres particulieres. Exemple, dit . Dupin, qu'auroient dû imiter tous ceux, qui ont écrit
LIivRre I.
S.RAYMoND. Dot os. à
X. Pluficurs Ecléfiaf- tiques le fuivenr daus le Cloître.
Ap. Boll. p. 408.. 9
n. 9. Fleuri, Liv. LXXVII n.$$.
XI. Humilité du Saint,
XII. Somme des Cie de confcience.
Auteurs du xrz2, fréc, P: 24%
8 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE après lui fur les mêmes matieres. On n’auroit pas été inondé L. de cette foule de mauvais Livres , qui femblent pour la plû- S.RAyMonD. part n'avoir été écrits ,. que pour autorifer les vices, & en- = (ormir les pécheurs, en leur aprenant le fecret d’éluder la XIII. féverité de hi loi , fans fe croire coupables.
rer = La fcience de notre faint Dofteur , puifée dans des fources Raymond. plus pures, ne le fit jamais donner dans ces écarts. Par-tout également éloigné & d’une rigueur outrée , qui défefpere les pénitens , & d’une indulgence arbitraire , qui, pour excufer ce que l'Evangile condamne , éteint l’efprit de pénitence, Raymond n’ajoute rien à ce que la Loi prefcrit. Il n’afoiblit pas aufli la force des ne rs Il fe contente de les expli- quer , d'en montrer l'efprit & l'étendue , & d’en faire l’a- plication aux Cas So ea C'eft le jufte milieu qu'on re- marque dans tous les Ecrits de notre Saint, particuliérement dans le premier de fes ouvrages , divifé en trois Livres , &
apellé encore aujourd’hui la Somme (1) de Saint Raymond. Le zéle du falut des ames ne lui permit pas de fe borner à prier, &àäécrire. Il devoit commencer par l'oraifon & la
Ses Fes pour OCupation fi fainte , & déja fi utile au prochain , il ajouta Le falur desames, bientôt les autres fonétions de la vie apoftolique ; & il les remplit toutes avec le fuccès qu'on pouvoit efpérer des fain-
tes difpofitions , qu’il y aportoit. Inftruire les fidéles par le
miniftere de la parole ; atirer les pécheurs à la pénitence , &
les réconcilier dans le facré Tribunal ; foutenir les gens de
bien, les confoler dans leurs peines; procurer aux pauvres des
aumônes & les fecours des riches ; travailler fans relâche à
la converfion des hérétiques , des Juifs, & des Maures encore.
mêlés parmi les Chrétiens ; ou les mettre hors d'état de conti- nuer à corrompre la foi & les mœurs des fidéles ; faire fervir enfin fon crédit auprès des Rois & des Princes à la gloire de l'Eglife , & au foulagement des peuples : telles furent les ocu- ations de Saint Raymond de Pegnafort , depuis le res de Es profeflion religieufe , jufqu’à celui de fa mort : c'eft-à-dire pendant cinquante , ou cinquante-deux ans. —. Ce qu'il ne sn faire par lui-même , fouvent il le fai- foit par le miniftere de ceux qui l'avoient choifi pour leur fer-
tes utiles & fçavantes. On le trouve chez
© (1) Le Pere Honoré Laget Dominicain a BABUTY , Libraire à Paris, ruë S. Jäques.
procuré depuis peu une nouvelle Edition de et ouvrage, qu'il a enrichi de plufeurs no-
vir
retraite. L'obéiffance lui mit la plume à la main. Maisä une
a see.
* DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 9
wir de guide dans le chemin du Ciel. Parmi fes pénitens, il y en avoit an furtout d’un caraétere fort diftingué, le Roi d'Ara- on, Jâques I, apellé le Conquérant , & l'illuftre Pierre de olafque , François de nation , depuis Fondateur de l'Ordre de la M Raymond pour porter le premier à commander à {es paflions, & à employer l'autorité Royale à la propagation, ou à la dé- fenfe de la Foi. Et la charité de Tefus-Chrii qui le prefloit, le rendit comme le coopérateur du fecond dans la pratique des œuvres de miféricorde , & la délivrance des captifs. Depuis le commencement du huitiéme fiécle , les Sarafins devenus maîtres de prefque toutes les Provinces d'Efpagne , dominoient en tyrans. Les Princes Chrétiens leur enlevé- rent dans la fuite une partie de leur Empire. Dans le treizié- me fiécle, les Rois de Caftille , d'Aragon , & de Navarre avoient remporté fur eux plufieurs grandes viétoires. Ces Infidéles cependant poflédoient encore des Royaumes en- tiers, & jm fortes Places fur les frontiéres des pays,
LIVRE I.
S. RAYMoN». Nr. + à
ercy. Nous verrons dans la fuite ce que fit Saint
Voyez Mariana, hift, d'Efpag. Liv. VI.
—
qui obéifloient au Roi Catholique. De là ils faifoient de fré-
quentes incurfions fur les terres des Chrétiens ; brüloient leurs maifons , après les avoir pillées ; ils ne s’en retournoient jamais que chargés de butin. Ë: ce qui étoit plus trifte , tou- tes les perfonnes de l’un & de l’autre fexe, hommes , fem- mes , enfans, qu'ils pouvoient emmener , ils les réduifoient impitoiablement à un rude , & perpétuel efclavage. La fà- cheufe fituation de tant de Fidéles, toujours expofés à perdre la foi & le falut, après avoir perdu la liberté, ne pouvoit que toucher vivement tous ceux , qui avoient quelque cha- rité pour leurs freres. Saint Raymond yétoit plus fenfible
u'un autre : & il eut la PE 2 ce de trouver les mêmes
entimens de zéle & de compafñfion dans le cœur de Saint Pierre Nolafque.
Ces deux grands Serviteurs de Dieu , animés d’un même efprit , fe portoient aufli avec la même ardeur à délivrer , Ou à foulager du moins ces captifs, fouvent d’ailleurs délaif- fés, & quelquefois oubliés. L'un facrifoit généreufement fon repos & fes biens , & entreprenoit des voyages difici-
les , pour en retirer quelques-uns de la fervitude. L'autre contribuoit par la ferveur : fes prières, par fes confeils, & arles abondantes aumônes , qu'il engageoit les Princes & Les — “ha siasaé à faire pour cette œuvre de charité. ome Î.
XV. Charité envers les capüuts.
10 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES LIVRE Celle des deux Saints n'étoit jamais ftérile. Mais ils vouloient L la rendre perpétuelle. Ils redoublerent pour cet éfet leurs S.Raymonr. mortifications, & leurs priéres. Dieu voulut bien les éxau- a cer : 1] infpira à l’un & à l’autre de fonder un nouvel Ordre religieux , fpécialement dévoué à la Rédemption des captifs. La charité ne trouve rien de trop dificile ; elle ne foufre point de retardement , dès qu'il s’agit de la gloire de Dieu , & du falut des ames. | Le jour de Saint Laurent, dixiéme d’Aoùût 1223, le Roi xv. d'Aragon acompagné de nos deux Saints , & fuivi de toute Inftiution del'Or- fa Cour , fe nn À dans l'Eglife Cathédrale de Barcelon- dre del Mercy. ne , où l'Evêque Berenger oficia pontificalement : & Saint Raymond, dans.le difcours qu'il fit après qu’on eut chanté l'Evangile , protefta en préfence de cette augufte Affemblée , qu'il avoit plù au Seigneur de révéler au Roi , à Pierre No- te on —.— , & à lui même , fa volonté touchant l'inftitution d'un Ordre deftiné à racheter les Fidéles, qui gémifloient dans les fers , fous la puiflance des oies Le Bint n'eut pas plü- tÔt anoncé cette agréable nouvelle , que le peuple fit écla- ter fes juftes fentimens de reconnoiffance par des aclama- tions réitérées. On ne fe lafloit point de bénir le pére des miféricordes , & de louer la vertu, ou d'admirer le bonheur de ceux, à qui il avoit daigné faire connoître fes deffleins. On peut dire que les Ars tranfports de cette joe publi- que , furent comme les garants des fuccès merveilleux qu'a eu l'Ordre de Notre-Dame de la Mercy ; préfages confolans des bénédi&ions qu'il n’a ceflé de mériter depuis plus de cinq fiécles, par la <. portait d’un nombre infini de Chrétiens , dont il a rompu les chaines. | ibid, Après le difcours de notre Saint , Pierre Nolafque reçüt | le premier l’habit du nouvel Inftitut; dirai-je des mains de l'Évêque Berenger , ou de celles du Roi même ? Il y a des Auteurs pour l'un & pour l’autre fentiment. On en trouve auff me él , qui aflurent que ce fut Saint Raymond de Pegnafort , Confefleur du Prince, & du nouveau Fonda- Ibid, teur , qui eut l’honeur de faire cette Cérémonie. Mariana,
a parlant de ce fait, dit : “ Saint Pierre Nolafque en préfen- donne l'habi de | ce du Roi d'Aragon , & de plufieurs autres Seigneurs du Religieux à Saint Royaume , prit folemnellement l'habit de Religieux dans
Rire NOBQTE » l'Eglife de Sainte-Croix, des mains de Saint Raymond de
dans le douziéme Livre de fon Hiftoire d'Efpagñe , page 735"
e— mme te mm
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. :…11 Pegnafort , qui fut depuis Général de l'Ordre de Saint “ Dominique ,. | : |
Bollandus ‘dans fon premier tome des Aëtes des Saints a fuivi le même fentiment , fur le témoignage exprès d'un rand nombre d'Écrivains. Le Pape Clement VIII, dans une ulle écrite ir des Mémoires originaux, non-feulement af- fure le même fait, mais il atribue quelque chofe de plus à notre Saint. Voici fes paroles : “ Saint Raymond prefcrivit “
certaines Loix , ou Conftitutions très-propres à l'efprit de “
cet Ordre, qu'il fit enfuite aprouver par le Pape Gre- goire IX , notre Prédécefleur d’heureufe mémoire. Et “ ayant donné l’habit de fes propres mains à Saint Pierre “ Nolaf ue , il l’établit premier Supérieur (1) Général du # nouve Inftitut se M. Baillet a eu donc raifon de dire que Saint Raymond de Pegnafort peut pañler pour le fecond Fondateur de l'Ordre de la Mercy. Mais en plaçant cette Inftitution en l'année 1218 , lorfque , felon fon expreflion , notre Saint étoit en- core l’un des principaux du Chapitre de Barcelonne , & Grand-Vicaire de l'Evèque, cet Ecrivain s’eft écarté du fen- timent commun des Auteurs, & a brouillé toutes les dattes. IL eft certain que Raymond ne fut reçu dans le Chapitre de Barcelonne qu’en 1219 : ilentra dans l'Ordre de Saint Do- minique au mois d'Avril 1222 ; & dans le mois d’Août de l’année fuivante , il contribua à l’établiflement de celui de la Mercy ; dont il fut toujours le protetteur & lapui , n'ayant jamais ceflé de l'aimer , & d'en procurer dans toutes les oca- fions l'avancement , & les avantages. C'eft le témoignage ue lui ont rendu les Souverains Pontifes , après les anciens Hiftoriens de la Nation.
Ainfi ocupé à afermir , ou à perfe&tionner l'œuvre de Dieu , en Den des Fidéles détenus dans l'efclavage , 1l travailloit en même-tems, avec le zéle qui lui étoit ordinai- re , à retirer les pécheurs des routes de l’miquité ; & à inf- pirer au jeune Roi d'Aragon des fentimens dignes d’un Prin-
(1) Collatis inter fe confiliis, & confen- | fel. rec. Gregorio IX. prædeceffore noftro tientibus animis , ordinem B. Mariæ de Mi- | impetravit;, & dictum Petrum, qui cidem fericordia, feu de Mercede Redemptionis | Ordini omnia fua promptè dederat, primum Captivorum fundaverunt : cui B. Raymun- |etiam Generalem Ordinis Magiftrum fuis dus certas vivendi leges præfcripfit ad iftius | ipfe manibus habitu eodem indutum crea- Ordinis vocationem accommrdatiflimas , | vit. Clem. VIIL in Bull. Canoni, S.Raym. quarum approbationcm aliquot annis poft à | #p. Bell. T. I. p. 409. n. 11.
Bi
LIVRE I.
S.RAYMOND.
nn nt à
VicdeS, Pierre Non lafque, 31. Janv.
BolL ibid, nor. h,
LIVRE I.
S.RAY MoN. D nn
XVIIT. Concile de Tar- rallounce.
Mariana, Hifoire d'Eip. Liv. xit. p.774.
XIX,
S. Raymond eft aflocié à la Léga- tion du Cardinal Jcan d’Abbeville.
ment d'une a
12 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
ce Chrétien , né-pour faire la félicité des peuples , & la con- folation de l'Eglife. Cependant le Pape Gregoire IX, dès Pan 1229 envoya en Efpagne, en Po de ie a latere, le Cardinal Jean d'Abbivile » Évêque de Sabine. Les mo- tifs de cette Légation étoient d’éxaminer d’abord la validité du mariage de nu Ï avec.la Princeffe Eleonor de Caftil- le , & de prononcer là-defus : d'exciter enfuite les Princes, & les peuples fidéles, à déclarer la guerre aux Maures, & de FA derniers éforts pour chafler ces Barbares de toutes les Provinces , qu'ils avoient ufurpées , & qu’ils pof- fédoient encore à la honte du nom Chrétien.
Le Lépat affembla un Concile à Farraflonne dans l’Ara- gon , où le Roi fe trouva en perfonne ; & Saint Raymond eut l’honheur de l'y acompagner. Dom Rodrigue Arche- vêque de Tolede, Afpargue Archevêque de Tarragone , plu- fieurs autres Evêques de Caftille & d'Aragon, s'y étoient aufli rendus, pour fe trouver à la difcution , ou au Juge-
Éire , à laquelle les deux Royaumes étoient également intéreflés. Le Roi & la Reine aa dans l’Af- femblée : l’un, pour prouver la nullité du mariage , contra- té fans difpenfe entre proches parens ; & l'autre pour en foutenir la validité. Le Le , après avoir entendu les rai- fons des Parties , le fentiment des Prélats , & l’avis des Doc- teurs, déclara que le mariage étoit nul ; que le Roi & la Reine pouvoient difpofer d'eux-mêmes ; & que l'Infant Don Alphonfe , leur fils ; feroit cependant reconnu légitime , & héritier préfomptif du Royaume de fon pére.
Ce fut en cette acafon que le Cardinal d’Abbeville , ayant éprouvé que tout ce qu'on lui avoit dit destalens, & des vertus de Raymond de Pegnafort, étoit au deflous de fan mérite , voulut l’affocier à fa Légation , & fe fervir de fes confeils , ou de fon miniftere , pour faire prêcher la Croifade contre les Maures d'Efpagne :(1) emploi dificile , mais dont le Serviteur de Dieu s’aquita avec tant de fagefle, de zéle , & de charité, qu’on peut dire qu'il mit les premieres difpofi-
rem ejus integritatem intelligens , eum fibi Legationis acccpit adjutorein. Quo in mu- nere B. Raymundus tantä cum prudenrià,
(1) Joannes Cardinalis Epifcopus Sabi- nenfis, erudirionis & pictatis laude clarif- fimus, ab eodem Gregorio IX Prxdeceflo- re noftro in Hifpaniam ad crucem adverfus | tantà humilirate & charitate verfatus eft , ue Saracenos prædicandam, aliaque Scdis Apof- omnibus effet bonus odor Chrifti ad vitam, tolicæ negotia pertraétanda Lcgatus a latc- Clem. VIII, in Bul, Can. ap. Boll. p. 409 se miflus, multorum fermonibus fingula- |#. 13-14.
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE: 5:13 tions aux heureux fuccès , que le Ciel acorda aux armes des Chrétiens.
L'Hiftoire nous aprend quelle étoit la corruption des mœurs , qui régnoit parmi ces peuples, toujours divifés en- treux, & fouventfurpris , ou acablés par les ennemis de la religion , qui fçavoient bien fe réunir pour les perdre ; tan- dis que les Chrétiens ne penfoient pas eux-mêmes à fe tenir unis pour fe défendre. Le libertinage, la licence , l'impuni- té , fuites ordinaires de la guerre, avoient Végé À ment étoufé dans l'efprit de la plüpart les lumières de la raifon. Ce font les termes de Mariana. Les vices les plus grofliers , les crimes les plus énormes pañloient pour des ver- tus, dont on fe faifoit honneur. Et l'on regardoit les vertus les plus pures, comme des vices honteux, dont on rougif- {oit. L'aveuglement & le défordre, continue le même Au- teur Efpagnol , étoient arivés à un tel excès, qu'il n’étoit prefque plus permis d'être homme de bien ; & En ob à être impunément vicieux , au milieu de ces épaifles téné- bres , & de cette grofhére ignorance.
C’étoit les infimes Mahometans , qui avoient répandu ce foufle de mort dans des Royaumes, où la foi, & la piéré avoient paru autrefois avec tant d'éclat. Mais les Chrétiens auffi corrompus , & plus coupables que les Infidéles mêmes, dontils étoient deverrus d'abord les Sujets,& bientôt après les imitateurs, pouvoient-ils fe flatter de foutenir avec honneur les interêts de la Religion , & d'atirer fur leurs armes les bé- nédiétions du Seigneur ? Notre faint Prédicateur avoit fait ces fages réflexions : il entreprit de les faire pañler dans l’ef- prit des peuples. Et par fes vives exhortations, il leur fitenfin comprendre , que pour triompher de leurs cruels ennemis , qui, en vouloient en même-tems à leurs biens , à leur liberté, à leur foi , ou à leur vie, 1ls devoient commencer par triom- pher d'eux-mêmes , & de leurs pañlions ; oublier leurs jalou- fies & leurs inimitiez ; & fe purifier de ces vices groffers, qui , en les éloignant de Dieu , leur fermoient le Ciel , & les expofoient à fe perdre fans retour. Les éxemples , & les pa- roles toutes de feu de cet Homme apoftolique produifirent un bon éfet, Les Grands & les petits , le Clergé & les fimples Fidéles , tous penférent férieufement à réformer leurs mœurs. Plufieurs donnérent des preuves éclatantes d'une fincére converfon. C'étoit dsnans d vaincre
li
LIVRE I.
S.RAYMOND. RES
Hift. d'Efp.Liv.xn. P: 732.
XX. Corruption des mœurs parmi les Chrétiens d'Efpa-
gnc. :
XXI. S. Raymond tra- vaille avec fuccès à leur converfion.
_
LIVRE I.
S.RAYMoOND.
XXII, Fruits de {a Léga- tion, ou de fa Mif- fion.
14 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
les ennemis de la foi , avant que de les ataquer.
Le Serviteur de Dieu, vit avec plaifir de fi beaux com- mencemens ; & 1l ne voulut point les laiffer imparfaits. De la chaire, il pañloit au confeffional ; où il réconcilioit les uns à l'Eglife, en levant les cenfures, dont ils étoient liés ; & il acordoit aux autres l'abfolution de leurs péchez , s'ils s'é- toient fufifanment difpofés à recevoir cette grace ; ou il leur prefcrivoit ce qu'ils devoient faire pour n’en être point jugés imdignes. Ne fe laffant jamais dans ce miniftére Le charité, il parcourut la Catalogne, l’Aragon, la Caftille, plufieurs autres Provinces , & Royaumes d'Efpagne. Dans tous les lieux, où le Légat du Pape étoit atendu, Raymond de Pe- gnafort le prévenoit pour préparer les peuples ; & faire dans une Ville, ce qu'il venoit, de faire dans une autre. Toujours puiffant en œuvres & en paroles, il perfuadoit les efprits, &t touchoit fi vivement les cœurs , qu'on le prenoit pour ar- bitre, & pour Juge de tous les diférends. Les pratiques crimi- nelles , qui étoient un fujet de fcandale dans tout le pays, les querelles , les difputes , les animofitez publiques ou par- nn , il les faifoit cefler. Les ennemis par bn miniftére étoient réconciliés ; & les biens m2l aquis, reftitués. Les pauvres, qu'il délivroit de l’opreflion , béniffoient leur cha- ritable libérateur. Et les riches aprenoient de lui l’ufage, qu'ils devoient faire de leurs richeffes ; pour leur falut, & pour celui de la Patrie. | do
A un travail déja fi pénible , cet Ami de Dieu ajoutoit les plus rudes mortifications. Acoutumé à faire tous fes voya- ges à pié , & à garder avec une fcrupuleufe éxaétitude , l’'abf- tinence , le jeûne , toutes les obfervances, & les or de fa régle , il ne fe permettoit pas la plus légére difpenfe. C'eft , dit Malvenda , ce que nous aprennent les Premiers Auteurs de fa vie. Et le Pape Clement VIII en a voulu con- facrer la mémoire, dans la Bulle de fa Canonifation (1).
Les plus précieux fruits d'un zéle fi pur , & d’une condui-
(1) Verus Chrifti Difcipulus calceatus pe- des in præparationem Evanwelii pet , & aflumpto Spiritüs gladio , quod cft verbum Dci, iter fuis comicatus fociis faciebat ; & Cardinalem quo erat venturus prævertens , quafi viam antc facicm ejus in bencdictio- ne præparans, Evangelium Chrifti prædi- cando , permulros adjuvante Domino ad
arétam (alutis femiram à vià latà & fpaciofà traducebat : & confcefliones audicndo à cen- furis, & à peccatorum nexibus liberabat, Quodque omnibus mirum fuit, toto illo iti- nere nihil unquam de folita ciborum abfti- nentia, vigiliis,jejuniis,præcationibus, totiufe que Religionis feveritare remifit, &c. Clem,
VIII, in By, Can. ap. Boll. p. 409.7. 14.
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE rs
te firéguliére , ne furent pas les aplaudiffemens des Fidéles , ni l’eftime & l'admiration du Cardinal Légat. Ce qui mérite une autre confidération, c’eft la réforme des en , & un changement fi général , qu'il parut prefque incroyable à ceux mêmes qui en étoient témoins. Auff les fuites en furent-elles des plus heureufes. La colére de Dieu s’apaifa fur fon peu-
le. Les armes des Fidèles commencerent à devenir redouta- les aux ennemis de Jefus - Chrift. Ataqués en même-tems par trois Souverains , ils furent par-tout batus. Par-tout ils ni devant les Chrétiens. LeRoi de Caftille & celui de Leon, leur enlevérent plufieurs fortes Places dans l’Eftrama- doure , & l’Andaloufie. Et Don Jäques I eut le bonheur de les chaffer pour toujours des Ifles de Majorque, & de Mi- norque. On peut voir le détail , & les circonftances de ces conquêtes dans l'Hiftoire générale d'Epagne.
Après ces premiers fuccès , aufh glorieux aux Princes Chrétiens , que néceflaires au repos 2e Fidèles ; le Légat Apoftolique, réfolu de retourner inceffanment en Italie, n'ou- blia rien pour engager notre Saint à s’y rendre auffi avec lui. Mais il ne put vaincre fa modeftie : & ce fut peut-être la pre- miere fois que ces deux grands hommes fe trouvérent dans des fentimens opofés. Le Cardinal croyoit qu'il étoit de fon devoir de préfenter au Vicaire de Jefus-Chrift , un Sujet fi capable d’être employé dans les afaires les plus importantes de lEglife , & de lui procurer une récompenfe proportio- née aux grands fervices qu'il venoit de rendre à la Religion. Saint Raymond au contraire , fans jamais refufer le travail, ne penfoit qu'a fe cacher , & à fuir l'éclat des honneurs. Ce-
LIVRE I.
S.RmYyMoNp.
ec |
XXTIIT. Conquétes des Chrétiens fur les Maures d'Efpagne.
Mariana, Liv. xm, p. 788. &c.
XXIV,
Le Légat ne peut obtenir de S. Ray- mond qu'il l'acom- pagne à Rome.
pendant ce qu’il avoit refufé avec tant de fermeté aux follici-
tations de fon 1illuftre ami, & à fes plus vives inftances, il fut bientôt après obligé de le faire, pour obéir aux ordres du Souverain Pontife. En rendant comte à Sa Sainteté du fuccès de fa Légation , Jean d’Abbeville fit en même-tems l'éloge de Raymond de Pegnafort. Une baffe jaloufie ne le porta point à LT ce a croyoit devoir à fes lumiéres , Les priéres , & à fes travaux. Il'ajouta qu'il ne doutoit pas que les Princes Chrétiens ne duffent aufli atribuer le a de leurs armes, aux faintes difpofitions , dans lefquelles ce fervent Miniftre de la parole avoit fait entrer les peuples. |
Ces rte , &ce “a , qui ne pouvoient être fuf- pets , infpirérent à Gregoire ÎX un grand défir de voir le
XXV. 1! fait fon éloge devant le Pape.
Ld
16 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE Serviteur de Dieu. Auff-tôt il lui adreffa un Bref , pour lui L. enjoindre de fe rendre à Rome fans replique, & fans aucun S.Ravménr. délai. Le Saînt étoit alors OCUpPÉ à faire bâtir l'Eglife de Sain- "te Catherine martyre , & le célebre Monaftére , que les Re- A. 8oll. p. 410. ligieux de fon Ordre habitent encore à Barcelonne. Le Roi de = d'Aragon continuoit à fe fervir de fa Direétion , ou de fes
confeils. Et les fruits de fes Prédications étoient toujours
grands ne les Fidéles , acoutumés à refpelter en lui l’Ef- prit de Dieu. Ce travail étoit conforme à fon zéle toujours défintéreflé: en rempliffant une partie de fon tems, il lui laifloit la liberté d'employer l’autre partie à fes éxercices particuliers de pénitence, & de vaquer à l'oraifon, où1l puifoit de nouvel- XXVI. les forces , pour bien remplir les fonétions du faint miniftere. LeSaintvaàRo- Cela ne l'empêcha pas d'obéir promptement aux défirs, ou me, pour obéir au | : Pine au commandement du Pape, qui le reçutavec de grands té- moignages de bonté ; & qui ne tarda pas à lui donner des reuves de fa confiance. Ces marques d’eftime,de la part du Eine Pere,augmentérent toujours à a sr qu'il recon- nut tout ce qu’il poflédoit dans la perfonne de cet Ami de Dieu. Peu content de l'avoir fait fon Chapelain, (c'eft ainf XXVIL u’on apelloit alors l’Auditeur des Caufes du Palais Apofto- Sesemplois lique) il l'établit Grand Pénitencier de l'Eglife de Rome , & _ le prit pour fon Confefleur particulier. C'étoit ordinairement ar fes lumiéres, qu'on décidoit les afaires les plus difici- ja , ou les plus importantes, qui fe traitoient en préfence de Sa Sainteté. Mais la charité du Miniftre de Jefus-Chrift le rendoit fur- « de tout atentif à plaider lui-même la caufe des pauvres ; & à em- les pauvres. pêcher qu'ils ne fuffent oprimes par la cupidité , ou le cré- dit des richefles. Il infpiroit les mêmes fentimens aux autres Miniftres du Pape ; & il en faifoit un devoir au Chef même de l'Eglife. Selon l'exprefhon de Clement VIIT , la pénitence ordinaire qu'il impofoit à Gregoire IX , étoit d'écouter avec bonté les priéres, ou les juftes plaintes de ceux qui étoient fans proteétion , & de faire expédier promptement les afai- res 28 veuves & des orphelins. Une conduite fi digne du
_ L'an 1230.
Miniftre de Jefus - Chrift , atiroit fans doute à notre Saint des
faveurs du Ciel, beaucoup plus précieufes que celles quil vouloit procurer aux pauvres, dont il fut apellé l'Avocat,
& le Pere. (1)
(1) Quem em etiam à facris fibi confeffionibus præfeciflet (Gregeris LX. ) is quâ erat
pe Re nm qe
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 1:17
Il eft plus aifé de penfer , que de dire tout le bien que fa réputation , & la confiance du Pontife le mettoient en état de faire dans la Cour de Rome. Il n’y avoit cependant que l'o- béiflance , qui pût l'y retenir ; parce que fon atrait l’apel- loit toujours ailleurs. Le tumulte des afaires, & le bruit con- tinuel des pafñons étrangeres, lui faifoient regretter le repos de fa Cellule, ou cette fainte alternative de contemplation & d’éxercice de la parole, qui avoit été pendant na années fon ocupation & fes délices. Mais plus il défiroit {e retirer , plus il voyoit fe multiplier les obftacles , pofoient à F acompliffement de fes défirs. Il lui reftoit enco- re beaucoup à faire avant que d'obtenir cette grace.
Depuis long-tems , Gregoire IX avoit conçu le deflein de
faire revoir les Décrets de fes Prédécefleurs, principalement les Conftitutions émanées après la Colledion de Gratien. Il
LIVRE I.
S. RAYMOND.
1 SO-.
faloit recueillir dans un corps d'Ouvrage , né > &.
mettre en ordre tant de diférentes pièces, difperfées en difé- rens volumes , fouvent très-obfcures , & portant quelque- fois une aparence de contradi@ion. On ne ‘doutoit ni de l'importance , ni de la néceffité de l’entreprife. L’afaire étoit de trouver un Doûeur afflez zélé , pour fé charger d'un auffi grand travail ; aflez habile, & en même-tems es laborieux, pour le conduire à une heureufe fin. Le Saint Pere jéta les dom fur Raymond de Pegnafort. Il avoit befoin de lui pour
en d’autres afaires : mais celle-ci lui tenoit à cœur ; & il lui ordonna de l’entreprendre. Le Serviteur de Dieu obéit ; il s'apliqua à cette étude avec tant de diligence , & de fuc- cès , que fon Ouvrage en moins de trois ans fut mis dans l’é- tat Où le Pape le défiroit (1). Les Savans en connoiflent l'utilté, & le mérite. Ilfufit de remarquer que cette collec- tion, aujourd'hui la plus autorifée, fait le fecond volume du Droit Canon, L’Auteur a joint divers Décrets des Conciles aux Conflitutions des Papes , & il a partagé fon Ouvrage
in egenos charitate, pœnitentiz loco illi in- jungebat , ut inopum preces & juftas peti- tiones ftatim audiret, eorumque negotia expediret, & quam ciriffimè pe Qua- re ab codem Gregorio Prædeceflore Pater a eft appellatus. Clem. VIII. is nl. Can. n. 16. - (1) Decreta Romanorum Pontificum, Lo quæque tempore condita erant , diver- # in epiftolis,& conciliis fparfa , qux ob- _ Tome L
fcuritatem, & incertitudinem inducere vide- bantur , ad communem omnium & maxi- mé ftudentium utilitatem , in ordinem & compendium redigi jamdiu omnibus ferè placuerat : fed tanto operi vir idoneus quæ- rebatur. Itaque Gresorius Prædeceflor nof> ter B. Raymundum Ruic muneri aptifimum effe ratus, id oneris ei impofuit ; quod tan- dem ipfe ingenti labore trium annorum fpa-
do felicicer abfolvic, Clem. VI C ut f}.n. 17,
I] fait ie nou- velle colletion deg Décrétales.
Depuis l'an 1232 jufques en 1234.
LIVRE I.
S. RAYMOND. VEN
XXX: Grecoire IX à- prouve cette nou- velle Collc&tion,& en recommande l'ufage aux Univer- fitez,
XXXI. S. Raymond refu- fe les dignitez Eclé- faftiques.
18 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
en cinq Livres. Chaque Livre contient plufieurs Titres , où les Décretales fe trouvent rangées par po des tems , ce qui n'avoit pas éte obfervé dans les Colledtions précédentes. Cel- le-ci commence au Pape Alexandre IT , où finifloit le Décret de Gratien. Les piéces n’y font que par éxtrait , fuivant la matiere de chaque Titre, mais confervant les premiers mots, par lefquels elles étoient déja connues.
Le Pape ayant aprouvé cette nouvelle Colle&ion , l’adref- fa aux Doûteurs , & aux Etudians de l'Univerfité de Bologne, par une Bulle où il dit, qu'il a fait rédiger en un volume les Conftitutions de fes Prédéceffeurs , auparavant répandues en plufieurs ; parce qu’elles caufoient de la confufion par leur reflemblance , quelquefois de l'embarras , ou bien de la pei- ne par leur prolixité. Quelques-unes fe trouvant d’ailleurs hors de ces volumes, leur autorité étoit revoquée en doute dans les Jugemens. Il ajoute qu'il a fait retrancher l'inutilité des anciennes Conftitutions , & joindre les fiennes. Il or- donne enfuite qu'on fe ferve de cette feule compilation dans les Ecoles , de même que dans les Tribunaux de Juftice, & défend d’en faire aucune autre fans l'autorité du Saint Siège. Sa Sainteté écrivit une femblable Lettre aux Doëteurs de Pa. ris , datée de Spolette le cinquième de Septembre 1234. L'in- tention de Gregoire IX fut fuivie , &c fa Éolledion {1 bien re- çûë , qu'on l’a depuis nommée fimplement les Décretales.
Cet Ouvrage, qui fait connoître le génie, l'érudition, & la
{olidité de jugement de fon Auteur , fufiroit feul pour lui aflurer un rang diftingué parmi les plus habiles Canoniftes , qui l'ont précedé , ou fuivi. : | —. . Saint Raymond ne l'eut pas plütôt achevé, qu'il mit la derniere main à fa Somme de Morale, commencée , & peut- être publiée en Efpagne , depuis près de douze ans ; mais qui ne parut à Rome qu'en 1235. Comme dans tous fes travaux, il ne fe propofoit que l'utilité de l'Eglife & la gloire de Dieu, unique objet de fes défirs, on ne doit point être furpris ai ait toujours refufé avec autant de modeftie que de fer- meté , toutes les dignitez , dont on voulut honorer fon mé- rite, ou récompenfer fes fervices. L'Archevêché de Tarra- gone étant venu à vaquer, le Pape ne crut pas pouvoir mieux confier qu'aux foins de fon Confeffeur,cette Eglife Mé-
tropolitaine , & , felon la remarque de Bollandus , alors Pri- matiale de tout le Royaume d'Aragon. Mais l'humble Reli-
DE L'ORDRE DE S. DOMINIQUE. 19
gieUx , pren que le fardeau étoit au-deflus de fes forces , ne put fe réfoudre à foufrir qu’on le mit fur fes épaules. Sa Sainteté ne paroiflant pas moins réfoluë de ne point accep- ter fon refus, l'humilité de Raymond en fut alarmée ; il en tomba dangereufement malade : & lorfque le Saint Pere fe rendit enfin à fes vives inftances , ou à celles de plufeurs Cardinaux , il éxigea que fon Confeffeur eût au moins la complaifance de nommer lui-même un autre Sujet,capable de remplir dignement ce grand Siège (1). Guillaume de Mon-
grin, Chanoine & Sacriftain de l'Eglife de Gironne , avoit
toutes les qualitez , qu'on peut défirer dans un grand Evêque. Savant , pieux, ferme , zélé, infatigable dans le travail , il étoit furtout rempli d'amour pour Fe pauvres , & pour l'E-
life, dont il connoifloit la difcipline ; & dont il fentoit les PAS Tel fut le Sujet que Raymond de Pegnafort propo- fa, & qu'il fit agréer au Pape. Mais ce digne Ecléfiaftique étoit trop femblable à notre Eh , pour ne pas imiter fa mo- deftie. Obligé de eéder aux ordres abfolus du Souverain Pontife , 1l n'accepta la dignité d’Archevêque , que dans l'ef- pérance de pouvoir un jour l’abdiquer. Et on prétend qu'il le fit avant même fa confécration.
Quelques Hiftoriens aflurent que l’Archevêché de Brague dans le ps de Portugal , fut encore préfenté à Saint Raymond, & refufé avec la même conftance , qu’il avoit fait paroître dans de femblables ocafions. Cependant fes rigou- reufes pénitences , la grandeur ou la multitude de fes ocupa- tions ; & plus que tout cela , la douleur de fe voir continuels lement expofé à la nécefité de fe défendre contre l’importuni- té de fes amis , aufh empreflés à le mettre dans les premiéres places , quil l'étoit lui-même à les fuir ; toutes ces peines d'efprit & de corps le jéterent dans un fi grand épuiferent de forces , que les Médecins défefpérérent de pouvoir remettre {a Puits crainte de perdre un Homme qui lui étoit fi cher, ayant obligé le Pape confentir qu'il allät prendre l'air na- tal, pour eflayer de fe rétablir, Raymond fortit de Rome,
(1) Oblatos etiam honores » & amplif- [ mus omni ope contendit , uteam à fc dig- fimas Ecclefiarum Cathedras omni conatu | nitatem averteret. Quod cum per fe non fepudiavit. Nam cüm Gregorius Archiepif- | poffet, adhibitis multorum precibus, & copatum Tarraconenfem ei defferre decre- | quorumdam Cardinalium auétoritate , ejuf- viflet , id ille adeo graviter & molcitè tu- Ln Gregorii animum ita inflexit, ut illius lit ; ut illico febri correptus aliquot dies in- | Ecclefñiæ onus in eum tranftulcrit , quem ci genti corporis , animique dolore torquere- | muneri aptifimum efle B. Raymundus ju
tur, Itraque ab hujus mundi gloria alienifli- | dicavie, Clem. VIIL, wt He 18. 1]
LIVRÉ I.
S. RAYMOND. Der te à
Leg. Boll. p. 4it, not, ce
XXXIL Sa Maladie.
XXXTII. Son retour en Ef- pagne.
0 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE &retourna dans éon premier Couvent, fans Charge, fans L. Bénéfice , fans penfion , aufh pauvre que le jour de fa pro- S.Ravmon». feflion religieufe. De fa qualité de Pénitencier Général, il ne =” voulut retenir que le pouvoir d’abfoudre dans le befoin les Religieux de Saint Dominique , & ceux de Saint François.
Ce qu'il fit , difent les Auteurs, pour entretenir toujours la
plus parfaite union entre ces deux Ordres, qu’il aimoit ten-
drement. XXXIV. Son afeétion pour celui de la Dh Ai toujours la mê- Ce qu'il avoit d£ me. Et pendant fon féjour à la Cour de Rome, il en avoit don-
ne “es rorde ne de belles preuves , ayant obtenu du Saint Siège la confir-
de la Mercy. mation du nouvel Inftitut ; & l’aprobation folemnelle des Conftitutions , qu'il avoit lui-même dreflées. Dans une Let- tre qu'il écrivit fur ce fujet à Saint Pierre en , & dont on nou a confervé un fragment dans un Manufcrit du qua- torziéme fiécle, Saint Raymond lui aprend quels étoient les fentimens du Pape , fon eftime , & fon admiration pour la fin fi glorieufe d'un Ordre, tout confacré à la charité , & à l'utilité du prochain. Nous aimons mieux raporter ici les propres paroles de notre Saint, que de les afoiblir peut-être en les traduifant.
XXXV.
Lettre de Saint ( UM Vireinis faniffime preclare Reliotonis flabilimen- Raymond à Saint tum peterem , ad aures fuæ Sanüitatis tua in hac redemptio- Pierre Nolafque. . - ne gefla , mi Pater venerande , venerunt. Et flupefaüus in ope- re , de tam magno facinore attonitus feré , nefcivit proferre fer- A monem ; fed lacrymabundus hæc de te promebat verba : 6 ad- miranda Religio, que tantä illuffrata eff Fundatrice ! 6 a toto terrarum orbe laudanda fundatio , cus famulata ef Mater Sal- vatoris | à vir charitate fervidus , qui follicitatur ardore , in- clinat Cœlos & Deiparam alloquitur ! 6 certé divina opera , ds de quæ adhuc dum in via funt , a Deo laudantur ; 6 eorum laus
vide Baïlar. od. @ gloria à Maria annunciatur , quæ Cœlo aperto fundatur !
it S quibus verbis a me confirmabitur ? taceat lingua ; & cœlum in- dicet modum , &c. ;
Il paraît Fe S. Raymond écrivit cette Lettre peu de tems après avoir fait confirmer l'Ordre de N. D. de la Feb c’eft- à-dire l’an 1233 felon le fentiment commun des Auteurs ; ou
pag æs.no.g. felon Bollandus au commencement de 123$, par conféquent
eu de mois avant fon départ de Rome. Il n'eut pas Türôt quité la Cour , que le Seigneur, en lui rendant la fanté , l'ho-
ee me = re Re nm maps :
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. - 21
nora encore du don des miracles (1). À fon arrivée au Port de Blanes, à douze lieuës de Barcelone , on lui préfenta un homme , à qui la violence de la maladie avoit fubitement Ôté l’ufage de la parole, de l’ouie , & de tous les fens. Le Saint touché LA compañfion de fon état, fit fur lui le figne de la Croix ; & lui adreffant la parole après une fervente priére, lui demanda s’il ne vouloit point fe confefler. Je le défire de tout mon cœur, répondit le moribond , qui jufqu’alors n’avoit donné aucune marque de fentiment. Î fit en éfet fa confeflion avec un vif repentir , & une grande liberté d’ef- rit ; reçut l’abfolution de fes ses ; & retombé prefqu’auf- Étôr dans fon premier état de létargie ; il mourut peu de mo- mens après. Voilà un de ces traits , où paroiflent les aten- tions de la Providence fur fes Elüs. Rendu enfin à lui-même , à fes Freres, & à fa chere foli- tude , Raymond reprit, ou pour mieux dire, il continua avec une nouvelle ferveur Ës auftéritez ordinaires , qu'il ajoutoit à celles de fa Régle. Ses veilles étoient longues & fon oraifon , ainfi que fon abftinence , prefque continuelle. Excepté les Dimanches, il ne prenoit qu'une fois du joug une fort modique nourriture. Il ne cefloit cependant d’anoncer la parole 2 Dieu ; & de fatisfaire aux défirs , ou aux befoins de toutes fortes de perfonnes , qui avoient recours à fes lu- miéres , ou à fa charité (2). Comme fi le falut de la Patrie, & de tous les Royaumes d'Efpagne , avoit été ataché à la pré- fence de ce grand homme, la joye fut univerfelle dans le F4 dès qu’on in qu'on avoit le bonheur de ly pofléder. es Evêques de Catalogne & d'Aragon, furent les premiers à profiter de fes momens de loifir : à leur prière , le faint Doc- teur écrivit un Traité des devoirs des Prélats dans la vifite de leurs Diocèfes , & la conduite de leur troupeau. Il fit un au- tre petit Ouvrage, pour aprendre aux Négocians à éxercer leur commerce en Chrétiens , & felon les Ye de l'Evangi-
LIVRE I.
S. RAYMOND. D es À
XXXVI. Le Saint obtient peus un moribond grace de pouvoir recevoir les Sacre- mens.
l
XXXVIT. Ses ocupations à Barcelone.
Je. Quoiqu’abfent, il fe trouvoit fouvent chargé des com-
(1) Vix ab urbe recefferat, cüm ftarim
hominum concurfus ad eum fieri ape ft, CS « e . \ e. e æi divinitus per Spiritum data eft gratia {a-
partim vifendi pratià, partim confulendi..…
nitatum, atque operatio virtutum , &c. Clem. VIII. at fp. n. 10.
(2) Atque ubi Barcinonem appulit , con- firmatis paululum viribus , ftatim ad res di- vinas & cœleftes contemplandas animum adjecit. Ejus vero Barcinonem adventus fi- paul atque per Hifpaniam ipnotuit, ingens
Fe omnes confolabatur in Domino, & piritualibus monitis mirificè recreabat. Ejus enim fcientia qua inundatio in omnibus abundabat ; & confilium ejus, ficut fons vitæ , falutem animæ pluribus afferebat. Clem, VIII, n. 11,
C ii
LIVRE I.
S. RAYMOND.
LE ne ee ec). +
Fleuri, Liv. LXxx, n. 63.
XXXVIII.
“
22 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
miflions de la Cour de Rome. Gregoire IX continuoit tou- jours à fe fervir de fes confeils , ou de fon miniftere , dans les diférentes afaires, qui intérefloient laReligion , ou l’état des Chrétiens dans les Provinces d'Efpagne. Lorfque ce Pape or- donna aux Evêques de Vic & de Lérida de choifir un Pa- fteur pour le Siège de Majorque, il voulut que ce choix ne fe fit que de l'avis de Raymond de Pegnafort.
Dès l'année 1232, peu de tems après la conquête de cette Île , le Roi d'Aragon avoit formé le deffein d'enlever aux Sa-
Préparatifs lo rafins le Royaume de Valence, dont ils étoienten poffeffion
la conquête du Royaume de Va- lence,
XXXIX. S. Raymond dans Jes Etats de Cata- Jogne & d'Aragon.
depuis plufieurs fiécles. Il ne tarda pas de mettre fes troupes en campagne. Déja il avoit chafñlé ces Infidéles de plufieurs
poftes avantageux , il les avoit afoiblis & refferrés , & avoit
ris fur eux un grand nombre de Châteaux , de Bourgs , & de Villes. Mais la Capitale étoit encoreau pouvoir des Maures, qui s’y étoient extrêmément fortifiés, réfolus de la défendre jufqu’à la derniere extrèmité , ou de s'enfévelir fous les ruines d’une Place de cette importance , la plus confidérable de leurs conquêtes fur les Chrétiens. Ceux - ci ne marquoient pas moins d’ardeur à rentrer dans leur ancienne poffeflion. Et un Conquérant tel que Jäâques I, auroit crû manquer à ce qu’il devoit à fa propre gloire , à celle de la Religion , au repos & au bonheur de fes Éujers , fi de fon côté il n'avoit fait les plus grands éforts, pour ôter aux Barbares une Ville, qui les mettoit toujours en état de réparer leurs pertes, & de faire de nouveau la loi à leurs vainqueurs.
Dans ce deffein, le Roi tint deux célébres Affemblées. des Etats de fon Royaume. La premiere fut convoquée à Mon- çon , fur les frontiéres de la Principauté de Catalogne, au mois d'Oftobre 1236 ; & la feconde à Tarragone dans le mois de Janvier de l'année fuivante. Le Prince & les Prélats voulurent que Raymond de Pegnafort fe trouvât à l’une & à l’autre ; ils ne doutoient pas que la fagefle qu’on lui connoif- foit, & le zéle dont il étroit antmé pour l'honneur de la Reli.
ion , ne contribuaffent beaucoup à faire prendre les mefures néceffaires pour l’heureux fuccès de cette grande expédition: L'évenement juftifia leurs efpérances : la prudence bu Saint, & fon crédit + va les plus grandes dificultez. Les peu- ples déja épuifés par une longue fuite de guerres , n'étoient prefque plus en état de porter de nouvelles charges ; & les Grands s’opofoient fortement à la propofition de mettre de
SO ete — 6 me = — —-
DE L'ORDRE DES, DOMINIQUE 23 nouveaux impôts. Le Roï avoit cependant befoin de fommes extraordinaires. Le Serviteur de Dieu , dans la crainte que
LIVRE
ces dificultez ne fiflent peut-être abandonner une entreprife, S. Raymoxp.
où l’Eplife & l'Etat fe trouvoient également intéreflés, en re- préfenta fi bien la néceflité & les grands avantages qui reviendroient à la Nation du fuccès , qu'on avoit lieu d’ef- pérer, qu'il détermina les Evêques , & les autres Seigneurs
ST
Ses fages con-
à fournir généreufement aux frais de la ee Parce moyen fils.
les pauvres ne furent pas acablés; & le Roi ne manqua point des fecours néceflaires pour l’éxécution de fes glorieux def- feins. Le Ciel les favorifa. La ville de Valence , & tout le Royaume de ce nom tomberent la même année fous la puif- fance des Chrétiens. Les Maures en furent chaflés fans re- tour ; & la Religion de JESUS-CHRIST , heureufement réta- blie dans dés Provinces ; que les Difciples de Mahomet avoient long-tems fouillées , y a depuis fleuri ; & y fleurit en- core avecéclat. A 2
Saint Raymond, qui par la ferveur de fes prières, n’avoit aa er moins contribué , que par la fagefle de fes con-
els, à-un fuccèsfi glorieux, en refflentit une joye d'autant
plus puré ; qu'il étoit plus éloignéde fe l'atribuer. Il n’étoit ni ébloui , niflaté par toutes les marques d’eftime que le public lui donnoit. Aufli petit à fes propres yeux, qu'il paroifloit grand aux perfonnes les _. élevées en dignité , il all uefois dans les Ecoles
ue. d’un: Difciple les leçons des.Profeffeurs. Il avoit prié le Su- périeur de fa: Communauté de vouloir:bien lui fervir de guide, qu de maître dans la vie fpirituelle , & de lui enfeigner les moyens de fe rendre un parfait Religieux. Mais fous la condui- te du $. Efprit, il étoit parvenu à un dégré de perfeétion d’au- tant plus fublime , que l'humilité en lui cachant fes richeffes fpirituelles ; en étoit en même-tems la gardienne. Toujours ei garde contre la diffipation qu'auroit pû caufer dans fon efprit la variëté de tant de diférentes afaires , fur lefquelles il étoit confulté ; & ne craignant pas moins le poifon caché de l'orgueil parmi les See me » que # atiroient fes
spas attions:, fes. fumières', & fes vertus ; il redoubloit’
e jour & de nuit fon afliduité au faint éxercice de l'oraifon. ! Cette louable pratique ; qu'il s'étoit rendue familiere ; fer- voit à nourir, Ou à augmenter toujours dans fon ame , une
XLL Heureux fuccès des Chrétiens con- tre les Maures.
XLII.
oit quel- Humilité du Saint, e Barcelone écouter avec la modef- 3j Lo de cette
XLIH. Efers dé fa ttn-
piété également rendre ,.& folide, Soit qu’il chantât les louan- ue pi,
v . d': ‘
24 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE ges de Dieu avec fes Freres ; foit qu'il priât en particulier > L. tantôt dans le fecret de fa Cellule , tantôt dans quelque coin S.Ravmonr. de l'Eglife , il répandoit des ruifleaux de larmes. Souvent il —” n'étoit pas le maitre de retenir l’ardeur de fes flâmes , ni d'é- toufer entiérement les foupirs que fon cœur poufloit vers le
Ciel. Il célébroit ordinairement tous les jours les SS. Myfté-
res, mais avec de fi grands fentimens de dévotion , qu'il en
infpiroit à tous ceux qui le voioient à l’Autel (1) : & fi:
Se is fes infirmitez l'empêchoient d'y monter,il avouoit à fes Freres qu'il n’avoit ce jour-là ni joye intérieure , ni-con- {olation. | 2:
Non moins rigide obfervateur de la loi de la charité, ce :
faint Homme ne foufroit jamais qu’en fa préfence, on s’ou-
bliät fur les obligations qu’elle nous impofe. Le plus —
murmure , la plus petite médifance l'obligeoit à quiter d'a-
bord la converfation , ou à parler en faveur des abfens. Son
filence même corrigeoit quelquefois ceux , qui ne mefuroïent
XLIV. as aflez leurs ro. 8 La douceur de JESUS-CHRIST étoit Charité du Saint. À modéle de la fienne. Mais ce qui donoit furtout de lagré- La pen ment à fes entretiens , c’étoit le don qu'il avoit reçu de Dieu Felus-Chrif pour confoler les perfones afligées , pour diffper. leurs pei- nes , leurs le 2 , ou leurs tentations. On eût dit que le
Seigneur avoit ataché aux difcours de fon fidèle Miniftre une
race particuliére, pour porter la tranquilité & la paix dans
És confciences. Sous la conduite d’un tel Direéteur, les per-
fonnes pieufes faifoient de grands eue la vertu : les
plus avancés aprenoient à Le À ei onner encore ; & ceux
qui avoient long-tems gémi fous la tyranie de leurs À mr sd
ou qui s'étoient livrés fans remors à tous leurs défirs déré-
glés , trouvoient en lui un pere charitable & un fage Méde-. Cin. Sans avoir jamais de lâches complaifances pour les Pé- cheurs , il fçavoit leur compatir & les gagner. Le nombre de converfons, dont il fut l'inftrument dans la feule Ville de: Barcelone , ne peut être connu que de celui qui en étoit: l’auteur par la vertu de fa grace. . Ainfi ocupé à gagner tous les jours des ames à Jefus-
Chrift, Saint Raymond goûtoit lui-même toutes les dou-:
rs o
(x) Sacrofan@tum miffæ facrificium ferè |.teft, quod aftances ex ejus folo afpe&u ad
quotidiè celebrabat. Quanta vero effer ejus | ordtionem incirarentur, ac petita a Deo in facrificando animi puritas , ac devotio- | Patre mifericordiarum bencficia , ejus pre« (2 « \ e e. e ° . 4 ois fervor , vel ex eo facilè exiftimari pos { cibus imperrarent. Clers. VIIL. », 30.
ceurg
- —— qe te EU ne NNERR— nr =. NE NME NE — —
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 24
ceurs d'une vie pas dans les éxercices de la pénitence & LIVRE
de la charité , lorfqu'il aprit la perte que tout fon Ordre venoit de faire par la mort du B. Jourdain de Saxe , Succef- feur inmédiat de Saint Dominique. L'union très-étroite qu'il
avoit euë avec ce grand Serviteur de Dieu , un des plus 1lluf-
tres Perfonages de fon fiécle , lui rendit comme particuliére l'afliétion qui étoit commune à tous fes Freres . Mais il ne pré- voioit pas encore le coup qui devoit mettre le comble à fa douleur. Il le fentit bientôt après , lorfque dans le Chapi- tre aflemblé à Bologne l'an 1238 , les Provinciaux & les Définiteurs jetérent les yeux fur lui, pour le faire fuccéder au B. Jourdain dans la Charge de Supérieur Général de tout l'Ordre des FF. Prêcheurs.
Si nous en croïons quelques Auteurs du feizième fiécle , les Vocaux furent d’abord partagés , le célébre Hugues de Saint-Cher étant porté par les nca , le B. Albert le
Grand par les Allemans, & Saint re de Pegnafort
ee les Italiens unis avec les Efpagnols. On ajoûte que le
crutin ayant été paffé trois fois inutilement, tous les Reli-
gieux furent fe profterner devant le tombeau de Saint Do- minique. Revenus enfuite au Chapitre, après une longue & fervente priére , Saint Raymond fut élu unanimement & comme par infpiration. Mais quelque eftimés que foient les Ecrivains qui ont avancé ce fait, plufeurs habiles Cri-
L;
EE S. RAY Mono. SOSSMERE SEEN
XLV. Mort du B. Jour« in de Saxe.
XLVI. S. Raymond eft élà à fa place.
Vide Pchard. T. TL. p. 106. & Bullar.-ord, Te V. p. 592.
tiques entre les modernes , le révoquent en doute ; fondés
non-feulement fur le filence des anciens , mais auffi fur le nt 5 d'Etienne de Salanhac , felon lequel cette Elec- tion fut faite tout d’une voix & dès le premier fcrutin, tan- dis que la Comunauté de Bologne & les autres Religieux , n’avoient pas droit d'élire , prioient enfemble devant les Reliques de leur faint Patriarche (1). Les paroles de cet Auteur , dont on connoît d’ailleurs l'éxatitude , méritent d'autant plus d’atention , qu'il avoit été lui-même préfent, & l’un des Eleéteurs dans le Chapitre de Bologne.
Le Pere Humbert, Bernard Guidonis & un ancien Ma- nufcrit cité par F rançois Penna , gardent de même un pro- fond filence fur ce prétendu partage de fentimens , quoiqu'ils
(1) Diligenter incluhs Eleétoribus , ut 1niunt ; & ele@um concorditer ab omnibus moris eft, orantibus Fratribus cæteris an- | in primo fcrutinio eum ( Ræymundum ) no- 4e facrum corpus B. Dominici....ecce fac- | minarunt. Stephan. Salan. in Chre. Magif- £0 figno ad C apitulum omnes Ele@ores ve- | sror, Ord. ap. Echard. nt f?. |
ome L,
26 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE parlent tous de la maniére dont Saint Raymond fut élû Gé- | L. néral de fon Ordre. Nous ne nierons pas cependant, qu'il n. S.RayMon». ait eu peut-être quelque diverfité d'opinions avant le jour de m#” l’Afflemblée où on devoit faire l'Eledion. La réputation du
B. Albert & celle d'Hugues de Saint-Cher , depuis Cardi- nal , étoit fans doute aflez grande , & leur mérite affez con- nu, pour que des Religieux de leur Nation les propofaflent l'un & l'autre dans les conférences particulières qui précé- dérent l'Aflemblée générale. Mais tous les efprits s'étoient déja réunis, ou ils fe réunirent fans peine au moment qu'il falut procéder à l'Eleion ; & on ne manqua pas dans la fuite de faire valoir cette unanimité , comme une marque de la volonté de Dieu , pour engager le Général élù à fe foumettre aux ordres de la Providence.
Raymond de Pegnafort étoit toujours à Barcelone ; & comme on ne pouvoit ur ni le refus qu’il avoit déja fait de plufieurs Dignitez Écléfaftiques , n1 fon éloignement général pour toutes fortes de Charges, an comtoit bien qu'il ne feroit pas facile de lui faire accepter celle-ci. Hugues de Saint-Cher , Provincial de France , & trois autres Réligieux d'un mérite fort diftingué , furent me par le Chapitre, pour lui aporter le Décret de fon Éleétion, & pour obte-
XLV. ir fon confentement. Il feroit dificile de bien exprimer ce Dans quelefprit que fentit cet homme modefte , quand on lui anonça une Er Se RO Souvelle fi peu atenduë. Sa et dt fon afliétion, &
° fon embaras fut extrême. Il fe voioit dans la dure néceffité, * ou de caufer un grand fcandale dans un Ordre qu'il amoit, ou de fe voir chargé d’un fardeau dont il redoutoit le poids, parce qu'il le croioit bien au-deflus de fes forces. Mais l'hu- nilité a fes bornes , & la charité ne doit pas en avoir. Quand elle anime un cœur , elle lui rend tout poffible. Celui de no- tre Saint, en étoit véritablement rempli. Profondément humi- lié, il s'opofa d’abord à fon élévation G) 3 il pria, il gémit, & il regarda comme une efpéce de perfécution les vives inf- tances qu'on lui faifoit ; mais craignant de réfifter à Dieu même par un opiniâtre refus » il accepta enfm cet Emploi comme une pénitence, réfolu néanmoins de rentrer dans fon.
(1) Cujns ille rei nuncio perculfus , atque adventantibus , qui eam omnium & Dei animo perturbatus , primüm repugnare ve- | voluntatem effe confirmarunt, ægrè tan- “bementer cœpit ; fed provectioribus ætate | dem acquievit, ac Magiftratum iniit , &c. ac fapientià Parribus Bononià Barcinonem !Clem, VIIL. #. 22.
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 27
état, dès qu'il pourroit le faire fans bleffer fa con- cience, ni troubler célle de fes Freres. Quand, avec des talens fupérieurs & une humilité égale à fa capacité, un Supérieur fe trouve placé comme de la main de Dieu dans une Charge, dont il connoit tous les devoirs, quels avantages ne peut-on pas efpérer de la fagefle de fon ouvernement ? Cd de notre Saint promettoit beaucoup ; il eut été parfait , s’il avoit été moins court. Les afaires de tout un Ordre, déja fort étendu, & la vifite de fes Provinces que le nouveau Général entreprit de faire à pié, ne l'empé- choient pas de continuer toujours fes jeûnes rigoureux, fes longues veilles & fes autres pratiques de pénitence. Marchant avec une nouvelle ferveur fur les traces de S. Dominique, toujours uni à Dieu , & veillant fur la conduite de fes enfans, il n'omit rien de ce qui pouvoit les faire avancer dans la per- fe&ion de leur état. Sa fermeté toujours acompagnée de prudence & de douceur , l'amour de la régularité qu'il infpi- roit moins par fes difcours que par fes éxemples , & le zéle du falut des ames dont on le voioit animé, le firent jufte- ment confidérer comme le parfait imitateur de fes faints Pré- décefleurs , & le modéle de tous ceux qui devoient lui fuc- céder. L'efprit de priere & de retraite, celui de la prédica-
tion, À mess à l'étude des fciences , particuliérement des.
faintes Ecritures , toutes les ocupations de l'homme Apofto- lique parurent fe renouveller dans fon Ordre. Il eut le plai- fir d'y voir entrer plufieurs bons Sujets, & il fit pañler un grand nombre de Mifionnaires dans les pais des Infidéles , ainfi que dans la Bofnie , qui faifoit alors partie du grand Royaume de Hongrie , & qui gémit aujourd'hui fous la puif- fance des Turcs. |
Pour être toujours en état de fournir des Sujets à ces Mif- fions étrangeres , & favorifer le zéle de ceux qui travail- loient au fut des ames par le miniftére de la Prédication, le faint Général demanda deux graces au Souverain Ponti- fe. La premiére , étoit de modérer fes faveurs à l'égard des Particuliers , parce qu’elles étoient préjudiciables au Corps d'où on les retiroit pour les emploier à la conduite des a {es ou des Diocèfes. La feconde, regardoit un grand nombre d’autres 2. , qui, fans fortir de l'ordre, fe trouvoient chargés de diverfes Commiffions , tantôt par les Evêques , & tantôt par le Saint Siège même, ou par fes ce” Ces
ÿ
LIVRE I.
S. RAYMOND. Rte. 2
XLVTIE Sa vigilance dans le gouvernement de tout l'Ordre:
1.
Il prie le Pape de ne pas élever fes Religicux à l'Epif- copat, & de les dé- charger des com- miilions Apoftoli- ques.
LIVRE I.
S. RAYMOND.
Vide Bullar. Ord. T. I. p.112. 8&c,
Ibid. p. 107.
28 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
fréquentes Commiffions , quoique toujours honorables, ne pouvoient que les partager & les diftraire , en les détour- nant de l’éxercice de la priére, de l'étude & de la Prédica- tion. Saint Raymond défiroit qu’ils en fuflent difpenfés par l'autorité du Pape. Sa Sainteté lui refufa la premiére de ces demandes , & continua, felon qu'il lui parut expédient au bien des Eglifes, de prendre plufieurs Sujets dans le même Ordre pour les facrer Evêques. Mais elle lui acorda la fe- conde par un Bref du 25 d'Oftobre 1239, conçu en ces
termes.
REGOIRE , Evèque , Serviteur
des Serviteurs de Dieu: À nos chers Fils le Général des FF. Prêcheurs, & à rous les Religieux du même Or- dre, SALUT ET BE‘NEDICTION APOSTOLIQUE.
Comme la faseile de Dieu vous à donnés ay monde , pour porter aux Na- tions la lumiére de l'Evangile, fa gra- ce vous fait auffi travailler avec un zé- le infatigable , pour arriver à cette joie f] nelle qu'on ne peut aquérir que ie le repos de la contemplation, &
ar l’éxercice du faint Miniftére , dont a fin doit être votre falut éternel & celui du prochain. Mais faifant aten- tion que la variété des afaires dont vous êtes chargés, fouvent mème par le Saint Siége, vous détourne See fois de votre but principal, non fans un préjudice con dérable du {alut des ames, nous croyons devoir vous dif- penfer, & par ces Préfentes nous vous difpenfons de l'obligation d'éxercer sr se l'Ofice de Vifiteurs dans les Monaftéres , ou dans les Eglifes qui au- ront befoin de réforme , ou de faire éxécuter les Décrets Apoftoliques ; & nous ne voulons pas qu'on puille à l’a- venir vous obliger à prendre foin des Communautez des Religieufes, quand ee feroit mème par des Létres émanées du Saint Siége, fi dans ces Létres 1l n'eft fait expreffément mention de la Difpen£e que nous vous acordons par
REGORIUS, Epiftopus,
S'ervus Servorum Der : Dilec- tis Filiis Magifiro C Fratribus Ordinis Fratrum Pradicatorum , SALUTEM ET APOSTOLICAM BENEDICTIONEM.
Infpirationis Divine gratia fa- ciente, vos , quos in lucein gentiuin Dei fapienrta dediffe dignofcitur , ad boc continuis defudaris affeétr- bus , ut fhiritualem confequendo le- titsam , que per quietem contempler tionis æcquiritur , © predicationis facre fludio obrinetur , fic decurra- tis prefentis vite fpatium , quod an- sacute Jefu-Chriffs clementia, vo- bis tardem ac proxunts proventat gloria perpetue claritatis. Digne igitur , quia per ea quæ vobis a Se- de Apoftolica committuntur , prin- cipalis veftré propofits ronnunçquan executio impeditur , € non modi- cum faluti detrabitur antnarum , auctoritate Apoflolica vobis preftn- tium indulgemus , nt ad correttio- nis, feu vifitationis officium , Mo- nafleriis,vel Ecclefiis impendendum, necnon ad executiones caufarum © denunciationes excommunicatorum Procedere , vel rectpere curam AMo- nialium , [eu Religrofarum qua- rumlibet , nulli Fratrum veftrorum de extero per Litreras Apoflolicas teneantur , nifi exprefse de bac in- dulgentia fecerint MENTIONEM vos.
2
mm —- —
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. :9
Datum Anagnie VIII. Cal. No- celles-c1......Donné à Anagni le huitié- vembris, Pontificatis noflri anno me des Calendes de Novembre , la tertio decimo. treiziéme année de notre Pontificar.
Les Succeffeurs de Grégoire IX dérogérent bientôt après à ce Bref ; & dans toute la fuite de l'hiftoire de notre Saint,nous verrons de combien d'importantes Commifhons les Papes con- tinuerent à l’honorer , ou à le charger lui-même. Nous ne trouvons pas cependant qu'il en ait accepté aucune pendant le peu de tems qu'il fut à la rête de fon Ordre; fans doute, par- ce qu'il étoit perfuadé , que pour remplir dignement tous les devoirs de fa Charge, il ne devoit point partager fes aten- tions. Comme il les avoit portées d'abord à maintenir la régu- larité dans fa premiére vigueur , à prévenir fagement , ou à écarter les abus par la plus éxaéte obfervation des loix ; il voulut que dans ces mêmes loix, il n’y eût rien qui pût caufer de la confufion ou de l’'embaras. Dans ce deflein, 1l entreprit d'expliquer les Conftitutions ou les Statuts de fon Ordre : il les rangea avec plus de méthode, éclaircit ce qui pouvoit s'y trouver d'obfcur ou de douteux. Ce Recueil ou cette efpéce de Code fut enfuite reçu & autorifé par trois Chapitres Gé- néraux. |
Dans celui que Saint Raymond affembla à Paris aux Fêtes de la Pentecôte 1239 , il propofa & fit aprouver un Décret, felon lequel on s'obligeoit d'accepter la dois ou ceflion volontaire d’un Supérieur, lorfqu'il auroit de juftes raifons de fe démetre de fa Charge. L'habile Général ne laiffa pas alors entrevoir le deffein particulier qu'il ne perdoit point de vüé. Mais dans le Chapitre , où il préfida l’année fuivante à Bologne, 1l ne manqua pas de faire ufage de ce même Dé- cret, pour Mur ra Ses infirmitez & fon âge de foixante-cinq ans fembloient en éfet peu compatibles avec la grandeur du travail & la maniére,dont il continuoit à faire fes longs voyages dans les diférens Royaumes de l'Europe. Cette démiflion ne laiffa pas de caufer une aflidion générale dans l'Ordre de Szint Dominique (+) ; & felon quelques Hif- toriens , les Définiteurs qui l’avoient acceptée , furent eux- mêmes privés de leurs roue dans le Chapitre de 1242.
(1) Cüm integro biennio fanétiffimè , & | privatæ avidiflimus, Magiftratu mœrenti- magna cum laude adminiftraffer……affec- Fe omnibus fponte fe abdicavit. Clem, tam ætatem , infirmamque valetudinem in- | VIII, n. 22.
cufans , priftinæ nimirum quietis , vitæque
D ü
LIVRE I.
S.RAYMOND. SRE
LI.
S. Raymond ex- plique les Coniti- tutions de fon Or-
Ce
LIT.
Il aflemble deux Chapitres Géné- raux , & fe démec dans le {ccond.
30 HISTOIRE DES HOMMÉS ILLUSTRES
LIVRE Pour prévenir de femblables cas, on crut devoir expliquer L. le Décret qui avoit été fait à Paris trois ans auparavant & il S. Raymon». fut déclaré, que déformais on ne pourroit accepter la ceflion "==" volontaire d’un Général,que pour Les mêmes raifons pour lef- quelles on pouroit , felon le Droit, le dépofer. Il étoit na- ture] d'entendre ainfi ce Décret; mais Saint Raymond n’a- voit eu garde de donner lui-même une explication qui au- roit infailliblement rompu toutes fes mefures. LIL. Les travaux continuels aufquels il fe livra pendant les tren- go UElss._ oenpa- te-cinq ans qu'il vêcut encore , firent aflez conoître _ ce " n'étoit point la peine,mais l'honneur de commander qu'il avoit voulu éviter par la démarche qu'il venoit de faire. Plus apli- qué que jamais à tous les éxercices d’un parfait Réligieux , & aux fonétions de la vie Apoftolique , on le voyoit toujours ocupé ou à écrire,ou à prècher, ou à entendre les confeffions, ou à répondre à tous ceux qui venoient lui propofer leurs peines & leurs doutes. Mais cette fuite d'ocupations ne l’em- êchoit pas de fe ménager de prétieux momens pour traiter Feul à feul avec Dieu dans le fecret de la folitude. Il profita de fon loifir pour former divers projets qu'il éxécuta dans la fui- te , foit pour conferver la pureté de la Foi parmi les Chré- tiens d'Efpagne , à qui la fréquentation des Infidéles étoit fu- nefte , foit pour faire anoncer avec fruit les véritez de no- tre Religion aux Juifs , aux Sarafins & aux Hérétiques. C'eft ici fans doute que nous devons placer une feconde Létre que cet homme rempli de zèle écrivit à Saint Pierre No- lafque , pour l’'exhorter à continuer toujours fes fervices à fon Ordre,dans la place où fa vocation & la volonté de Dieu lavoient établi. Raymond apréhendoit que le faint Fonda- teur ne fût tenté d’imiter fon éxemple , en préférant le repos de la vie privée au bien qu'il pouvoit faire sh la Charge de Supérieur. Ce fut pour le détourner de ce deffein qu'il lui adrefla cette Létre , où on peut admirer tout à la fois la cha- rité ingénieufe du Serviteur de Dieu , fa profonde humilité, la haute idée qu'il avoit des vertus de Saint Pierre Nolafque, & fon amour perfévérant pour un Inftitut à la gloire duquel LT: M-Biblio.Hi. 1] ne pouvoit cefler de s'intérefler. Nicolas Antoine dans fa - iv. ‘© Bibliothéque d'Efpagne a parlé avec éloge de cet Ecrit, dont les RR. PP. de la us confervent encore l'original dans les Archives de leur Couvent de Barcelone. Nous le don- nons ici avec fa traduétion.
D ment enete en
ne + ne en mn =
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 3:
Rater RAY MUNDUS DE PEN- À NAFORT, venerabils Fratri Psrro DE NocaAsco, Dominus
omnipotens clemens ; precibus
Genstricis femper Virginis Marie Cuflodiat aninam tuam.
. {nomnibasmemoriam tuifaciens, charifime & defideratifime Pater , ut commiffum tibi gregem cuflodias femper C proregas ; indefeffoque ansmo pAÎCUAS pinqgues ; 4GUAM Vi- te tribuens, perficias opus Domini u{que in diem Chrifli Jefu ; neceffe babui banc tibi [cribere. Cum enim certo ftias diverfas effe cœlorum vies, Jesundum diverfas vocationes,nollens a te me miferum imitari, qui. con[- titutus ab hominibus , & in fupre- mu Religions oficium affsnprus , ab eo me abdicavi , non ut vacarem otio, fed ut inutilis fervus, que S'anitorum C virorum nominatorur Junt , vane non tenerem. Timui ta- men ne © tu alios reputans melic- res , st ofationt vacares , quod de- bus ego facere , faceres. Ego affum- ptus ab hominibus , tu tamen a V'ir- gine cœlitus eleëtus, fic cœlum ob- Jerva, quia ut elicereris è cœlorum sulmine deftendit V'irgo. Parce mi- hi, quefo, Pater chariffime , € te- meritats ne que auis, adftribas. Ego inutilis, © tu bonus ; tu viam veritatis tenens , & ego ficut ovis érrans. Ores, obfecro, tuam cha- rifimam Matrem, ut mihi negli- £entias in tanto cominiffas officio ig- nofcat. Gaude, Frater charifime, © noli fuper tibi commiflum gregen ?riflari : non enin ribi affump/fiffi bo- ._horem , neC virge florentis indicio ,
fed Matris fanitifima defcenfu. Cui “ensm aliquando Paflorum dixit [’ir- go : Pafte agnos mcos ? Forte ergo - Virgins contradices ? Non ego hoc fpero. Rogo ergo te per Virginis fanc- time vifiera, ur fuum tibi com-
Rere RAYMOND DE PEGNAFORT
au vénérable Frere Przrre No- LASQUE : Que le Seigneur tout puif- fant & miféricordieux continue tou- jours à écouter en votre faveur les pric- res de la Vierge mere.
Comme je ne mon très-cher & bien-aimé Pere , j'ai cru qu'il étoit de mon devoir de vous écrire cette Létre , pour vous conju- rer d’avoir toujours ee le troupeau qui vous a Été confié le mène zéle , la même vigilance , & les mêmes aten- tions à le éonduire dans de fertiles pa- turages , où 11 trouvera l’eau falurai- re de da vie ; tandis que de votre côté vous continuerez à perfectionner l’œu- vie du Seigneur , jufqu’au jour de JE- sus-CHRisr. Pufque vous n’ignorez pas que les chemins qui conduifent au Ciel font diférens, felon la diverfité des vocations, vous ne devez point fuivre mon éxemple ; car il n’eft rien £n moi qui mérite d'être imité. Le choix des hommes m'avoit élevé à un trop haut déoré, j'en fuis décendu, non pour me livrer à l'oifiveté , mais pour ne pas ocuper inutilement pne place qui ne doit être ER que par des Saints, ou par des Perfonages que leurs talens rendent recommandables. J'ai cependant apréhendé que trop prévenu en ma faveur, vous ne fufliez peut-être tenté de faire , pour vaquer à la con-
templation, ce que je n'ai fait que
pour travailler plus sûrement à mon falut. Mais nous ne fommes pas vous & moi dans Li mème fituarion. Je l’a déja dit , j'avois été élu par les hom- mes, & votre élection vient du Ciel ; c'eft de la glorieufe Vierge que vous avez eu le bonheur de ee Par- donnez-moi , mon cher Pere, & ne me condamnez point de témérité, fi je vous dis ce qui eft vrai. Je ne fuis
u’un ferviteur inutile, ou’ une brebis égarée ; mais la grace qui vous fait re-
uis vous oublier ,,
LIVRE I.
S. RAYMOND. 0 = ir 4
Vide Bullar. Ord, FF. PP. T.L p.522
Livre I.
S. RAYMOND. VARIE
32 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
nir ferme dans le chemin de la vérité, vous rend utile à tout. Obtenez-moi par vos pricres le pardon de toutes les fautes, que la négligence m'a fait com- mettre LT mon Emploi. Mais pour vous,montrès-cherFrere,réjoiiflez-vous dans le Seigneur , ou du moins ne vous afligez pas de vous voir à la rèce de vo- tre Ordre ; car ce n'eft n1 par votre pro- pre choix , ni à la marque d’une verge qui ait fleuri comme celle d’Aaron , mais par l'Oracle même de la Mere de Dieu que vous yavezété placé. A quel autre Pafteur cetre Reine des Vierges a-r'elle dit : paiffez mes Agneaux ? Vou- driez-vous réfifter à fes volontez ? C’eft ce que je ne pee penfer de vous. Je vous conjure donc par le faint amour que nous devons tous avoir pour cette B. Vierge, de ne jamais abandonner le troupeau dont elle vous a donné le {oin.
Lorfque Jesus - Carisr choififloit l'Eglife pour fon Epoufe route belle, fans tache & fans ride, il l’établic fur la charité du Prince des Apoôtres, com- me fur la pierre ferme. Pierre , m'ai- mez-vous? C'eft ce que le Sauveur lui demanda par trois Bis: & après trois proteftations de fon amour , Pierre fut chargé de la conduite de l’Eglife. Nous avons vü cet Apôtre plus empreflé à
rouver fon amour , qu'embarraflé du Le dont on le chargeoïit. Lorfque la charité eft le ciment qui unit les pierres de l'édifice fpirituel , les plus grandes tentations ne fçauroient les défunir , ni tous les éforts de l'Enfer les féparer. D'où vient donc que ce prenuer des Pafteurs ne craint point de prendre la conduite de tout le Troupeau de JE- sus-CHrisr, lui,que la voix d’une fem- me a été capable de renverfer? Sans doute au’éclairé de la Foi, & animé d’une charité fincére , 1l fçavoit que fi nous devons tous craindre de notre propre foiblelle , nous devons encore
miffum gregem cuflodias. Cam fibi fpecivfifimam deligerer Chriflus fponfam , fine macula © ruga , decoram nimis, [upra petram eam confliruit, © in Petri amore folidavit. Petre, amasme ? Et cum triplics teffimonio amorem probaf[ér, eam fib cuffodiendam tradidit. Pe- trum vidimus de «more , non de cu- ra anxium : fi entm amore conglu= tinantur lapides vivi edificii, ten- tatione baud [tinduntur 'inferno to- to non triflantur. Quare ergo Paf- tor tlle non timet [uper Domini gre- £&em vigilare, qui dum oleo amoris Fider lampades promitrit accendere, infufflante adoleftentula errorisnote extinxit ? Nifiquia amore illuffrans vordis pervigiles lucernas Fidei ma- £!s tlluceftentis amore , fhei aures debet praeffare , quam de [ua inna- ta infidelitatis inconffantia perhor- refcere. Ils fileus foliditatem Fidei in ejus ançulari lapide predixit ; tibs Mater obfequium Yui amoris gratifimum Filio effe monfiravit. Reminiftere, Pater charifime , illius felicifime noctis cui arrifit aterna dies | Cum ego tuts Meritis failus [um cœleflium civium confors. Cüm eam vidimus cujus pulchritu- dine Cœlt faiti funt gloriofi; cujus decore fol © luna letantur. Unde enim potes triflars , fi fic te letifr carunt Angelici Chor: , jucundarunt afpeëlus illius , que © V'erbum con- cepit @ Trinitatem bonoravit ? Deftenditne anquam Virgo , ut per- deret ? Jino ut perditos revocaret , que difperfos congregat , congregan- tes ad fe quomodo aufugere poteft , quos cœleffi amplexs inamifibilirer ad feneitit? Prebe bumeros, ne 4 fufcepre officio detrahas manus , ne am smprudentem doceas , cujus [a- pientia omnia conflant mutabilia & traufitoria firma , © flabilia perfe- Vraie
me ne — PEER 0
::DE L'ORDRE DE $ DOMINIQUE.
verant. Numquid noy es impruden- tés fériberetur, parvi ponderis ho- minem ad magni officti onera fuble- vafle , eveilum a fe, quem ftrebat defetturum. |
Si bumilitatis fpecie a Virgins officio volueris te abdicare , motum
cœli fequere, reverenter priflinam
vocationem intuere : non enim eff fenilus motus anins , viam Domint non pertranfiens, cujus femitam cœ- li indixerunt. Perfice igitur viam tuam ; imo melins dicam Domini : quia qua te ad tantam dignitatem dignata eff fublevare , inde te a cœ- lefli gloris non dejiciet ; [ed perdu- cet, ubi cum Trinitate glortatur in facula fxculorum. Amen. Salut f- dios tuos, © fratres meos nomina- tim. Barcinone.
33
plus efpérer du fecours divin. Le Fils de Dieu promit à fon Apôtre que fa foi , fondée fur la pierre angulaire , ne feroit point ébranlée ; & la Mere du Sauveur a bien voulu vous aflurer
que le Miniftére de votre charité étoit
très-agrcable à fon Fils. Rapellezvous, mon très-cher Pere, le fouvenir fi confolant de cette heu- reufe nuit,qu'un rayon de l’Eternité pa- rut éclairer. Lorfque vos mérites me firent moi-même participer au bonheur des Citoyens du Ciel. Je veux dire, lorfque nous fümes honorcs l'un & l'autre de l’aparition de celle, dont la divine beauté éface tour ce que le fo- leil & la lune ont de brillant ou de beau. Comment pourriez-vous céder à la trifteffe , après avoir été ainfi confolé par les chœurs des Anges, & par les favorables regards d’une Vierge qui a
conçu le Verbe & honoré la Trinité? Eft-ce pour la perte de quelqu'un, mais n'eft-ce le plutôt pour le falut de ceux qui périfloient, que la Mere de miféricorde a daigné fe montrer à fes ferviteurs ? Eh , comment pour-
LIVRE I.
S.RAYMOND. Me 7 1. 4
roir-elle permétre que les Fidéles qui lui font fi fortement atachés par les | faints liens de la Charité ;: manquaffent du fecours qu’elle procure à ceux-
mèmes qui s’étoient éloignés de fon fervice? Pliez donc vos épaules fous le fardeau, de peur qu’en voulant vous en décharger , vous ne paroifliez acufer d’imprudence celle dont le Fils eft la fagefle même , qui rend ferme & toujours ftable ce qu'il y a de plus foible ou de plus changeant. Ne feroit-ce pas fe défier de la fageile & de la bonté de Dieu, que de s’'imaginer qu'il eùt voulu confier un Emploi fi important à un homme foible , en le laiffant à fa propre foibleffe : Si c’eft un fentiment d'humiliré » Qui vous porte à vouloir quiter le rang ue vous.tenez , fouvenez-vous au moins de quelle maniere vous y avez Cré apellé : & foyez perfuadé que ce qui éft contraire à la vocation divine, ne peut ee venir de Dieu. Quand le Ciel a une fois montré la voye; il n'eft plus permis de s’en écarter. Fourniffez donc votre cariere j ou plu- tôt achevez conftanment l’œuvre du Seigneur; & ne doutez pas que la main qui vôus a élevé, ne fe ferve de certe même élevation pour vous faire ariver à la gloire, qui vous eft préparée dans le fiécle des fiécles. Ainfi {oit-il. Saluez tous vos enfans, qui font auffi mes freres, À Barcelone. *
1238 , il ne pouvoit quatre ans auparavant parler des motifs, qui l'avoient porté à ab- diquer cette Charge. Mais la méprife d'E- ticnne de Corbera cft fans conféquence. L'a-
nachronifme n'eft-que dans la pr le dé-
. .# L'original de certe Lettre eft {ans date : & un Efpagnol moderne qui s'eft avifé d'en dater une copie de l'an 1134, s'eft vifible- ment trompé. S. Raymond de Pesrafort n'ayant été fait Général de fon Ordre qu'en
Tome LI.
Vide Builar, Ord T. 1. p. 525.
34 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
Livre S. Pierre Nolafque fe rendit en partie aux confeils , ou aux L. preffantes follicitations de fon ami. Ÿ A. réfolu qu'il fût S.Rarmon». de fuivre fon éxemple , il refpelta fes avis; mais fans qui- =” ter abfolument la place qu'il ocupoit , il ft élire un Vicaire Bailler, 31 de Jan. Général de l'Ordre , pour le foulager dans fes vifites , & par- vicr. taver avec lui les autres fonétions de l'Ordre. | LIV. Tandis que ce faint Fondateur , toujours animé d’une cha- S. Raymond tra- rite infatigable , continuoit de procurer la liberté à une mul- vaille à laconver- . r - fon des Infidéles. titude de Chrétiens captifs chez les Maures, Raymond de Pe- gnafort ne travailloit Fe avec moins de zéle à Rise connoître à ces mêmes Infidéles fe nom de Jefus-Chrift, & les véritez de fon Evangile. Ses miflions étoient continuelles dans diféren- tes Provinces d'Efpasne, où les Sarafins fe trouvoient encore en grand nombre ; & il perfuada à fes Freres de faire la même chofe fur les Côtes d'Afrique. Mais pour donner de nouvelles armes aux Prédicateurs de la Foi , & rendre ainfi leurs Pré- LV. dications plus éficaces , il employa deux moyens , qui fervi- IlencageS. Tho- rent beaucoup au progrès de l'Evangile. Il pria Saint Thomas mas d'Aquin 4 d'Aquin , dont la réputation étoit déja grande dans l'Eglife , Gentils, & fair é- de faire un Ouvrage, où on trouvät une expofition claire & blir l'éude des méthodique de toutes les véritez de la Religion Chrétienne , Langues Orienta- , / kes dans quelques aVeC leurs preuves , & la réponfe aux argumens des Infidéles. Maifons de fon Le faint Doëteur prit aufli-tôt la plume ; & écrivit fes quatre Piste Livres de la Foi rholi ue, ou la Somme contre les Gentils. Raymond de Pe rm reçut le premier cet Ouvrage com- me un préfent du Éel. Mais il étoit perfuadé, que pour enre- tirer tous les avantages qu'on fe LUE 3 ; il étoit nécef- faire que ceux qui anonçoient l “vangile aux Juifs & aux Maures , fuflent eux-m êmes en état d'entendre > & de parler leur langue, de lire, & d'éxaminer les Ecrits de leurs Doc- teurs. Les Rabins furtout , pleins de mépris pour le refte du - Genre-Humain, ne peuvent guères fe ni à écouter les
Etrangers, ni à lire leurs Ouvrages ; & 1l eft toujours dificile.
de les convaincre , fi on ne poñède affez parfaitement la lan-
ue Sainte, pour difputer avec ceux qui font acoutumés à f, parler , ou À aa repondre fur le champ aux dificultez , qu'ils tirent de la fiunification naturelle, ou arbitraire , de certains faut de date dans l'original, n'eftpas un juf= | leurs Letres.. Nous en trouvons bien des re fujec de douter de la vériré de la riéce. Les | Exemples dans le Tréïor des Anccdotes de Savans n'ignorent pas que dans le treizié- | Don Miartenc, & das le Recucil des Pié- me fiécle , les Particuliers n'étoient guéres | ces, que nous a donné le céicbre Monteur en ulage de marquer le jour & l'année de | Baluze.
DE L'ORDRE DE S: DOMINIQUE. 3;
termes. Il falloit donc mettre d’abord les Miniftres de l'Evan- LIVRE
gile en état de ne point craindre les fubtilitez de leurs adver- {aires , & de profiter même de ce qui fe trouve dans leurs Au- teurs de favorable à la vérité de la Religion. Dans ce deffein, S. Raymond fe fervit de la confiance, dont l’honoroient les Rois d'Aragon ; & de Caftille, pour engager ces Souverains à fonder deux Colléges en faveur des Religieux de Saint Do- pp , l'un à Tunis, & l’autre à Murcie. Les Infidéles mê- mes favoriférent fes défirs : car, dit un ancien Auteur, la ré- putation de fa fainteté étoit fi grande, que les Princes Mau- res, & le Roi de Tunis en particulier , recherchoient fon amitié (1). Raymond de fon côté répondoit à leurs civilitez ;, & 1l profitoit de tout pour la propagation de la Foi. Il choifit les À habiles Maîtres dans les langues Orientales ; & les Religieux , qu'il deftina lui-même à cette étude , s’y apliqué- rent avec beaucoup d’ardeur , & de fuccès. | Avec ce nouveau fecours , ils firent d’abord des fruits très- confidérables par leurs prédications , & par leurs conféren- ces. Comme fi le progrez de la Religion eût été en quelque maniere atache à la connoiffance des langues , on voyoit avec plaifir qu’à proportion que nos Prédicateurs étoient plus
inftruits dans celles-ci , ils faifoient goûter & embraffer toutes
les véritez , que celles-là nous enfeigne. C'eft ce qui a fait di- re depuis ME Clément VIIT, qu’en établiffant l'étude de l'Arabe , & de l'Hébreu dans les Maifons de fon Ordre, Saint Raymond avoit également contribué à la gloire de l’Ef- pagne , & à celle de J'Eplife , par la converfion (2) d’une
rande multitude de Gentils. Dès l’année 1256, le Serviteur de Dieu, écrivant au Pere Humbert, cinquième Général de fon Ordre , ne craignoit pas d’aflürer qu'il y avoit déja plus de dix mille Sarafins | qui avoient demandé la grace du Ba-
I.
SRAYMOND À |
ê&c
LT. Fruits de ce fage utile Etablifles
ment.
7
tème , parmi lefquels on en connoifloit plufieurs fort diftin-
gués par leur fçavoir.
(1) Ipfe, S. ras , quibufdam ‘ut ei facilius effet, Seminarium , in quo non-
. Maurorum principibus, ipfique Tunetano Regi notus, crat , quà ratione Janua amplior aperiebaçur Evangelio. À4p. Boll. p. 412. nor. m. h - (2) In procuranda Hcbræorum , & Sara- cenorum falute, magno charitatis ardore femper incenfus fuit ; omnemque operam dedit ad eos fidei chriftianx documentis ex-
aulli fui Ordinis Religiofi Hcbraico, & Ara- bico fermone erudirentur , Caftellæ & Ara- gouiz Regum impenlsinftituit. Quod opus
toti Hifpaniæ ornamento, atque Infideii-
bus adjumento fuifle, ex eo fatis conttat, quôd illius ope atque auxilio inyenscorum multitudo chriftianam Relisionem amplexa fit, &c. Clem. VIII. ap. Boll. T. 1, p. 412.
colçndos, ac pro viribus adjyvandos. Quod ! 7. 27,
E 1
Ibid. not. æ,
Malven. in And. p.. 2,
LIVRE L.
S.RAyMoxpo. Lo ns LVIL Le Concile géné- ral de Vienne en rcconnoit l'utilité.
LVNI. Arsations de S. Raymond en fa- ver dCS NOUYCAUX
Chéricns.
: LIX.
. Ji confcille au Roi d'Aragon de chafler de fes Etats, les Juifs & les Mau- res obibinés.
les alimens à ceux qui étoient dans lindigence. (2).
36 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
Nous aurons ocafion de faire connoître plufieurs illuftres Difciples de notre Saint, qui, devenus habiles dans l’érudition Rabinique , firent glorieufement triompher la Foi, & triom- phérent eux-mêsnes de l’orgueil des plus fameux Rabins.Il fufit de remarquer ici avec le fcavant François Penna , que ce futà limitation & fur le modéle des Etabliflemens dont nous ve- nons de parler, quele Concile Général de Vienne dansle fiécle fuivant,ordonna que dans le Collége Romain & dans les Uni- verfitez de Paris, d'Oxfort & de Salamanque , il y auroit déformais des Profeffeurs publics, chargés d'enfeigner les lan-
es Orientales , pour faciliter la Converfion des Infi-
éles (1).
Celle des Maures & des Juifs, qui, après avoir été régéné- rés en JESUS-CHRIST , conformoient leurs mœurs à la pu- reté de fon Evangile, étoit un grand fujet de confolation pour l'Eglife , & la matiére d’un nouveau mérite pour Raymond de Pegnafort. Comme fi tous ces nouveaux Chrétiens euf- fent été fes enfans, il avoit pour eux Pamour & les atentions d’un pere. Non content de les inftruire avec bonté de tout ce qu'ils devoient crotre , & pratiquer pour arriver au falut , il entroit dans la connoiflance de tous leurs befoins , même cor-
orels ; & 1l employoit volontiers fon crédit pour procurer | ne cha- rité fi bien placée, fervoit à afermir ces Néophites dans les bons fentimens , que la Grace leur avoit déja infpirés , & augmen- toit tous les jours le nombre des converfions.
On en voyoit cependant qui réfiftoient toujours opiniâtré- ment à la prédication de la Foi. Et parmi ceux qui avoient paru l’embrafler, on pouvoit comter bien des hypocrites , Chrétiens à l'extérieur , & toujours Juifs ou Mahométans dans le cœur. Leur inconftance naturelle & leur efprit re- muant, toujours porté à la trahifon ou à la révolte, faifoient tout craindre pour le repos de l'Eglife & la füreté de l'Etat. Don Jäques], crut qu'il ne falloit rien négliger pour prévenir
(1) Ex hoc Raymundi inftituto non mul- tis poft annis profluifle puramus Decrerum Concilii Viennenfis, quo fancitum fuit, ut
in ftudiis , feu Univerftatibus Romanæ Cu-
riæ, & Parifienfi in Gallia, & in Oxonienfi in Anglia, & in Salmantina in Hifpania conftituerentur Profeffores linguarum He- braicæ, Arabicx & Caldeæ periti, qui lin- guas cafdem docerent ad Infideles conver-
‘ rendos. Penxa in not. #4 C, 29. Lib. I. Vita S. Ray. p. 68. Vide Bullar. T. V. p. 592. (2) Ncophytos non minori charitate, doctrinæ Chriltianx præccptionibus imbue- bat B. Raymundus, atque tam afliduus erat in illis inftituendis , ut eorum parens efle vidcretur ; & ne alimenta cis ad viétum ne- cellaria decilent , undique cleemofynas cor<
rogabat, Cle. VIIL, in Bud, Can. n, 27,
0, EE ee ne RE eng
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE 7
teurs mauvaifes intentions : de l'avis de Saint Raymond & de fes plus fages Confeillers , il fit publier un Edit, . ordon- ner aux Juifs & aux Sarafins répandus dans les Terres de fa Domination, ou d’abandoner fincérement leurs erreurs & de ne faire plus rofeffion de l’Alcoran n1 du Talmud, ou de for- tir de l’étenduë de fes Royäumes, dans un certain tems qui leur fut prefcrit. Le grand nombre prit le fecond parti. Ils abandonnérent les anciens Etabliflemens qu’ils avoient dans les Ifles de Major- e & de Minorque , ou dans les Royaumes de Valence & d'Aragon , pour fe réfugier , les uns en Afrique , & les autres dans le Royaume de Grenade. Leur retraite fit mur- murer les Politiques : ils prétendoient qu’on avoit afoibli l'E- tat, en le privant de ce grand nombre de Sujets , dont plu- fieurs étoient riches & induftrieux. Mais ni leurs: raifons ni leurs plaintes , ne firent aucune impreflion fur l'efprit d’un Prince habile dans l’art de régner. Jiques É parut toujours fi perfuadé de la néceffité de fon Edit, qu’une des chole qu'il recommanda à Pierre IT, fon fils & fon fucceffeur, fut de ne comter jamais fur la fidélité des Juifs ou des Saurafins, Na- tion toujours perfide, incapable de refpeéter les Loix des Princes Chrétiens, & de fe foumettre fincérement à leur auto- rité. Les Rois Catholiques éprouvérent dans la fuite combien ce confeil étoit fage : & l'expérience les obligea de s’y con- former après la conquête du Royaume de Grenade. oh dant lexpulfion de cette multitude d’Infidéles n’avoit pû en- tiérement rétablir les afaires de la Religion dans les Royau- mes d’'Efpagne. Les hérétiques Albigeois , chaflés du Langue- doc vers le commencement du fiécle, avoient pénétré me quelques-unes de ces Provinces. Et après y avoir jété les fe- mences de leurs erreurs , 1ls s'éforçoient de les acréditer & de les répandre. Les artifices pleins d'impiété, dont fe fer- voient les Seétaires , pour en impofer à la fimplicité des Peu- ples & mettre la confufion dans l'Eghife , paroiffent à peine croyables, Îls montrent du moins la néceflité des moyens que Saint Raymorid fut obligé de prendre, pour arrêter ces crimi- nelles pratiques & en prévenir les fuites. Ce que raconte Ma- fiana après Luc , Evêque de Tuy , mérite d'être raporté en ce lieu. : : - Après la mort de Don Rodrigue , Evêque de Leon, le Clergé n'ayant pü s’acorder fur le choix de celui qui devoit E 1
LIVRE I.
S.RAYMOND. à À
Mariaira , hift. d'Efp:; | Liv, xvI, pag. 150.
LX. Hérétiques refu- giés en Efpagne,
LIVRE E.
qe ess S'RAYMOND.
D
LXI. Leurs artifices pour féduire les Fi- déles.
Mariana, hift.d'Efp. Liv. XII. p.680.
ibid
38 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
lui fuccéder ; cette Eglife demeura long-tems fans Pafteur. Les Hérétiques toujours ennemis de la vérité & de la paix, profitérent de l’ocafion pour fe gliffer dans le pais,& se rer le Troupeau de JEsUs-CHRIST. Ils ne manquérent ni de
rétexte , ni d'adrefle , ni d'intrigue. Par le moyen de leurs
miffaires {ecrets,ils publiérent d'abord qu'il fe faifoit tous les jours un grand nombre de miracles dans un certain lieu très- infeû , où on avoit enterré depuis eu deux fameux Scelé- rats. L’un étoit mort dans l’hérefie, & l'autre, convaincu de parricide , avoit été condamné par la Juftice à être enterré tout vif. Affez près de cet endroit, couloit une fontaine, dont les Hérétiques trouvèrent le fecret de roupir les eaux, pour perfuader au Peuple crédule,que ces eaux étoient miraculeu- fement changées en fang. Bien-tôt le bruit du prétendu mira- cle fe répandit de toutes parts. Les moins précautionés en voulurent être les premiers témoins , & ils fe laifférent fur-
rendre. Ceux , que les impofteurs avoient corrompus par [ argent , feignirent d’être aveugles , fourds , muëts, boiteux, poflédés du Le , Ou ataqués de plufieurs autres maladies dangereufes. Ils fe traînoient eux-mêmes , ou ils fe faifoient porter en ce lieu apellé Saint. Et dès qu'ils avoient bù de cette eau , ils publioient qu'ils avoient éte guéris; & crioient au miracle. Les autres, trompés par ces fourbes, contribuoient fans le favoir à entretenir l’impoñture.
Tels furent , continue l’Hiftorien Efpagnol , les commen- cemens ou les premiers artifices qu'employérent ces hommes facriléges , pour infpirer au Peuple leurs erreurs &c faire re- cevoir leurs blafphêmes : car alors déterrant le cadavre de l’'Hérétique, ils l'expoférent à la vénération des Fidéles , com- me le corps d’un faint ge Plufieurs Ecléfiaftiques , pe ignorance & fous prétexte de piété , favorifoient la ac e- rie des uns , & la be crédulité des autres. Enfin la foule du Peuple qui acouroit en ce lieu, devint fi grande , & la profu- fion des aumônes fiabondante , qu'on y bâtit une efpéce d’E-
life , ou plutôt de Forterefle , pour y mettre en füreté les os es Scelérat , qu'on montroit comme de précieufes reliques honorées de plufieurs miracles. Lorfque les Seétaires virent le {uccès de leur fourberie , ils déclarérent toute la rufe. Mais ils n’en parloient encore qu'à leurs plus dévotés Partifans. De-là, les uns êc les autres prenoient ocafion de fe moquer du çulte que l'Eglife rend aux Saints, & de regarder comme aus
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 39
tant d'impoftures tous les miracles opérés par la vertu de leurs reliques. Ils ne trouvoient que trop de gens grofhers : ajoü- toient plus de foi à leurs difcours, _ l'autorité de l'Eglife. Après avoir été trop crédules, ils devenoient Apoñtats. Selon l'Evêque de Tuy , les FF. Prêcheurs , ayant enfin de- couvert le facriléce artifice de ces Hérériques , entreprirent de défabufer le Peuple, & par leurs à , & dans leurs entretiens. Les FF. Mineurs fe joignirent à eux, aufli- bien que plufieurs pieux & favans Ecléfiaftiques , qui ne s’é- toient point laiflé A : & 1ls travaillérent tous de con- cert à inftruire les fimples qu'on avoit féduits. Mais envain voulurent-ils les FER ce culte diabolique , & leur en montrer l'illufion. Les efprits trop prévenus étoient fi entêtés de leur prétendu Saint & de fes faux miracles, qu'ilsne vou- loient rien écouter ; leur aveuglement alloit + ci auntel excez, qu'ils traitoient d’'Hérétiques les Religieux de S. Do- minique & de Saint François, & tous ceux qui travailloient à leur converfion. Les Evêques zélés pour la pureté de la foi, voyant que le mal gagnoit toujours, pets des Sentences d'excommunication contre ceux qui iroient dans ce lieu de profanation. Mais leur zéle,leurs menaces, & leurs cenfures, étoient également inutiles : on fe faifoit un honneur de les méprifer. Et on eût dit que le Démon s’étoit rendu maître de l'efh rit du Peuple, ou qu'il avoit enchanté ces enfans rébéles à l'Eglife. uN Par ce récit du célébre Luc de Tuy , on peut voir, ajoûte Mariana, que l’héréfie s’étoit gliflée bien avant dans l’Éfpa- ne , & y avoit jété de profondes racines. En éfet, fi le Ro aume de Leon:en étoit déja f1 infeé ; celui d'Aragon, & la RÉ de Catalogne en particulier , avoient été fans doute les premiers expofés au venin des Albigeois, qui s'é- toient fouvent montrés dans tous ces pays , à la fuite du Comte de Touloufe, Raymond VI, ami & Allié de Don Pier- re d'Aragon. . , —. Mais l'Héréfie n'étoit pas le feul fleau dont l'Eglife d'Efpa- gne fut alors afligée. Parmi une foule de Juifs & de Sarafins, ui , après l'Edit du Roi , avoient publiquement abjuré le Ju- daïfne ou les impiètez de Mahomet , on en connoifloit plu- fleurs qui n'avoient fait cette démarche , que pour conferver leurs établiffemens , & 1ls n’étoient rien moins que convertis. Non-feulement ils continuoient à pratiquer en fecret toutes
LIVRE I.
S.RAYMOND. À
Ibid, P. 681.
Ibid, p. 684
LXTI. Faufle converfion de quelques Infidk -
les.
40 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE leurs anciennes fuperftitions ; mais leur commerce avec les L. Chrétiens devenoit fouvent contagieux , & en pervertifloit S.RayMon». plufieurs. ; =” els furent les motifs qui portérent Raymond de Pegna- fort à propofer au Roi d'Aragon l’établiflement de l’Inquifi- LXTIT. tion dans fes Etats (1). Le Prince y confentit ; & les Prélats Etabliffement de d R bi _| 2 d , À l ! 4: d’ T 1b a l'Inquifition dans du Royaume, bien-loin de s’opofer à l'éreétion d’un Tribu le Royaume d'Ara- nal , qui fembloit diminuer leur autorité en partageant leurs 89% fonétions , crurent avoir befoin de ce fecours, pour confer- ver ou rétablir la pureté de la foi parmi leurs Peuples. Saint + Raymond obtint d la Cour de Rome toutes les Provifions néceflaires. Il aida en même tems de fes confeils Pierre d’Al- balate, Archevêque de Taragone , & les Evêques fes Sufra- gans, pour drefler de concert les Réglemens que les Minif- | tres de la Foi feroient obligés de fuivre dans l’éxercice de leur ivius T. Il, Con- Charge. C'eft ce que nous aprenons des Aëtes mêmes du | Concile de Taragone, où S. Raymond avoit été apellé.
Les Evêques d'Efpagne, en le confultant dans toutes les”
afaires de la Religion, comme faifoient les Princes dans celles
LXIV. ui intérefloient l'Etat , imitoient la conduite de cinq ou fix re a ane Ponufes, qui parurent fe furpafñler les uns les au- Raymond , par les tres dans l'eftime dont ils honoroient ce grand homme , & Parcs Greg. IX, par leur confiance en fes lumieres. Ils lui commettoient fou- a vent bien des chofes , qui apartenoient proprement au Saint IV, Greg, X, Siège, comme d'éxaminer les Evèques & les Abbez élus ; de . confirmer ou de cafler leur Ele&ion, felon qu'il la jugeoit conforme ou contraire aux Canons ; d’afligner une portion
des fruits du Bénéfice à ceux dont 1l recevoit la ceflion , lorf-
que l’âge, les infirmitez, ou d’autres juftes motifs les por-
toient à abdiquer leurs dignitez ; d’excommunier ou d’abfou-
dre des cenfures ; de donner des difpenfes dans des cas , où
il auroit fallu recourir au Siège Apoftolique ; de pourvoir
aux Ofices de l’Inquifition , & quelquefois aux Siéges vacans,
quand après la mort de de ca les Chanoines ne pouvoient
s’acorder fur le choix d’un Pañfteur ; de terminer enfin les
diférends qui avoient obligé Les Parties d’apeller du Jugement
de l'Ordinaire ou Juge Ecléfaftique, à celui du Pape. Ceft
(1) Jacobo Regi Aragoniæ ejus nominis [que alias procul à finibus ejus regni arcen-
rimo inprimis fuafit , ut facrum Inquifitio- | das : atque hanc ob caufam Concilio Pro-
nis Officium fuis in regnis inftitucret, ad | vinciali Tarracone adver{us eofdem fe<ta-
hærefim videlicet , quæ tunc ex nefaria Val- [rios habito juffu ipfns Regis Jacobi inter. denfum feéta recenter exorta.erat, omnef- | fuir. Clem. VII. n. 23.
dans
PP PP mme “Pr OR RU PEROU PEER OS RER EE A
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. «1
dans les Lettres Apoftoliques de Gregoire IX , & de fes Suc- cefleurs, depuis l'an 1236 jufqu’en 1274, que nous trouvons la preuve de tout ce qu'on vient d'avancer (1).
Mais contre notreintention , nous donnerions trop d’éten- duë à cette Hiftoire , fi nous entrions dans le détail de tant de diférentes commifhons , dont la Cour de Rome chargea fuc- ceffivement le ferviteur de Dieu dans le cours de fa longue vie. Pour la même raifon,nous n'avons parlé que d’une partie des fervices qu’il eut ocafion de rendre, ou à fa Patrie, ou à fon Prince. no ne régloit pas toujours fa conduite par- ticuliére fur les maximes Là faint Confeffeur ; mais il ne cef- fa jamais de l’honorer comme fon pere , & de l'écouter com- me le plus fage de fes Confeillers. Il lemployoit avec con-
fiance dans les négociations les plus dificiles , & dont il défi-.
roit ardenment le fuccès. Mariana en raporte un éxemple, que nous choififfons parmi plufieurs autres.
Après la mort de‘l'Empereur Frederic II, Mainfroy s'étant ni maître du Royaume de Sicile , non-feulement fans la- veu du Pape , mais contre la défenfe exprefle du Saint Siège, dont ce Royaume relevoit ; il crut que pour fe maintenir dans la poffeffion de fes conquêtes , il ne pouvoit fe procurer un plus puiffant puy , qu’en s’alliant au Ho d'Aragon , fire- commandable par fa valeur, & fi célébre par fes viétoires. Dans cette vüé, il propofa de faire époufer la Princefle Conf- tance, fa fille unique, à Don Pedre , héritier préfomptff de Jâques I. Le Roi écouta volontiers cette propofition, dans avr de mettre une nouvelle Couronne fur la tête de fon fils. Mais pour ne point irriter le Pape , ouvertement dé- claré contre les enfins de Frédéric, & en particulier contre
Mainfroy , il voulut effayer d’acommoder ce Prince avec le _ Souverain Pontife. L’entreprife étoit dificile. Et le Roi d’Ara- gon ne laiffa pas de fe flater du fuccès , fi la négociation étoit confiée à Raymond de Pegnafort, que Mariana apelle avec raifon , un de plus favans , des plus faints & des plus ha- biles hommes de fon fiécle. Ce grand Perfonnage ne défef-
éra pas lui-même deréuflir. Et l’efpérance d’une paix depuis pe -tems défirée , ou l’obéiffance qu'il faifoit profeflion de sr be à fn Souverain , ne lui permirent point de fe refufer à ce que l’on éxigeoit de lui.
(1) Vide Bullarium Ordinis FF. Præd. T, 1, p. 83,91, 92, 170, 180,184,204,22$, 239, 281,5$22. |
Tome J. F
LIVRE
S. RAYMons». N =: sd
Hift. d'Efpag. Liv. x, p.82. :
Ibid.
LXV.
Le Roi d'Aragon le charge d'une Ambañlide auprés du S. Siéve. .
#2 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES LIVRE Déja plus qu'oftogénaire, en 1261, Raymond entrepris I. le voyage de pi , & fe rendit auprès du Pape Alexandre S. Raymon». IV. fl employa les raifons les plus preflantes, & fe fcrvit de um” toute fon adrefle , ou de toute l'autorité que lui donnoient fa = haute réputation & fon éminente fainteté , pour engager le Pontife à pardonner à Mainfroy , & à terminer à l'amiable leurs diférends touchant le Royaume des deux Siciles. Si les obftacles fe trouvérent fupérieurs à toute l’induftrie humai- ne, la Cour de Rome, & A Te d'Arabon ne parurent pas moins fatisfaites de la maniere , dont le fage Négcociateur s’étoit con- duit , pour demander ce que l’une défiroit avec ardeur , fans ofenfer la délicateffe de l’autre , qui fur ce point étoit extrè- me. Mainfroy fut traité par le Pape, FO nee , de ré- béle & d'impie. Il eft vrai que Sa Sainteté n’avoit que trop de juftes fujets de fe plaindre pa excès de ce Prince. Saint Ray- mond ne prétendoit point les excufer. Mais il vouloit obte- nir fa réconciliation ; elle fut toujours conftanment refufée. Cependant la Princefle Conftance époufa l’Infant d'Aragon , qui ne manqua pas dans la fuite de faire valoir fes droits con-
tre la Maifon d'Anjou. | De retour en Efpagne , le Difcipie de JESUS - CHRIST com toit bien de couler le refte de fes jours dans l’oraifon & le fi- lence. Son grand âge l'invitoit au repos ; & par fes longs tra- LXVI. vaux, il avoit mérité d’en goûter enfin les douceurs. MaisleRoi Le Saint acom- le pma de vouloir l’acompagner encore dans l'Ifle de Major- re que:le Saint obéit. Celui à avoit des raifons de politique pour "entreprendre ce voyage ; & des motifs de religion engagérent celui-ci à fe mettre de nouveau à la fuite de la Cour. Depuis la défaite des Maures, ou du moins depuis le fameux Edit, dont nousavons parlé , les Majorquins faifoient tous profef- fion du Chriftianifme. Mais la plüpart en connoifloient peu l'efprit, & en obfervoient mal les Loix. On n'avoit pas entié- rement bani de cette Ifle les fuperftitions groffiéres & les vices fcandaleux , que les Infidéles y avoient fait long-tems régner. Le défir de contribuer à l’inftruétion & à la converfion de ces peup'es , fut peut-être le feul motif qui obligea Saint Ray- mond à faire ce dernier voyage ; mais l'événement fit connoi- tre que c'étoit pour le falut mème du Roi, que la Providence
lavoit ordonné.
Ce Prince , que les Hiftoriens Efpagnols ne craignent point de comparer aux plus fameux Héros de l'antiquité , avoit en
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 4
éfet toutes les qualitez d’un grand Monarque. Chéri des peu- ples , dont il faifoit la félicité , il aimoit la Religion, proté-
eoit l’'Eglife , avançoit les perfonnes de mérite , faifoit ob- Es les Loix , & entendoit parfaitement la guerre. On pré- tend qu'il avoit livré trente batailles aux Maures, & remporté autant de viétoires. Sa longue expérience , fa profonde poli- tique , fon intrépidité dans les plus grands dangers, & fa fagef- {e dans les Confeils , le faifoient confidérer comme un Prince des plus acomplis. Et felon l’expreffion de Mariana , Jâques I auroit éfacé tous fes Prédécefleurs, s'il eût eu moins de foi- bleffe ou de paffion pour le Sexe. Paflion honteufe , quiternit beaucoup l'éclat de fa gloire & de fes grandes qualitez. C'eft auffi à ce penchant que notre Saint s’étoit toujours opofé , avec tout le zéle d'un homme, qui défiroit ardenment le falut du Prince,& qui raportoit à cela tous fes foins ; parce qu’à cela près , il ne défiroit & n’atendoit rien de lui. Comme:il n’avoit accepté qu’en tremblant un emploi,dontilconnoifloit le poids & les obligations , il ne craignoit pas de repréfenter à fon Pé- nitent , que plus la Providence l’avoit élevé au-deflus de tant de peuples ” lui obéifloient , plus il étoit obligé de leur don- ner l'éxemple de la plus parfaite foumiffon à la Loi de Dieu, & de fe fouvenir de ce qu’a dit un Apôtre ; que c’eft fe rendre coupable du violement de toute la Loi , que de la violer enun point. Don Jâques I écoutoit toujours , finon avec plaifir , du moins avec refpeét , les avertiflemens de cet Ami de Dieu. Il étoit convaincu de la pureté de fes intentions , & il ne pou- voit s'empêcher de l’eftimer , lors même qu'il ne recevoit de lui que des correftions. Acoutumé à prometre toujours , 1l veilloit fur lui-même jufqu'à un certain point & pendant un
LIVRE I.
S. RAYMOND. Dre
LXVII. Grandes qualitez de Don Jäques I.
Hilt. d'Efpag. Live XIV. P. 149.
LX VIII. Obfcurcies par fon incontinence.
LXIX. S. Raymond tra- vaille à le retirer de ce vice.
tems. Mais ge à moins heureux à fe vaincre lui-même,
qu'à triompher de fes ennemis , la préfence d’un objet, qui l'avoitune fois bleffé , faifoit tout-à-coup difparoître fes meil- leures réfolutions. | . Arrivé dans le Royaume de Majorque, Saint Raymond trouva à la fuite de la Cour une perfonne de trop. Il réitéra d’abord fes inftances auprès du Prince, pour le porter à fai- re ceffer le fcandale : & le Roi de fon-côté renouvela les mè- mes promefles qu’il avoit fouvent faites. Mais ce n’étoit ja- mais que des promeffes. Le fage Confefleur , voyant qu'il ne
ouvoit faire renvoyer une perfonne , dont la conduite fai- tort à l'honneur & à la confcience du Souverain , fe crut
F ïi
LXX.
Il veut fe retirer lui - même de la Cour , & Dieu fa- vorife fon deffcin par unc fuite de mi- racles.
LIVRE
S. RAYMOND. À à
AP. Bolland, ÿ I. Pe4ts.
Ibid. p.412.
ss HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
obligé de demander la permiffion de fe'retirer lui-même , & de la prendre cette.permiffon , fur lerefus qu’on lui en fit. La dificuité étoit de trouver un vaifleau, la Cour ayant défen- du à tous les mariniers de tranfporter Raymond de Pegnafort hors de l'Tle, fous peine d'être punis de mort. Ce nouvel obfta- cle, qui ne püt le rendre plus complaifant à l'égard du Prin- ce , fervit à augmenter encore fa confiance en Dieu. Le Pape Clement VIIL,fur le témoignage de plufeurs anciens Auteurs, affure que Dieu récompenfa en éfet la foi & la fermeté de fon Miniftre , par un miracle éclatant qu'il fit en fa faveur , comme il en avoit déja fait plufieurs par fon miniftère en fa- veur des autres. Nous ne ferons que traduire ici cet endroit de la Bulle. | |
Le Bienheureux Raymond, dit le Pape, après avoir inu- tilement employé les priéres , les exhortations , & tout ce que peut infpirer la prudence,animée par une ardente charité, réfolut fagement de s'éloigner de la Éour , de peur qu'il ne parût aprouver par fa préfence , ce que fa confcience con- damnoit. Mais le Roi, qui vouloit lavoir toujours auprès de fa perfonne , .fit menacer de mort quiconque le recevroit dans C4 vaifleau. Le Serviteur de Dieu, quiignoroit encore cette défenfe,fe rendit au Port de Sollar,où 1l fut refufé; & il le fut de même dans tous les lieux où il fe préfenta. Alors plein d'une nouvelle confiance en Dieu , 1l dit à fon compa- ges : Je comprens qu’un Roi de la terre veut nous ôter tous
les moyens de nous retirer ; mais vous allez voir que le Roi
du Ciel faura bien y pourvoir. Ayant ainfi parlé , 1ls’avance d'un pas intrépide vers la mer, étend fon manteau fur les on- des , atache un des bouts en forme de voile à fon bâton, qui lui fert de mât , & ayant fait le figne-de-la-Croix , il fe met deflus avec une entière aflurance.
Pendant que fon timide compagnon , immobile fur Îe riva- ge , fe contente de le regarder dans des fentimens d'admira- uon & de crainte ; un vent doux & favorable poufle cette nouvelle efpéce de vaiffeau , le fait traverfer rapidement les vaftes mers , & dans l'efpace de fix heures , le conduit heureu- fement au Port de Barcelone , éloigné de foixante lieuës de celui d’où il étoit parti. Ceux qui le virent ariver dans cet équipage ; acOururent avec de grandes 'aclamations au devant de lui. Mais le faint Homme, fe couvrant de fon manteau, qui fe trouva aufh fec- que s'il n’avoit pas touché l’eau, fe
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 45
déroba aux yeux de cette populace , & entra dans fon Mo- naftére , quoique les portes en fuffent alors fermées.
LIVRE
Le bruit de ce miracle , continue le Pape , fe répandit aufi- S. Ravmown.
tôt-par tout le pays ; & pour en confacrer la mémoire à la offérité , dans le lieu où le Saint s’étoit mis fur la mer, onfit Pétir une Chapelle ,-qui fubfiftoit encore au commencement du dernier fiécle , & une Tour, dont on ne voit aujourd'hui que quelques reftes (1). | La converfon du Roi Jâques I fuivit de près un événe- ment, qui lui fit faire de falutaires réfléxions. Plus docile dé- formais à la voix de Dieu , il fe remit avec foumiflion fous la conduite de fon faint Direlteur. Il règla dès-lors par fes avis, fa confcience , fa maifon & fes Etats. {I nomma pot de Pegnafort un defes Exécuteurs teftamentaires, & voulut que tous ceux, qui auroient quelque chofe à demander, euffent recours à lui ; & que la Reine , auffi-bien que Don Pedre fon Succeffeur , fiflent éxaétement tout ce que le Serviteur de
Dieu jugeroit néceflaire. Nous verrons cependant que la mort du Saint prévint celle du Prince. | Pour fe préparer lui-même avec plus de recueillement au pañfage de l'éternité , il fe débaraffa autant qu'il lui fut pofii- ble , & que la charité le ne ms , de toute autre afaire. Il ‘pafloit les jours & les nuits dans de fainte$ méditations , ou dans les éxercices de la pénitence , s'éforçant d’ariver à la perfe&tion de la charité , par la déftruétion du vieil Homme.
(1) B. Raymundus in portum perrexit , wbi ab omnibus naviculatoribus communi confenfu rejeétus , cognita Jacobi ds vo- Juntate , in portum Sollar profeétus eff itine- ris fui comiti hoc unum firmiflimè afleve- rans , ibi æternum Regcm non defuturum. At cum neque in eo portu à Nautis admitte- ‘retur , id fecum ipfe demiratus, hoc magnà fide pronuntiavit, Resem quidem morta- Jem ita ftatuifle , fed Regem æternum aliter “provifurum. Iraque omnibus in littore falu- tatis, per quafdam rupes , & prærupta faxa in mare porreéta aliquantulum progreflus in “mare defcendit , ac focium allocutus, vi- debis , inquit, quemadmodum Deus opti- mam Navem providebit. Quare fiducix plenus ,expanfo fuper'aquis pallio , reduà- que ejus orà inftar veli ad baculum quo tan- quam malo uteretur, Dei opem invocans , ac figno Crucis fe muniens, relicto in Infu- Ja fuo modicæ fidei, ac dubitante focio,
mari fe commifit, ac leni, profperoque in- flante vento, perambulans femitas maris, ac bencdicens Deum , qui dominatur pote- ftati ejus, centum fexaginta milliaria fex horis confecit; omnibufaue circum littora infolitum navigandi genus admirantibus, Barcinonem appulit : ubi refumpto pallio, quod ne quidem aquà perfufum crat , ad Monaftcrium fui Ordinis fub meridiem fe contulit ; quodque non miñus admirandum eft, januis claufis illud ingreflus populi ac- clamationes evitans , ad gratias Deo per- agendas , in Templum feceflit. Cujus rei fa- ma totam urbem , finefque illius Le per- vaft. Auxit ctiam hujus miraculi magnitu” dinem eju{dem Jacobi Regis emendatio {ub- fecuta. Exrant autem nr in hunc diem veftigia turris & Capellæ eo in loco , ex quo in mare dcfcenderat , extructa , &c. Cle- ment, VIIL n. 15-26.
Fi
LXXT. Heureux change- ment de Don Ja- ques Î.
LXRII. Retraire de Saint Raymond: renou- vcllement de fer- veur.
46 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE Dans un corps ufé par les travaux, les infirmitez & les an- I. nées , fon efprit fembloit prendre une nouvelle vigueur : & S.Ravmow». fon cœur , toujours rempli de Dieu, ne foupiroit qu'après a |e moment, qui devoit unir pour jamais à JESUS-CHRIST. Lorfqu'il ne fut plus en état d'éxercer le miniftére de la paro- le , fa modeftie toute angélique , dans la célébration des PER Myftéres, prèchoit encore éficacement pour la converfion des pécheurs : nous en trouvons les preuves dans la Bulle de fa Canonifation. Quoique ce faint Homme eût fouvent réitéré fes prières LXXIIT. auprès des Souverains Pontifes , pour n'être plus chargé de Lacraié. & tant de commifons , qui l'arachoient fouvent de fa retraite, obéiffance le font : ; \ .
fortir encore une Gregoire X l’'employa encore à une œuvre de charité, à la- … fois de fa Solitude. a à il lui auroit été trop dificile de fe refufer. Il s’agifloit de terminer , dans la ville de Tarragone , un diférend entre les Religieux de Saint François & ceux de Notre-Dame de la Mercy. Les uns & les autres également chers au Serviteur de Dieu , avoient fouhaité l'avoir pour Médiateur , ou pour Ju-
&° : & le Papé ne voulut point É
imiter les pouvoirs, qu'illui
onnoit pour faire cefler le fujet de leurs PU réciproques.
Il y avoit près de trente-cinq ans que Saint Raymond avoit
abdiqué la chat e de Général de fon Ordre, & que , fans
avoir le titre de Ségat ordinaire du Pape dans la Principauté
de Catalogne , il en faifoit toutes les bis. Celle , dont
on vient de parler , eft la derniére qu'il ait pü remplir. La
Commifion eft datée du 13 Août 1274, & fon heureux décès
ariva au commencement de l’année fuivante. Mais les Saints
trouvent leur repos dans le travail , leur plaïfir dans l’éxerci-
ce de la charité, & leur mérite dans celui de l’obéiffance.
C’eft par de telles on , que notre Héros chrétien s’étoit
rendu agréable à Dieu aux hommes , & qu'il a mérité que
nous difions de lui ce que le Saint-Efprit a dit du Jufte : Ses
LxxIV, Jours ont été trouvés pleins. |
. _.
Derniere maladie Les premiéres nouvelles de fa maladie alarmérent les Fidé-
de S. Raymond. 11 Jes, & atirerent auprès de fon lit tour ce qu'il y avoit de grand
Ron due & dans les R d'Efpagne. Le Roi de Caftille, Don AI- Rois de Caftille & dans les Royaumes d'Efpagne. Le Roi de Caftille, Don
d'Aragon. phonfe X, qui portoit encore le titre d'Empereur , voulant
affer en France, pour conférer avec le Pape après le fecond
Concile de Lyon, s’étoit rendu à Barcelone , avec la Reine
fon époufe , les Princes fes enfans, & Don Emanuel fon fre-
re. Le Roi d'Aragon s'y trouva aufh, avec toute fa Cour. Ils
DE L'ORDRE DE S. DOMINIQUE. 47
vifitérent l’un après l’autre le faint Malade , fe recommandé- rent avec confiance à fes priéres , & voulurent recevoir fa bénédidion. Ilreçut lui-même celle qui termina enfin fon éxil, le jour de l'Epiphanie , fixiéme de Janvier 127$, dans la centiéme année de fon âge (1).
Les deux Souverains honorérent fes funérailles de leur pré- fence , avec tous les Princes & les Princefles de leurs Mai- fons , les Prélats, & les Seigneurs de la Cour, tout le Cler- gé, & la Nobleffe de la Ville (2). On peut dire que ces ho- neurs extraordinaires , qui rendoient témoignage aux vertus éclatantes du Saint , étoient comme les commencemensz ou les préludes du culte qu’on devoit rendre dans la fuite à fa mémoire. Mais , felon l’expreflion de M. Ballet , c’étoitpeu de chofe au prix de ceux qu'il reçut par le nombre & Féclat des miracles , qui rendirent fon Tombeau glorieux.
Le Roi d'Aragon , d'abord après la mort du Serviteur de Dieu , commença à pourfuivre fa Canonifation , que la voix des Peuples demandoit. Ses Succeffeurs renouvelérent fou- vent les mêmes inftances : & plufieurs Papes fe mirent fuccef- fivement en devoir de répondre aux vœux des Princes , & aux preffantes follicitations de toutes les Eplifes d'Efpagne. Enfin après de longs délais , & diférentes procédures , cette Canonifation fut faite avec beaucoup d’apareil l'an 1601 , par le Pape Clement VIIT. Elle avoit été précédée de deux Tranf- lations folemnelles des faintes Reliques. L’Archevêque de Tarragone , aflifté des Evêques de Barcelone , de Vic, &de deux autres , fit la premiére en 1596 par ordre du Pape. La feconde fut faite trois ans après à la priére , & en préfence de leurs Majeftez Catholiques , PhilipeÏIT, & la Reine Mar-
uerite fon époufe. La même année de la Canonifation , on Ft avec encore plus de folemnité, une troifiéme Tranflation
(1) Igitur annos ferè centum natus , cu-
piens diflolvi, & efle cum Chrifto, in le-
thalem morbum incidit , atque Sacramentis omnibus ritè munitus, orantibus ad lectu-
Epifcopi , complures Prælati & Nobiles vi- ti, Cicrus ettam & populus Barcinonenfis univerfus , funus ejus fummäà doloris fignifi- cationc fint profecuti. Communem vero il-
um Fratribus, deficiente fenfim omni vitæ fenfu , ipfo die Epiphaniz Barcinone ob- dormivit in Domino, falutis humanæx an- no 1275. Clem. VIII. 7.34.
(2) Vulgatä cjus morte , ingens homi- num concurfus ad Monafterium videndi causà repentè factus eft : ac tanta fuit fan-
lam ejus fanétitatis famam auctoritate fuà magnoperé auxcrunt Alphonfus Caftellæ, & Jacobus Aragonix Reges , qui ad ejus exe- quias, fuà præfentià cohoneftandos , co- mitantibus filiis', ac domefticis omnibus , fummä cum veneratione . . . convencrunt,
: &c. Tdem. n, 35. étitaris ejus apud omnes opinio , we multi |
LIVRE I.
S.RAYMono. De 14
LXXV. Sa mort.
Vide Boll. p. 413. & Mariana, Hift. d'Efp. Liv. xui. p.130.
LXXVI.
Sa Canonifarion. Diverfes tranfla- tions de fes Reli- ques.
48 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE du faint Corps, pour contenter la dévotion du Clergé , & I. la piété du peuple de Barcelone. S. RAYMOND. L Fête de Saint Raymond, marquée d'abord au feptiéme _.—— (Je Janvier , a té depuis fixée par un Décret de Clement X, au vingt-troifième du même mois. Nous ne parlerons point | ici de ce grand nombre de miracles, par lefquels Dieu fem- | ble avoir pris plaifir de manifeftar la À pra de fon Serviteur , | ou fon crédit dans le Ciel, en faveur de ceux qui ont re- cours à fes intercefhions. Bollandus en a rempli quinze pages dans fon premier Tome des Aëtes des Saints. Mais l'éclat de fes héroïques vertus , & de fes grandes aétions ; les Ecrits pleins de lumière & d'érudition , qu'il nous a laiffés ; cette odeur de fainteté , qu'il avoit répandue dans le Clergé & dans le Cloître ; les éxemples de charité & de fermeté, qu'il a donnés à tous les Miniftres du Sacrement de Pénitence ; le nombre enfin , & le mérite de ceux, qui, formés de fa main, & fidéles à marcher fur fes traces , ont fait du Couvent de Barcelone un Séminaire de Saints & de Savans , toujours prêts à anoncer aux Peuples les véritez du falut , & à déten- dre les Dogmes catholiques contre les ennemis de la Foi: tout cela n’eit pas moins glorieux à la mémoire de Saint Ray- mond , que la yoix même des miracles. |
° SAINT
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 49 SESUSFEV SES EPS ENEN SVEVSV ENST EV ESA S. PIERRE GONCALEZ,
ÂAPELLÉ COMMUNÉMENT S. TELME.
STORGA , Ville d'Efpagne, dans le Royaume de Leon,
fut la Patrie (1) de Pierre Gonçalez, dont les Hiftoriens mettent la naiffance vers l'an 1 190,fous le Régne d’AlfonfelIX, Roi de Caftille. Ses Paneani nobles que riches, le firent éle- ver avec foin dans les Lettres, & dans tous les éxercices pro- ge à une perfonne de fa condition. Mais il parut bien-tôt que es maîtres s’étoient moins apliqués à réformer les inclinations de fon cœur , déja porté au luxe & à l'ambition, qu’à cultiver les talens naturels LA {on efprit. En lui aprennant tout ce qui pouvoit le faire briller dans le monde , on avoit manqué d'a- tention à lui infpirer de bonne-heure ces fentimens de piété , que doit avoir un jeune homme deftiné à l'Etat Ecléfiaftique:
Les du De que fit d'abord Pierre Gonçalez dans l'étude
des belles Lettres, & des Arts libéraux ; le cara@tére de fon efprit aifé, vif, étendu , fon naturel doux & prévenant, fes maniéres nobles ; & peut-être plus que tout cela, les liens du fang , le rendirent fort cher à l'Evèque d’Aftorga , fon oncle
maternel. Ce Prélat complaifant, femblable aux maîtres qu'il
avoit lui-même mis auprès de fon Neveu , fe hâta un peu trop de le charger de Bénéfices. Après l'avoir d’abord pourvû d’un Canonicat dans fa Cathédrale , 1l lui procura bien-tôt la di- gnité de Doyen, pour avoir le plaifir de le voir à la tête de tout le Chapitre, La Religion n’avoit pas infpiré ce choix ; & le Ciel ne le bénit point. Trop flaté par une élévation fi pré- _ Cipitée, la vanité du jeune Doyen éclata avec fcandale. Le Seigneur , dont les deffeins fur fon élû étoient bien diférens de ceux de fes parens ambitieux, l’humilia au jour même de fon triomphe. Mais la même main qui l’avoit renverté , fe fer- vit de cette humiliation pour le changer. a
. Gonçalez, qui pour être Ecléfiaftique, n'en étoit pas moins
(1) Ferdinand du Château , qui a écrie [ence, & que fon oncle étoir Evêque de cet- avec aflez de foin l'Hiftoire de Pierre Gon- | te Eglife, où Gonçalez fit fes premiéres Etu- <alez far les monumens de l'Eolife de Tuy , | des. Mais le fentiment que nous fuivons, prétend qu'il étoitné dans le Diocèfe de Pa- | avec M. Baïllet > ft plus commun,
ome Î, G
LiVRE I.
S. PIERRE
. GONÇALEZ. De." x" "st À Lean. Albert, de Vir. illuitr. Liv. v. tol. 192. Aa Sandor. Te IT. April. p. 389. Malv. pafim.
L Naïiflance de Gonçalez. Ses pre miéres inclina-
tions.
Son élévation précipitée,
so HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE mondain, voulut relever l'éclat de fa dignité, moins par fa L. vertu, que par fon fafte. Ayant reçu le Bref du Pape, qui con- S.Prerre firmoit la nomination de l'Evêque , ou du Chapitre en fa fa- _Gonçazez. vVeur, il choifit la Fête même de Noël pour fe donner en fpec- = tacle au Public. Il parut dans les Places & les Ruës d’Aftorga NII. fur un cheval fuperbement enharnarché , acompagné de plu- , Folk vanité du fieurs jeunes Cavaliers, & fuivi d’une foule de Dos jeune Gon<çalez, - . - - Pendant que la vile populace , dont il recevoir avidement l'encens, ne fe lafloit pas d'admirer fon adreffe , fa taille avan- tageufe , & la magnificencé de fes habits, (qualitez , ou orne- mens qui ne parent guéres un Miniftre des Autels) les perfon- nes ne gémifloient en fecret , plus fcandalifées encore de Ja mole complaifance de leur Evêque, que de la légéreté in- confidérée du jeune Bénéficier. Celui-ci n'étoit guéres en état de faire les mêmes réfléxions. Il continuoit toujours fa mar- che , lorfque fon cheval fit un faux pas, & le jéta dans un bourbier. Aux premiéres aclamations du petit peuple , on en- tendit fuccéder auffi-tôt fes huées & les plus piquantes raille- MT... ries. C'étoit le moment où Dieu vouloit fraper fon coup. Sen- umiliation à Dr à Les produi (a conver. fible à une humiliation bien méritée , le nouveau te ne re- ion, connoît fes égaremens, & aprend enfin à méprifer à fon tour le monde, dont il fe voit fi juftement méprifé. Il ne ferma plus fon cœur à la voix du Saint Efprit. Et la Grace, en pu- rifiant les principes d’un changement fi fubit , lui fit compren- dre, que le Seigneur n’avoit permis cette chûte, que pour l'ata- cher déformais à la Croix de fon fils JESUS-CHRIST , & le faire ariver par les foufrances à une gloire plus folide , que celle qu'il avoit inutilement cherchée dans le monde. 4 Plein de ces beaux fentimens , & fans prendre confeil de Îa chair & du fang ; Gonçalez fe retira d’abord à Palence, réfolu de paffer quelque tems dans l’éxercice de la priére, foit pour s'éprouver lui-même , foit pour connoître plus diftinétement la volonté de Dieu fur l’état de vie qu'il devoit embraffer . Le. dégoût du monde,& le mépris de fes vanitez avoient comnmien- cé l'ouvrage de fa converfion. Et ces premiers fentimens ,, fuccédérent la haine du péché, la crainte falutaire des J uge- mens de Dieu, une douce confiance en fes miféricordes , &c un défir très-ardent de fatisfaire à fa juftice, en confacrant Ÿ. fon corps à la pénitence, & fes talens à l'inftruétion &c au fa- nt lut des Fidéles qu'il avoit fcandalifés. L'Ordre de Saint Domi- que. nique Jui parut propre à l'éxécution.de fes defleins ; il en de-
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. «1 manda l’habit; & il fut un des premiers, qui le reçurent dans le Couvent de Palence.
En changeant d'état, Pierre Gonçalez commença une vie nouvelle, auffi digne d’un Difciple de JESUS-CHRIST , que celle qu'il avoit menée jufqu’alors,étoit peu conforme aux ré-
gles de l'Evangile. Toujours apliqué à fe-dépouiller-de fes an- ciennes habitudes , à réprimer des pañfions immortifiées , ou à
combatre l’orgueil & l'amour propre, il devint en peu de tems un homme nouveau, humble, chafte, modefte, pénitent , atentif à tout ce que l'Evangile & fa Régle lui prefcrivoient. En un mot, il ne négligéa aucun des moyens pouvoient le mettre en état de remplir toute l’étenduë de fa vocation. : On peut bien fupofer que les tentations & les épreuves ne lui manquérent pas. Il avoit eu le courage de quiter le monde u’il avoit trop aimé : & le monde voulut le fuivre , ou le fé- xs jufques sn fa retraite.Les Sages du fiécle,toujours auff éclairés fur la conduite des autres, qu'ils font ordinairement aveugles fur leurs propres befoins , lui dE véoge pe que la prudence fembloit condamner fes démarches ; qu'il auroit dû prendre des années entiéres pour y réfléchir mürement , & ef- fayer fes forces , pouf ne pas les expofer ; qu'un homme nour- ri, & élevé comme il lavoit été, ne pouvoit que rifquer beau- coup fous le poids des auftéritez , qu il venoit d’embrafler. On
Livre I.
S. PIERRE , GONÇALEZ..
VE 5 Pratiques de pé- nirence , & de pic: tés
Epreuves du Set viceur de Dicu.
_convenoit qu’il auroit pà retrancher quelque chofe dans fa.
| premiére maniére de vivre: mais on vouloit qu'il convint auf-
fi, que dans la feconde il s'y trouvoit un autre excès, qu'il
ne fauroit porter. gr donc ; ajoûtoit-on, reprenez une place , que vous feul devez remplir ,‘un rang qui eft dû à votre naiflance & à vos mérites. S'il vous eft permis de mé-
prifer les prières de vos amis , & les vœux de vos illuftres Pa-
rens , mépriferez-vous de même les intérêts d'un Diocèfe, dont la Providence a confié la conduite à votre Oncle ? Vous avez fa confiance , & vous lui devez vos fervices. Il eft en- core tems : feulement ne vous opiniâtrez point à préférer une idée de perfeétion à des devoirs réels, ou à vos premiers en- agemens. Le Cloitre eft faint fans doute ; mais ce n’eft pas feule Ecole de fainteté , que le Seigneur ait ouverte à fes Miniftres. Nous ferons plus édifiés de vous voir toujours Cha- noine , & Doyen par vocation, que Solitaire ou Prédica- teur par votre choix , peut-être par caprice ou par dépit. Le nouveau Difciple de JESUS - CHRIST avoit aflez fre
G iïj
52 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE rs les gens du monde pour les connoiître. * Leurs beaux I. ifcours ne purent le furprendre , ni tous leurs raifonnemens S.Prerre l'éblouir. Il ne fut point tenté de reprendre une dignité, dont Goxçazzz. 1] avoit déja donné la démiffion : & il pria fes prétendus amis, s'ils ne pouvoient fe réfoudre à le fuivre , de vouloir au moins var. l'oublier. Il n’oublia pas lui-même ce qu'il venoit de promet-
Al perévere avec tre à Dieu. Soutenu par cet efprit de ferveur , qu'il l’avoit fait faintes réfolurions. admirer dès les prémiers jours de fa converfion , ily perfévéra avec fidélité, ne ceffant de travailler à fe purifier par les lar-
mes de la pénitence, ou à fe perfettionner par la pratique de
= toutes les vertus. À peine avoit-il fini les épreuves du Novi- Nouvelles Etudes, Ciat , qu’on l’apliqua à l'Etude de la Théologie , 8 des Saintes Ecritures. Cette ocupation, qu'il n’avoit guéres poûtée dans
fon premier état , lui devint dans la Religion quil, agréable ,
u’elle pouvoit lui être utile pour en remplir les obligations.
n en vit les fruits ; dès que l'obéiflance lui permit de faire
valoir fes talens dans le miniftére de la parole. |
= Après avoir paflé la meilleure partie de la nuit, ou dans de
faintes méditations , ou dans le chant des Pfeaumes & des
Cantiques , il employoit le jour entier à inftruire les Fidéles ,
& à travailler à leur fantification. Ses paroles toujours ani-
mées d’une ardente charité, & foutenuës par fes éxemples ,
faifoient naître dans le cœur de fes Auditeurs tous les fenti-
_X. mens , qu'il vouloit leur M Il retiroit les uns du vice, ee. Rs Pré 8 faifoit avancer les autres dans la vertu. Les De libertins , touchés jufqu'aux larmes , en entendant fes Sermons , ve-
noient avec confiance fe jéter à fes piés dans le facré Tribu- nal. Et Dieu, par fon miniftére, fit un fi grand nombre de converfions dans tout le Royaume de Leon, & dans celui de Caftille, particuliérement dans le Diocèfe de Palence , que la réputation de Gonçalez devint célébre parmi les Peu- ples, aufh-bien qu’à la Cour du faint Roi Ferdinand, troifié- me dunom. .
Ce Prince, que le zéle de la Religion, encore plus que le défir de reculer les bornes de fes Etats, ocupoit continuelle- ment à la guerre contre les Infidéles, voulut voir Le Servi- teur de Dieu (1). Il fe connoifloit en Saints, parce que la
(1) .Jam pee totam ferè Hifpaniam San- es Rex non levi jam fufpicione duétus êta viri Dei fama fplendebar, & vires acqui- | fantitatis divi Petri Gonfalvi, eum propè rebat cundo ; atque Regiam Ferdinandi Hif- | fe habere defideravit. Erat hic Cacholicus pani hujus nomus certi implebar ; quando | Prinçeps variis bellorum contra Saracenos
à
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. s3
Grace l'avoit élevé lui-même à une haute fainteté. Ilaimale LIVRE Pere Gonçalez dès qu'il le connut. Et dès-lors il fe propofa 1 de l'avoir toujours près de fa Perfonne, foit à la Cour, foit S.Prenre dans les Armées pendant fes Campagnes. * Tantôt ilécoutoit Gonçarez. avec plaifir les Ére de piété, de modeftie, de Religion, ou de pénitence, que le zélé Prédicateur faifoit aux riches XI. & aux Grands. T'antôt il avoit la confolation d’être témoin ph : AS a 2 de tout ce que l’Efprit de Dieu lui faifoit entreprendre , pour fsme la Cour, & rendre le vice odieux, ou pour infpirer aux Troupes la crainte l'Armée. du Seigneur & de fes Jugemens. C'étoit toujours le Prince,
ui donnoit à fes Sujets l'éxemple de la parfaite docilité , & . rofond refpeét qu'on doit à la les de Dieu. Gonçalez ne {e contenta pas d’affifter de fes falutaires confeils un Sou- verain , fi digne de l'amour des Peuples ; mais par fes priéres, fes vives een » & furtout par l'éclat de fes vertus, . il vint à bout de réformer les mœurs corrompuës de la plu- part des Courtifans & des Gens de guerre. Il vivoit à la paitter, 15 jour d'A. Cour, comme il avoit vécu dans le Cloître ; mêmes auftéri- v‘! tez , même recueillement, mèmes pratiques d'humilité. Une vie fi fainte donnoit un nouveau poids à fes Prédications, & difpofoit les Pécheurs à la pénitence. |
Le Seigneur LL » Pour augmenter fes mérites, per- |
mit que fa vertu füt encore éprouvée par diverfes tentations, dontil le fit toujours triompher. Celles qui lui furent fufcitées de dehors , eurent ordinairement le double avantage , & de lui être utiles, en le confervant dans l’humilité, ou dans la défiance de lui-même , & de contribuer par l'événement à la: converfion de ceux qui en avoient été . miniftres. La li- berté Evangélique , avec laquelle notre Saint déclamoit con- tre les fcandales publics, fans fe laifler intimider par la pré- fence, ni par l'autorité de quelques Grands, dont le mauvais éxemple étoit d'autant plus pernicieux , que leur rang les dif- tinguoit davantage , en piqua vivement a Vo Il y en avoit , ileft vrai, même parmi les plus libertins, qui refpec- toient les correttions & les avertiflemens, dont ils n’avoient
as le courage de profiter. La vie éxemplaire de celui qui Les reprochoit les À y pal de la leur; le zéle Apoftoli- que & défintéreflé, qu'on lui connoifloit ; cette vertu en-
expcdicionibus præpeditus . . . Et Sani vi- ri præfentiam fibi neceffariam judicabat , ut da bello contra Infddles illos gerendo, &
precibus divi Petri, & confilio ejus falubri Juvarctur, Ap. Boll, T. II. April. p. 393,
7, 8e G ii
54 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE fin, quinefe démentoit jamais , & à laquelle le Ciel rendoit I. quelquefois témoignageæpar des miracles : fi tout cela ne tou- S.Prerre Choit pas les malheureux efclaves de la volupté , jufqu’à leur Gonçazez. faire rompre leurs chaînes, ils ne laifloient pas d’aplaudir aux =” difcours patétiques de l'Homme de Dieu. Ils admiroient dans fa pénitence , ce qu'ils auroient voulu eux-mêmes imiter, s’il
en eût moins coûté à leur cœur. Le Prédicateur, difoient-ils ,
fait fon devoir , & il nous aprend le nôtre. Si nous ne pouvons
nous réfoudre à vivre felon fes maximes , avouons du moins
u’elles font faintes, & qu'elles fient bien dans la bouche
hs Saint. |
Tous cependant ne penfoient pas , ou ne parloient pas de
même. La vérité, qui éclairoit les uns, & qui plaifoit aux au-
tres , révoltoit quelquefois ceux, qui, pour fe tranquilifer
dans leurs défordres , aimoient à AE 4 eux-mêmes, &c
s'irritoient contre celui qui leur préfentoit la lumiére. Moins
7 atentifs à éviter les pièges de Satan , qu’à en drefler au faint
On tend des pié- . gesafachater. Prédicateur , ils es la malheureufe réfolution , ou de le
faire tomber , s’il étoit pofhible , ou du moins de le noircir, comme sl étoit tombé. D'une maniére ou d’une autre, ils vouloient l’obliger de fe cacher , & de fe taire. Ils ne cher- | chérent pas long-tems l’indigne inftrument ,qui devoit fervir à leur deffein. Une femme fans pudeur , mais acoutumée à pren- dre toutes les formes , fous lefquelles elle avoit intérêt de pa- roître ; entreprit de venger ceux qui en vouloient au Mini- ftre de JEsUS-CHRIST , & de fe venger elle-même , en le ren- dant complice du crime, contre 7: il ne cefloit de décla- mer. Elle fit plus ; trop flatée de fes funeftes talens , & fe croyant Néja aflurée du coup qu'elle méditoit, elle marqua à ces jeunes Courtifans le tems & le lieu , où ils devoient fe tenir cachés , pour obferver tout, & être témoins de fa vic- toire. Mais ils le furent d’abord de fa PR hypocrifie , bien-tôt après de fon éfronterie, &t enfin de fa confufion. Selon l'expreffion du Sage , la femme impudique eff une foffe Su profonde , & l Etrangere eft un étroit : elle drefle des embi- ches fur le chemin comme un voleur ; (eg elle tuë ceux qu'elle voit n'être pas bien fur leurs gardes. Mais celui qui craint le Sei- XIII. gneur, & qui marche toujours en fa préfence , ne tombe pas triomphe dela Aans le précipice qu'on a creufé fous fes piés. Notre faint
e-
tentation : COM Dé dicateur triompha de la tentation : & par un miracle dela
fion d'une jeune : 7 : ; : Coutifanc. Grace, fon triomphe, en relevant l'éclat de fa fainteté , fervit
DE L'ORDRE DES. DOMINIQUE. 55
à la converfion deplufieurs. Les jeunes hibertins, &la Cour- tifane même , dont ils avoient voulu employer les apas , pour ravir à Gonçalez fon innocence & fa réputation , furent de ce nombre. Profternés aux piés de cet Ami de Dieu, dont la vertu ne leur paroifloit pas moins admirable,que celle du cha- fte Jofeph ; ils confeflérent humblement leur crime , & pro- mirent de travailler de toutes leurs forces à en mériter le par- don , par une vie déformais aufli pénitente , qu'elle avoit été jufqu’alors fcandaleufe. Ils firent ce qu'ils avoient promis , dit un ancien Auteur(1).
Le zéle du Difciple de JESUS-CHRIST redoubla avec fare- connoiflance. Le mérite de fes héroïques vertus , devenu plus frapant par les épreuves , fon PÉCANE V' fut auf plus utile. Et la confiance , dont l’honoroit le Roi de Caftille, parut non-feulement fe foutenir , mais augmenter tous les jours. Les Hiftoriens de la Nation aflurent , que Gonçalez acompagna pendant long-tems ce Prince dans fes expéditions contre les us : & ils atribuent une partie des avantages remportés
ar les Chrétiens , à la fagefle de fes confeils , à la ferveur de Es riéres , ou enfin au bon ordre , qu'il faifoit obferver aux Soldats & aux Oficiers (2). Mais ceux qui prétendent qu'il fe trouva au fameux fiége de Seville , & à la prife de cette Pla- ce , enlevée aux Infdées l'an 1247, font contredits par un plus grand nombre d'Écrivains , qui métent fa mort en l'année précedente 1246. Peut-être ont-ils voulu parler du fige de Cordoue , qui précéda de onze ans celui de Seville. En éfer, lorfque Ferdinand IIT, lan 1136 , fit la conquête de cette Place , féjour ordinaire des Rois Maures , & le Siège de leur Empire depuis qu'ils s'en étoient rendus maîtres l'an 718 , no- tre Saint fe trouvoit à la fuite du Roi Catholique; & il conti- nuoit à rendre fes bons fervices à l'Armée chrétiénne , prefque toujours viétorieufe des Sarafins. |
(r) Czxperunt pravi illius infidiatores [a- erymis crumpentibus compungi ; & apertis protinus januis , ad divi Petri Gonfalvi pe- des proftrati, malitiim fuam confitentes, veniam ab illo humiliter poftularunt. Illa vero impudica fœmina, vifo miraculo , de vafe contumeliæ, ad Deum per pæniten- tiam conver{a, tranflata eft in totius pudici- tiæ valculum , &c. Us fh.r. 394, n. 14.
(2) Quantum vero boni attulerit Chri-.
fianoruu militum Caitris -viri Apoftolici
pe fafis apud Deum precibus , confi- io falubri Regi fuo præftito, & concioni- bus apud milites habiris , fauftus felixque rerum cventus {atis demonftravit. Namque polt ejus in Caftris afliftentiam , non folum gloriofam idem Ferdinandus de Saracenis viétoriam reportavit; {cd eriam urbemillam
florentiflimam , Hifpalim dictam, utique: totius Bœticæ provinciæ unicam Metropo-
lim, ab illorum manibus vi cripuit A4p. Boll ur fh.p.393,n. 8
LIVRE I.
S.PIERRE GONÇALEZ.
XIV. Le Saint fetrouve a la prifc de Cor- doue.
s6 HISTOIRE DES HOMMES ILLUSTRES
LIVRE *La prife de la célébre ville de Cordoue, ouvrit un noùveau I champ au zéle de Gonçalez : heureufement fecondé par la S.Pierre piété d'un Roi felon le cœur de Dieu, il fit dans tous ces ays
GonNçALEZ. CONQUIS, Ce que S. no Jr de Pegnafort avait fait peu dan-
=" nées auparavant dans les Ifles de Majorque & de Minorque,& A qu'il faifoit alors dans le Royaume de Valence. + Modérer cire 0E l’ardeur du foldat viétorieux , fawwer l'honneur des Vierges , & la vie des petits enfans ; purifier les Mofquées , pour les T Lant:37. faire fervir (1) d'Eglifes ; faire chanter les louanges de Dieu, 7 &celles de fon Fils JESUS-CHRIST, où pendant plufieurs fié- cles on n’avoit entendu que celles du “p Prophète Maho- met ; prêcher l'Evangile aux Maures prifonniers ; ménager